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Waterloo 2015 : la guerre est totale

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Il y a déjà une odeur de poudre au futur mémorial de Waterloo. Les concurrents à sa réalisation se livrent une lutte sans merci. Conséquence d’une gestion déplorable du dossier par la Région wallonne…

Le champ de bataille risque d’être jonché de cadavres, comme il y a deux cents ans. La guerre que se livrent les candidats au marché du nouveau mémorial de Waterloo est devenue violente. Les manoeuvres en cours visent à éliminer l’adversaire purement et simplement. Du jamais vu dans le petit milieu des scénographes et concepteurs d’expositions en Belgique. En effet, la société Tempora vient de lancer des actions en justice contre deux membres de la Belle Alliance. Cette dernière réunit sept sociétés qui se sont alliées avec Gérard Corbiau (Le Maître de musique) pour présenter un projet concurrent à Tempora.

Explication : le nouveau mémorial, dont le bâtiment est en construction au pied de la butte du Lion, doit accueillir une scénographie grandiose consacrée à la bataille de 1815, avec en point d’orgue une reconstitution filmée en 4D. C’est ce marché lancé par la Région wallonne qui fait l’objet d’une querelle intense, depuis plusieurs mois maintenant. La conception de la scénographie avait été attribuée en 2006 à la société Tempora, alliée avec Franco Dragone pour la partie filmée. En mars dernier, curieusement, la Région décidait de revoir sa copie et de lancer un nouveau marché « clé sur porte » (de 6 millions d’euros) incluant la conception et la réalisation de la scénographie. On repartait, dès lors, de zéro. Or, en étant sur le coup depuis cinq ans, Tempora avait une sacrée longueur d’avance sur ses concurrents éventuels. Lesquels ont vite fait de relever plusieurs anomalies dans le nouvel appel d’offre.

Une bataille sanglante

Ce fut le début des hostilités. L’administration wallonne a donc revu son cahier des charges. Et pour mieux se mesurer à Tempora, les sept autres candidats ont décidé de s’unir autour d’un projet commun, en persuadant, par ailleurs, le réalisateur Gérard Corbiau de signer le film 4D. La bataille s’annonçait rude. Elle est sanglante. Alors que le gouvernement wallon ne s’est toujours pas prononcé sur les deux projets en compétition (remis début septembre), Tempora a décidé d’éplucher les comptes et la situation juridique de ses concurrentes. Elle a lancé une action en cessation contre deux sociétés de la Belle Alliance, l’ASBL Europa 50 et la SA EO-Design, pour les mettre hors-jeu dans le match Waterloo 2015, minant ainsi les chances de survie de l’alliance elle-même. Elle pointe des « aides illégales », dans le chef de l’une, et des « fonds propres négatifs », dans le chef de l’autre. La première action a partiellement abouti puisque, le 15 novembre, le tribunal de commerce de Verviers a astreint Europa 50 à abandonner son statut d’ASBL dans un délai d’un mois.

Une guerre de tranchée : voilà où en est le chantier de la scénographie du mémorial, à 600 jours de la célébration du bicentenaire. Le résultat d’une gestion déplorable du dossier par la Région wallonne et les ministres successifs du Tourisme depuis 2005 (Serge Kubla-MR, Benoît Lutgen-CDH et Paul Furlan-PS). Le marché de la scénographie avait déjà fait l’objet d’un scandale, il y a huit ans, pour manque de partialité du jury désigné. Il avait fallu lancer un nouveau marché. Aujourd’hui, après avoir encore modifié l’appel d’offre, la Région laisse les candidats se livrer à une guerre totale. Franco Dragone, lui, s’est définitivement retiré de la course. Waterloo 2015 ne mérite pas ça. D’autant qu’en Grande-Bretagne, comme au Canada, loin de ce désastre, les tour-opérateurs se frottent les mains, paraît-il. Plus de 70 000 visiteurs sont attendus en juin 2015. L’engouement est déjà énorme.

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