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Comme à Tirlemont, que faire en cas de pollution olfactive ?

Muriel Lefevre

Il arrive qu’une odeur nauséabonde effleure votre nez, voire que les effluves s’incrustent pour longtemps. Vers qui se tourner si le parfum des roses n’est plus qu’un lointain souvenir ?

Une odeur. Voilà quelque chose de subjectif. Car sa puissance de nuisance peut varier pour chacun. Il suffit pour s’en convaincre de renifler son entourage. Certains apprécieront un parfum vanillé, alors que d’autres crieront à la cocotterie. Ce ne sont là que de légers désagréments. Dans certains cas, c’est beaucoup plus grave. Par exemple à Tirlemont, où c’est toute la ville qui empeste. Certains jours, toute la bourgade est embaumée d’une odeur qui serait un savant mélange « entre l’oeuf pourri, l’égout, le rat crevé et l’étron », est-il précisé sur la page Facebook « Tienen stinkt » (Tirlemont pue), qui est dédié au phénomène. Ils sont nombreux à se plaindre d’une odeur à ce point nauséabonde qu’elle donne envie de vomir et mal de tête.

Certains habitants de Tirlemont suggèrent que la raffinerie et l’usine d’acide citrique, toutes les deux proches de la ville, ne seraient pas totalement étrangères au phénomène. Toutes deux démentent pourtant fermement et signalent que les odeurs décrites ne correspondent pas avec celle dégagée sur leurs sites. Et que, si mauvaise odeur il y avait, tout était fait pour en limité l’impact. On notera surtout que rien, ni la nuisance ni la source, n’a été établi officiellement.

Un habitant de Tirlemont relève pourtant depuis trente ans dans un carnet chaque vague de pestilence. Il n’a jamais cessé de se plaindre sans que l’odeur ne disparaisse pour de bon. « Elle se manifeste certes de manière moins fréquente, mais quand elle surgit, c’est avec davantage de force. » Les plaintes sont pourtant prises au sérieux et sont systématiquement transmises à l’inspection de l’environnement. Celle-ci espère pouvoir en déterminer l’origine, mais ce n’est pas encore le cas.

Les Quaregnonnais, et plus précisément les habitants de Wasmuël, sont eux aussi à bout. Cela fait plusieurs semaines que la puanteur gâche leur quotidien. Les effluves gagneraient encore en puissance la nuit, au point de les réveiller. Ici aussi on n’arrive pas à déterminer la cause de ces odeurs. L’intercommunale Idea, pointée du doigt par certains, décline ici aussi toute responsabilité.

Une odeur est par essence personnelle et fugace

Dans le cas de Tirlemont et de Wasmuël, on constate qu’établir une nuisance olfactive et déterminer son origine est une chose compliquée. Celle-ci est difficile, voire impossible à mesurer. Elle est par essence fugace et perçue par chacun de façon différente. S’il existe bien ce qu’on appelle des nez électroniques, il ne mesure que la condition chimique de l’air et non son « odeur ».

Pour rappel, les odeurs sont généralement dues à une multitude de molécules différentes, en concentrations très faibles, mélangées à l’air que nous respirons. La valeur hédonique des odeurs, soit leur caractère plus ou moins plaisant, est façonnée par l’expérience, la culture, le contexte. Elle peut aussi être dictée par les propriétés physico-chimiques des molécules odorantes. L’appréciation, ou non, d’une odeur est donc une chose très personnelle. Elle peut varier d’un individu à l’autre, d’un groupe social à l’autre et même évolué pour une même personne en fonction du moment de la journée.

Votre nez s’habitue à certaines odeurs. Par exemple vous ne sentez plus l’odeur de votre maison ou de votre parfum. Pamela Dalton, experte du centre de recherches Monell à Philadelphie aux États-Unis et psychologue cognitiviste, a passé 20 ans à étudier la mémoire des odeurs et cette cécité du nez. Selon elle, la première fois qu’une odeur parvient aux narines, les récepteurs olfactifs envoient un message au cerveau. Celui-ci conditionne la réaction de notre corps à cette odeur. Sauf qu’au bout de seulement deux respirations, les récepteurs olfactifs commencent déjà à saturer. Du coup l’intensité de l’odeur s’estompe parce que votre cerveau, ne se sentant pas attaqué, l’a assimilé et n’y prête plus attention au point de l’oublier. Par contre, c’est aussi pour cela que nous décelons rapidement les odeurs étranges ou anormales ou comme les odeurs de brûlé ou nauséabondes. « Dès qu’il y a quelque chose de nouveau dans notre environnement, cela prend le dessus sur tout le reste. » dit-elle encore dans Atlantico.

Comment définit-on une mauvaise odeur, ou tout du moins une odeur qui est au-delà du supportable ?

La nuisance olfactive se définit comme tout dérangement important et régulier de notre paysage olfactif. Il existe 7 facteurs bien précis qui peuvent transformer une odeur en nuisance. La première est la fréquence. Si la mauvaise odeur se présente trop souvent, par exemple. La seconde est la durée qui va transformer un fumet en agent perturbateur et sera source de stress externe. Il y a ensuite le niveau de l’odeur puisque l’intensité réduit le caractère hédonique de l’odeur et ce peu importe sa nature. Une odeur dérangera davantage le matin ou le soir, mais aussi en été, car les fenêtres sont alors généralement ouvertes. L’origine de l’odeur joue également un rôle. Si on a l’impression que l’odeur est nocive, par exemple si l’on pense qu’elle est d’origine chimique, la tolérance va chuter en flèche. Enfin, l’endroit où l’on se trouve a aussi son importance. Des gens avec des habitudes urbaines auront plus de mal avec des odeurs issues d’activités économiques rurales par exemple.

Ou porter plainte ?

Si vous êtes victime de pollution olfactive, plusieurs solutions s’offrent à vous. La première chose à savoir c’est qu’il n’existe pas de législation spécifique pour la pollution olfactive. Il n’y a pas de loi qui permette de sévir contre une mauvaise odeur. Par contre, si l’odeur est le produit d’une action ou d’une situation en condition d’infraction, il y a possibilité d’agir. Chaque cas de pollution olfactive s’étudie donc au cas par cas et va avoir des répercussions qui font fortement dépendre de l’origine d’une telle nuisance. Une chose est cependant acquise : on a tous, par la constitution, le droit de vivre dans un environnement sain. Ce qui signifie que si la pollution olfactive ne se transcrit pas seulement par un inconfort olfactif, mais bien par une pollution qui représente un danger pour la santé, comme des produits chimiques par exemple, il y aura des actions avec effets immédiats.

Si vous subissez des nuisances ou de la pollution, vous pouvez vous adresser au service Environnement de votre commune qui pourra renvoyer vers le service inspection de la région le cas échéant. Les experts mandatés doivent alors aller littéralement « renifler » le délit sur place, nous dit Vincent Cauchie, directeur de l’inspection et des plaintes à Inter Environnement Bruxelles. Pour cela faut-il encore pouvoir déterminer la source. Pas toujours simple, puisque l’odeur peut avoir disparu. Mais pas forcément impossible. Par exemple, à Bruxelles environnement, on a enregistré une septantaine de plaintes pour pollution olfactive lors des douze derniers mois, ce qui représente 13 % des plaintes pour pollution. Dans un peu moins de 10% des cas, on n’a pas pu déterminer la source. Les principales plaintes concernaient les odeurs issues des installations de chauffages comme les chaudières à mazout ou à bois. Or si celles-ci ne respectent pas la législation, il a facilement moyen d’agir. La seconde cause de plainte est l’odeur dégagée par certains restaurants. Un domaine plus délicat puisqu’il ne faut pas un permis d’environnement pour ouvrir un restaurant et parce que les possibilités législatives se situent donc plus au niveau de l’horeca et de l’hygiène.

Pour conclure, Vincent Cauchie précise aussi qu’il n’est peut-être pas toujours nécessaire de porter plainte, la solution est parfois plus pragmatique. Par exemple, si vous constatez de fortes odeurs d’égouts dans ou autour de votre maison, il suffit parfois d’appeler un plombier pour qu’il vérifie les siphons. Une plainte peut également être superflue en cas de pollution brève et unique, car la source sera alors pratiquement impossible à identifier. Enfin si vous avez identifié votre voisin comme étant la source de la nuisance, il est parfois plus judicieux de commencer par aller lui parler pour trouver un arrangement ou, en cas de blocage, de passer par le service de médiation de la commune.

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