Etienne Dubuisson

Wallonie ….situation abracadabrantesque ?

Etienne Dubuisson Conseiller communal - Fondateur de PROXIMITÉ

La démultiplication des structures de pouvoir et du nombre de mandataires sont, non seulement, impressionnants mais ils constituent aux yeux du citoyen, un véritable labyrinthe. Cette situation, onéreuse pour le trésor public, est encore accentuée en Wallonie.

Depuis les années 70, la Belgique unitaire a évolué vers un Etat fédéral …. « à trois étages« . Le niveau supérieur est constitué « de l’Etat fédéral, de 3 communautés et de 3 régions qui sont tous égaux en droit » comprenant chacun un «  parlement » ou un pouvoir législatif et un «  gouvernement » ou un pouvoir exécutif. Soit, six gouvernements, 56 ministres ou secrétaires d’État, six parlements et plus de 450 parlementaires fédéraux, régionaux ou communautaires[1] !

Pour être complet, il faut encore préciser qu’au premier étage de cet édifice tout à fait particulier se trouvent les 589 communes et au second les 10 provinces et leurs 574 conseillers provinciaux et 52 ministres provinciaux ou députés provinciaux élus parmi les conseillers.

La démultiplication des structures de pouvoir et du nombre de mandataires, sans oublier les différents organismes parapublics qui participent à la gestion du pays, sont non seulement impressionnants mais ils constituent aux yeux du citoyen, un véritable labyrinthe. Cette situation, onéreuse pour le trésor public, est encore accentuée en Wallonie par le doublon région-communauté qui ne peut que diluer les responsabilités de nos mandataires, diminuer la cohérence de leur action et par la même occasion, accentuer le profond désintérêt pour la politique[2]…..En outre, elle permet des situations incongrues telles que seul notre pays est susceptible de connaitre avec, aujourd’hui, six gouvernements et six majorités différentes. Invraisemblable jusqu’il y a peu, la communauté et la Région wallonne, deux structures voulues proches l’une de l’autre et complémentaires, issues d’une même élection, n’ont aujourd’hui plus la même majorité ! Des éléments de la majorité de l’une se retrouvent dans l’opposition de l’autre !! Ajoutons à cette situation ubuesque, que certaines matières non seulement sont gérées par des gouvernements de majorités différentes, mais que la limite des responsabilités n’est vraiment pas précise aux yeux des administrés…. Citons à titre d’exemple que la communauté a un ministre de la culture et de l’enfance (Alda Créoli – CdH), un ministre de la jeunesse (Isabelle Simonis – PS) et un ministre d’aide à la jeunesse (Rachid Madrane – PS). En matière d’enseignement, la même communauté à un ministre de l’enseignement supérieur (Jean-Claude Marcourt – PS), un ministre de l’enseignement de promotion sociale (Isabelle Simonis – PS) et un ministre de l’éducation (Marie-Martine Schyns – CdH)….. Bref pour ce qui concerne la jeunesse et l’enseignement dans son ensemble, cela fait six ministres ! …si le sport dépend de la communauté (Rachid Madrane PS), notons que les infrastructures sportives dépendent de la région (ministre MR Debue)….avec des majorités régionale et communautaire différentes et opposées, cela ne peut que compliquer la gestion de la Wallonie. Enfin, n’oublions pas que la communauté et la région ont toutes deux un ministre président alors que précédemment un seul suffisait et pour gérer tout cela, un ministre de la fonction publique, un ministre du budget…en communauté comme à la région et fort heureusement de part et d’autre, un ministre en charge de la simplification administrative !!!

Outre la région, la communauté, les provinces et les communes, un véritable chapelet de fiefs politiques divers, sous la forme d’intercommunales, de para provinciales, de para publiques ou autres, a été mis en place. Cela a peut-être du sens, mais la société en doute et ne comprend plus ses « responsables » intemporels et omni compétents qui, pour nous rassurer, se gaussent de bonne gouvernance, de transparence, de rationalisation, de simplification ou encore de concertation. Elle est fatiguée d’entendre ces mêmes responsables politiques présenter des plans de redressement[3] successifs alors que la dette estimée aujourd’hui à plus de 20 milliards[4] ne cesse d’augmenter. Ils en ont assez d’attendre l’équilibre budgétaire qui n’arrive pas ou le retour à la prospérité tant annoncé, alors que le taux de chômage des jeunesest aujourd’hui de 27.9%. Et sur le terrain, on ne compte plus le nombre de jours d’hospitalisation et les incapacités de travail[5] en augmentation dans les administrations wallonnes, les grèves qui paralysent essentiellement la région[6] sans que des mesures efficaces ne soient prises par nos dirigeants. On constate l’incapacité de nos élus à maintenir les routes en bon état, à régler les problèmes récurrents d’inscriptions scolaires ou à combattre la surpolitisation des administrations régionales et communautaires. On constate l’incapacité du système….

Un sérieux problème d’acceptation existe donc, car le fossé avec les citoyens ne cesse de s’approfondir et n’a jamais été aussi béant qu’aujourd’hui. La structure actuelle de notre région a éloigné les élus de leurs administrés. Hormis la commune, il n’y a plus de pouvoir proche des citoyens. Les provinces, qui assumaient et devraient encore assumer ce rôle d’intermédiaire et de courroie de transmission, sont actuellement pratiquement déshabillées et inconsistantes au profit des lointaines et omnipotentes région et communauté très politisées.

Alors….. ! Qui nous expliquera, justifiera et nous convaincra de « l’indispensable nécessité » de maintenir une communauté et une région ?

Et si, avec un brin d’imagination, d’audace et de courage politique, on repensait la Wallonie autrement pour lui donner une nouvelle impulsion ?

Et si on essayait de l’améliorer en réinjectant une dose de citoyenneté, en proposant de nouvelles règles de gouvernance, en réformant et en simplifiant ses structures avec l’aide des citoyens et non pas uniquement avec les mandataires qui, enfermés dans leur souci de pouvoir, en vivent et en font profession ?

Et si nous n’avions plus qu’un seul parlement et qu’un seul gouvernement pour la région et la communauté ? Et si les conseils provinciaux étaient uniquement composés d’un mandataire désigné par chaque commune ?

Et si les dix conseils provinciaux étaient représentés au parlement wallon comme ce dernier est lui-même représenté au parlement fédéral [7] ?

Grâce à une structure régionale allégée, mais plus liée, on réduirait déjà de moitié le nombre de mandataires régionaux [8], soulagerait le trésor public et responsabiliserait les ministres en les rapprochant de leurs administrés. Cela aurait également pour effet de donner un nouvel élan, de susciter certaines candidatures citoyennes au niveau communal et de permettre à quelques mandataires communaux de siéger au niveau provincial et même régional en échappant éventuellement au filtre des partis. C’est aussi une manière, parmi d’autres, de provoquer un renouvellement partiel de la classe politique. Quant aux communes, mieux représentées, elles bénéficieraient d’un relais et d’une influence plus directe et plus proche de leur gouvernement ?

Cette vision de la Wallonie ne peut s’imposer qu’en déléguant aux provinces un véritable pouvoir politique et en leur permettant de devenir un intermédiaire incontournable entre les communes et la région. Cela suppose de les responsabiliser dans des matières qui pourraient leur être partiellement ou totalement déléguées par le gouvernement fédéral ou wallon et notamment le contrôle des intercommunales superpuissantes, mais également et éventuellement l’aménagement du territoire, l’environnement, le logement, l’aide sociale, la lutte contre la pauvreté, le tourisme, les transports publics et la mobilité, les zones de secours et de police …

Certes tout n’est pas dit, mais de cette manière, avec moins de mandataires, avec des structures simples et compréhensibles pour tous, on contribuera à redonner la niaque aux Wallons et à leurs entreprises ainsi que leur fierté perdue…. un moteur pour le succès et de la réussite !

[1] 450 parlementaires élus pour plus de 600 sièges dans les différents parlements fédéraux, régionaux ou communautaires

[2] « 87% des Belges estiment que les partis sont corrompus » . Le Vif N°23 page 29 du 9juin 2017 – « Le portrait-robot de l’élu(e) de demain.

[3] 1999 contrat d’avenir – 2002 contrat d’avenir actualisé – contrat d’avenir renouvelé horizon 2010 – 2005 Plan Marshal – 2015 Plan Marshall4.0

[4]Christophe Lacroix – ancien ministre du budget de la Région wallonne – Le Soir – 7 novembre 2016

[5] François Desquesnes – Député wallon (CdH) :Mai 2017 -Taux d’absentéisme 2016 : Wallonie : 8,6 – Bruxelles : 5,06 – Flandre : 5,64.

[6] Deux fois plus élevé que la moyenne européenne. – 80 jours par 1000 habitants en 2013 (dernières statistiques européennes)

[7] Le parlement fédéral est composé de : 29 sénateurs du parlement flamand et du groupe néerlandophone du parlement de la région de Bruxelles-Capitale auxquels il faut ajouter 6 sénateurs cooptés par le groupe néerlandophone.20 sénateurs francophones du parlement de la communauté française ; du parlement de la Région wallonne et du groupe francophone du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale; plus 4 sénateurs cooptés par le groupe francophone.d’un sénateur du parlement de la communauté germanophone.

[8] Suppression des 223 mandataires provinciaux.

« Pourquoi PROXIMITÉ ? », « Parole de citoyen », « Plus de transparence, plus de démocratie » et « La province ou le pouvoir incompris » – font partie d’une série d’articles récents publiés par PROXIMITÉ. Ils relatent l’intérêt d’avoir, en démocratie, un groupe totalement indépendant et libre de sa parole face aux « professionnels de la politique ». Ils dénoncent également les causes qui entraînent le désintérêt des électeurs face à quelques élus – toujours trop nombreux – ayant abimé l’image de la démocratie et trompé leurs électeurs en servant leurs intérêts personnels plutôt que celui du bien commun. Il est temps à présent d’attirer l’attention de l’électeur sur un certain niveau de pouvoir dont l’utilité et la nécessité sont mises en doute.

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