Patrick Charlier, directeur d'Unia, monte au créneau contre les discriminations linguistiques. © Christophe Licoppe/photo news

Vous êtes discriminé sur la base de votre langue ? Aucune instance officielle ne peut vous aider…

Le Vif

Pouvoir parler sa langue : un droit élémentaire de chacun ou une revendication francophone, qui confinerait le débat à l’arène communautaire ? Cette question controversée empêche, depuis dix ans, la pleine application des lois antidiscrimination dont l’évaluation est en cours à la Chambre.

Vous êtes discriminé en raison de vos opinions politiques, philosophiques, de vos handicap, origine, santé, âge, orientation sexuelle ? Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances peut traiter votre plainte. Idem pour l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, en ce qui concerne votre genre. Vous êtes discriminé sur la base de votre langue ? Aucune instance officielle ne peut vous aider…

Or, une de ces lois, visant notamment à combattre les discriminations linguistiques, impose la désignation par arrêté royal d’un organe chargé de traiter les plaintes y relatives. Mais, depuis 2007, aucun gouvernement ne s’est exécuté. Unia se propose d’assumer cette compétence. Patrick Charlier, son directeur :  » Depuis dix ans, nous recueillons, par an, de 120 à 150 signalements liés à des discriminations linguistiques (2 à 4 % de l’ensemble), sans pouvoir les traiter. Ce n’est pas une question communautaire : nous avons accueilli quelqu’un qui postulait dans une entreprise en Flandre et qui a été refusé parce qu’il a un accent west-flandrien ! On lui a objecté qu’il ne serait pas compris par ses collègues… Il n’y a pas lieu de distinguer la langue des autres critères de discrimination. Nous avons développé une expertise de recherche de solutions extrajudiciaires.  »

Hendrik Vuye (Vuye&Wouters, ex-N-VA) réplique :  » En accordant cette compétence à Unia, qui doit prouver son expertise, nous ouvririons la boîte de Pandore. Unia polarise le débat. Dans une matière aussi technique que la législation linguistique, les litiges doivent être traités par les juges du Conseil d’Etat. La matière linguistique est traitée de façon institutionnelle. Nous avons des régions linguistiques. Il y a tout un historique là derrière.  »

DéFI (opposition) a déposé une proposition de loi qui vise à étendre les compétences d’Unia aux discriminations linguistiques, ou plutôt de supprimer, dans le texte de 2007, l’exception du motif linguistique. Soutenue par l’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre, elle a été cosignée par l’opposition PS-CDH-Ecolo-Groen.  » Je vais tenter de convaincre d’autres élus néerlandophones de cosigner notre texte « , nous dit Olivier Maingain, le président de DéFI, mais je crains que, dans la majorité actuelle, sous l’influence de la N-VA, les néerlandophones soient totalement bloqués à l’idée d’une telle proposition…  »

Karin Jiroflée (SP.A, opposition) prône la désignation d’un organe compétent :  » Unia dispose de l’expertise voulue. Je ne vois pas de raison de ne pas soutenir cette proposition.  » Quant à Damien Thiéry (MR, ex-FDF/DéFI, majorité), il déclare que  » l’objectif est de pouvoir traiter le plus rapidement les plaintes liées aux discriminations linguistiques. Et si l’on me prouve que cette proposition de loi est le seul moyen d’y arriver, on la soutiendra.  »

Reste à convaincre le Premier ministre, Charles Michel (MR).

Par Michelle Lamensch.

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