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COP21: l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C est-il réaliste?

Le Vif

Le climatologue français Jean Jouzel, prix Nobel de la paix en 2007 avec le groupe d’experts du climat (GIEC), a jugé « ambitieux » l’accord conclu samedi à Paris mais a regretté un manque de moyens pour agir d’ici 2020.

En tant que scientifique, quel regard portez-vous sur l’accord à Paris?

« L’accord, dans son architecture, répond aux critères de succès annoncés par la présidence française (de la COP21): un accord universel et ambitieux, avec l’objectif de températures (leur hausse ne doit pas dépasser deux degrés par rapport à l’ère pré-industrielle), une référence au prix du carbone, le fait que soient mentionnés les 100 milliards (de dollars par an, promis par les pays développés pour aider les pays les plus pauvres).

Ma déception, c’est le pré-2020 (date d’entrée en vigueur de l’accord). C’est essentiel d’agir aussi avant 2020 et il n’y a pas de réelle ambition sur ce point-là. L’accord n’impose pas de révision des engagements actuellement pris par les pays (qui placent le monde sur une trajectoire de trois degrés) avant 2025. Ce sera trop tard pour le 1,5°C et très difficile pour le 2°C. Le seul espoir, c’est qu’il y a une invitation à remonter l’ambition avant 2020, mais c’est une simple invitation… »

L’objectif de tenter de contenir le réchauffement à +1,5°C, chiffre figurant aux côtés de l’objectif officiel de 2°C, est-il réaliste?

« 1,5°C c’est un rêve, c’est certainement trop ambitieux mais cet objectif est vraiment légitime pour les pays les plus vulnérables. Ils sont menacés par la hausse du niveau de la mer, des cyclones qui risquent de devenir plus intenses, des récifs coralliens mis à mal. 1,5°C au lieu de 2°C pour eux, ça compte. Mais cet objectif paraît irréaliste, cela voudrait dire qu’on aurait le droit à cinq ou dix ans d’émissions au rythme actuel au maximum… J’aimerais mieux qu’on fasse tout pour se mettre sur une trajectoire de 2°C, qui est déjà un objectif difficile. Mais c’est l’objectif à tenir si on veut pouvoir s’adapter aux effets du changement climatique. »

Vous étiez à Copenhague en 2009, où la communauté internationale avait échoué à s’entendre. Qu’est-ce qui, cette fois, a permis un accord à Paris?

« Ce qui a changé fondamentalement, c’est qu’on parlait à Copenhague des solutions mais qu’on ne les entrevoyait pas. Désormais, les renouvelables se sont développés et deviennent compétitifs dans certains pays. Les voitures électriques, dont on souriait parfois, avancent. Il y a un espoir de voir les émissions de CO2 commencer à stagner cette année au niveau mondial, parce que la Chine s’est lancée dans les renouvelables et l’efficacité énergétique. J’espère juste que l’Inde (où les émissions sont en forte croissance) pourra prendre le même chemin que la Chine. »

Propos recueillis par Anthony LUCAS, pour l’AFP

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