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À cause du braconnage, de plus en plus d’éléphanteaux naissent sans défenses

Stagiaire Le Vif

En Afrique, le commerce de l’ivoire a des répercussions visibles sur les éléphants. Les individus porteurs de défenses étant tués, ceux qui en sont dépourvus se reproduisent davantage et transmettent ce gène.

Dans le parc national de Gorongosa, au Mozambique, 90 % des éléphants ont été tués lors des quinze années de guerre civile, entre 1976 et 1992. Selon Joyce Poole, directrice scientifique de l’asbl Elephant Voices et exploratrice pour National Geographic, leur population est passée de 4 000 individus à quelques centaines durant cette période. Ils ont été massivement chassés pour nourrir les combattants, et surtout pour financer leurs armes grâce à la vente d’ivoire.

A cause du braconnage, de moins en moins d'éléphantes d'Afrique arborent des défenses, alors que peu de mâles s'en trouvent dépourvus.
A cause du braconnage, de moins en moins d’éléphantes d’Afrique arborent des défenses, alors que peu de mâles s’en trouvent dépourvus.© Getty Images/iStockphoto

Le braconnage n’a pas seulement eu un impact sur leur effectif : il a aussi profondément modifié leur patrimoine génétique. Normalement, les femelles d’Afrique sans défenses sont une exception, qui ne concerne que 2 à 4 % des naissances. Or celles-ci ont été davantage épargnées par les chasseurs, et ont donc eu de meilleures chances de transmettre leurs gènes. Résultat : sur les 200 femelles ayant survécu au massacre, 51 % n’avaient pas de défenses. Et parmi la génération née à la fin de la guerre, un tiers en étaient aussi dépourvues.

La taille des défenses aussi impactée

Les répercussions du braconnage ne s’observent pas qu’au Mozambique. Au début des années 2000 en Afrique du Sud, à la suite d’une intense vague de chasse, 98 % des femelles du parc Addo sont nées sans défenses. Le phénomène ne semble cependant pas irréversible. D’après une étude sur les pachydermes du parc tanzanien de Ruaha, qui a été fortement touché dans les années 1970-1980, ce sont surtout les femelles âgées qui seraient « sans défenses » : 35 % des éléphantes de plus de 25 ans, contre 13 % des 5-25 ans. L’étude en question doit encore être publiée.

L’impact du braconnage sur la taille des défenses a, lui, bien été démontré. Lors d’une étude publiée en 2015 par l’université de Duke et le Kenya Wildlife Service, les défenses d’éléphants capturés dans les années 1960 et 2000 ont été comparées. Ces derniers, mâles et femelles ainsi que leur descendance, possédaient des défenses de 20 à 30 % plus petites que les individus du siècle précédent.

Les défenses d'éléphants ont rapetissé entre les années 1960 et 2000, sous la pression du braconnage.
Les défenses d’éléphants ont rapetissé entre les années 1960 et 2000, sous la pression du braconnage.© REUTERS

Un mystère génétique

Les chercheurs étudient actuellement le comportement des éléphants sans défenses, des outils précieux pour la parade ou le forage de puits. Ils tentent également de comprendre comment se transmet ce gène, « un mystère » selon le biologiste Shane Campbell-Staton. En effet, l’absence de défenses semble être une caractéristique léguée via le chromosome X, puisqu’elle affecte les femelles de façon héréditaire et disproportionnée. Or, selon cette logique, beaucoup de mâles devraient aussi être touchés… ce qui n’est pas le cas.

« Les mâles dépourvus de défenses sont extrêmement rares chez les éléphants d’Afrique », observe Shane Campbell-Staton. Joyce Poole confirme : elle n’a pas rencontré plus de quatre mâles dépourvus de défenses au cours de sa carrière. Ces dernières leur sont en effet indispensables lors de la période de reproduction, mais ne semblent pas avoir de réelles incidences dans la vie des femelles. D’après Joyce Poole, les éléphants sans défenses arrivent à contourner ce problème par adaptation (en se tournant vers des écorces plus tendres, consommables avec les dents par exemple) ou grâce à l’aide de congénères pourvus. Se pourrait-il donc que l’absence de défenses ne soit pas seulement génétique, mais aussi une réelle adaptation face au danger ? Les études sont en cours.

Juliette Chable

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