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Voici venu le temps d’écouter Bart De Wever

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le résultat du triple scrutin de ce dimanche est limpide. Les électeurs flamands ont donné un mandat clair à la N-VA face à une Wallonie qui résiste à gauche, mais où le MR progresse, et une Région bruxelloise qui affiche son identité francophone. L’heure de vérité pour le pays est arrivée.

Une N-VA au-dessus de 30% en Flandre et un CD&V au-dessus de 20%. Une Wallonie toujours dominée par le PS, où le PTB perce, mais où le MR progresse. Une Région bruxelloise où socialistes et réformateurs sont au coude-à-coude, mais avec une forte progression du FDF. Le triple scrutin de ce dimanche a confirmé la singularité des paysages électoraux dans les trois Régions du pays. Mais avec la victoire incontestable de la N-VA, c’est le moment où il va falloir preuve de courage, sans pour autant mettre en péril la santé socio-économique et la stabilité du pays. Un exercice d’équilibriste.

Voici déjà quelques leçons claires.

La lame de fond flamande est incontestable et incontestée, à droite toute. Une vague démocratique, conjuguée à la spectaculaire dégringolade simultanée du Vlaams Belang, qui disparaît pratiquement de la carte politique. Il serait indécent de ne pas l’entendre. La N-VA avait fixé la clé de son succès à 30%, elle la franchit aisément. Le CD&V souhaitait pour sa part repasser les 20%, c’est chose faite, de peu. Ensemble, les anciens partenaires de cartels devraient disposer d’une majorité confortable au nord du pays. Logiquement, le parti de Bart De Wever prendra l’initiative pour la composition du gouvernement flamand. On ne pourra pas non plus nier son succès au fédéral, même si le PS continue à s’accrocher à la perspective de rester la première famille politique du pays. Nier l’expression de la majorité flamande constituerait un camouflet. Voici venu le moment de confronter Bart De Wever aux propos rassurants qu’ils adressaient jeudi aux francophones dans son message vidéo. Sans être naïfs, les francophones devront dialoguer. Quitte, pour le PS, à se retirer, dans un premier temps du moins?

Une bonne partie des francophones sont visiblement entrés en résistance face à la perspective d’un électrochoc libéral-conservateur. Le PS perd des plumes, mais moins qu’annoncé. Le PTB va faire une entrée remarquée dans les parlements. L’angoisse socio-économique replace l’inquiétude environnementale, si l’on en croît la chute libre d’Ecolo qui paye son très mauvais bilan gouvernemental et les sparadraps qui lui ont collé aux doigts durant la campagne. Le constat est certes nuancé par la progression du MR et la somme toute relative stabilité du CDH, qui redevient troisième parti francophone. L’Olivier est mort, PS et MR seront peut-être forcés de travailler ensemble. Face à la lame de fond flamande, les francophones devront tenter de ne pas trop se diviser – c’est mal parti, à en croire les premières réactions d’un Didier Reynders qui accable le PS. A Bruxelles, la forte progression du FDF confirme l’identité francophone de la capitale et son mécontentement face à l’évolution institutionnelle du pays. Ce sera une autre donnée à prendre en compte.

Place aux grands. Si les petits partis progressent, les électeurs ont également voté « utile » en minimisant les forces « secondaires » (CDH, Ecolo, Open VLD, SP.A sont en baisse) pour laisser les coudées franches au quatuor le plus visible durant la campagne: N-VA, CD&V, PS et MR. Ce pays, en voie de confédéralisation dans les faits, invite somme toute quatre formations politiques n’ayant pas de liens entre elles à collaborer.

Si les francophones veulent encore de ce pays, ils devront paradoxalement écouter le message de Bart De Wever et lui faire confiance. En d’autres termes, lui emboîter le pas dans la concrétisation de réformes structurelles ambitieuses sur le plan socio-économique, fiscal, budgétaire, la priorité numéro un affichée par tous les partis. En d’autres termes, les partis francophones devront abandonner les exclusives quasi définitives exprimées pendant la campagne. Il s’agira de voir dans les prochaines semaines qui, du côté francophone, sera prêt à franchir le pas d’une collaboration avec les nationalistes. Si personne n’est prêt à y aller? Les partis francophones devront tenter de s’unir à nouveau, former un front et se préparer à tirer les leçons d’un pays composé de deux voire de trois démocraties.

Autant le dire, la situation découlant des urnes est potentiellement inextricable. Le roi Philippe, confronté à sa première expérience de formation d’un gouvernement, devra être sérieusement bien encadré et garder ses nerfs, notamment en recevant le leader de la N-VA. Si les nationalistes posaient des exigences insurmontables ou si la N-VA refusait de prendre ses responsabilités au niveau fédéral, il sera sans doute possible mathématiquement de revenir à une large majorité excluant Bart De Wever pour tenter de profiter de cinq années sans élections afin de poursuivre le processus de « stabilisation du pays » cher aux socialistes francophones. Soyons de bon compte, ce ne serait pas rendre justice au signal démocratique clair envoyé par le Nord du pays.

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