Carte blanche

Vivre libre du néolibéralisme ou mourir : la social-démocratie doit choisir !

Si les questions de gouvernance sont importantes, notamment pour réconcilier les citoyens avec la politique, elles ne doivent pas constituer l’unique sujet pris en compte dans les réflexions sur l’avenir du PS.

Les lignes qui suivent m’engagent, en tant que militant de gauche membre du PS depuis une douzaine d’années (bien que peu investi depuis plusieurs mois pour des raisons qui m’appartiennent). Ni les structures dans lesquelles je m’implique (depuis toujours à titre bénévole, mieux vaut le préciser en ces temps troublés) ni l’association qui m’emploie (dans les stricts respects des barèmes sectoriels, précision rendue également utile par l’actualité), ni même des gens identifiés comme proches n’ont à être associés d’une quelconque manière au contenu des lignes qui suivent. A l’heure où chaque expression publique sur le devenir du PS semble systématiquement rattachée à l’une ou l’autre autorité morale établie, l’un ou l’autre groupe de pression émerge voire l’un ou l’autre agenda caché, j’ai à coeur de préciser que la seule volonté de ce texte est d’apporter une contribution humble et personnelle au débat public ouvert depuis plusieurs semaines.

Tout d’abord, il convient de préciser que si les questions de gouvernance sont importantes, notamment pour réconcilier les citoyens avec la politique, elles ne doivent toutefois pas constituer l’unique sujet pris en compte dans les réflexions sur l’avenir du PS. Le propos n’est pas d’éluder le débat, personnellement, je suis favorable à un décumul intégral et même à une limitation des mandats dans le temps, mais l’enjeu le plus essentiel me semble d’une autre nature.

Lénine disait du gauchisme qu’il était la maladie infantile du communisme. Aujourd’hui, j’avance que la maladie de vieillesse de la social-démocratie est le « macronisme ». Le triomphe absolu du néo-libéralisme passe chez certains comme le Président français, par vouloir faire de leur pays une grande « start-up », chez d’autres, dans un registre nettement plus répréhensible par le fait de s’enrichir sur le dos du contribuable. L’erreur a peut-être été de penser que les gens de gauche étaient « naturellement » immunisés contre l’apologie de l’argent-roi érigé de plus en plus comme valeur dominante de notre société. On en vient à oublier les réflexions de Gramsci sur l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie, dont l’enrichissement est une valeur cardinale et dont les idées finissent par être épousées par les classes populaires. Qui partageait sérieusement la pensée magique suivant laquelle la possession d’une carte du Parti Socialiste allait exorciser les « camarades » du goût du lucre, dans un contexte sociétal où il est ouvertement encouragé ? Bien sûr, il ne s’agit aucunement d’excuser les fautifs, ceux qui ont indûment détourné des deniers publics à leur profit doivent être sanctionnés de manière exemplaire !

Le PS va-t-il mourir ? Cette question à la fois abrupte au niveau du choix des mots utilisés et conforme à l’usage médiatique de réduire des questionnements complexes à des « punchlines » se pose désormais ouvertement. De prime abord, les perspectives d’avenir du PS semblent effectivement assombries en raison des affaires, d’une part, et la concurrence d’une offre politique à la « gauche de la gauche », d’autre part. L’erreur du PS serait toutefois de se contenter pour sortir de sa crise actuelle d’attaquer le PTB, ce qui de surcroît est contre-productif. A moyen et long terme, l’enjeu est celui d’une redéfinition claire de sa ligne politique et de ses stratégies d’alliance à tous les niveaux. Les exemples internationaux bons ou mauvais ne manquent pas. Ainsi, on a encore pu constater récemment qu’ à trop vouloir gouverner comme le PASOK, le PS français a fini par faire le score électoral du « parti-frère » grec! Par contre, on a des exemples plus porteurs, avec le PSOE espagnol ou le Labour anglais qui semblent doucement sortir d’une crise identitaire avec un certain succès augurant de lendemains électoraux qui pourraient bien chanter. Dans les deux cas, avec leurs spécificités propres, le jeune Sanchez et l’expérimenté Corbyn semblent reconquérir progressivement le coeur du peuple de gauche particulièrement éprouvé dans ces deux pays. Au Portugal, les sociaux-démocrates ont fait le choix audacieux, mais payant d’une alliance de type « front populaire » avec un certain succès et une certaine justice dans les politiques menées. On peut évidemment évoquer la question du leadership du PS, mais là aussi, elle me semble moins centrale que celle de la ligne politique. Le minimum que l’on puisse attendre est que la direction actuelle fasse son examen de conscience quant aux politiques menées naguère au fédéral sous son égide et que les militants puissent exercer un droit d’inventaire critique quant à cette période. Si ces deux démarches sont menées, cela permettrait d’éviter de commettre des erreurs similaires lors d’un hypothétique retour aux affaires et de se rendre plus crédible dans l’optique d’une reconquête du pouvoir. La direction qui emmènera le PS aux élections de 2019 (quelle qu’elle soit !) devra avoir la crédibilité nécessaire pour convaincre les électeurs de gauche qu’il ne s’agira pas de faire campagne pour la réduction collective du temps de travail pour ensuite voter de nouvelles exclusions des chômeurs en cas de retour dans une majorité gouvernementale. La pérennité du PS passe indubitablement par un retour aux fondamentaux et une démocratisation interne. La seule ambition porteuse est de revenir à un parti qui gouverne par et pour les classes populaires. Sans cela, le mieux qui puisse arriver au PS est une fuite en avant gestionnaire où le PS resterait un parti de gouvernement avec un rapport de force éminemment défavorable dans le cadre de majorités tripartites voire quadripartites en ce compris, dans les entités fédérées. Dans la configuration actuelle avec le PTB qui refuse d’aller au pouvoir sans renégocier les traités européens (ce qui est fort louable, mais très compliqué, même Syriza pourtant premier parti grec y a renoncé), mais qui séduira probablement entre un cinquième et un quart de l’électorat, le PS pourrait aisément espérer gouverner. Mais il ne sera plus qu’un parti d’appoint qui ne tirera du pouvoir que l’usure !

La création de la social-démocratie est historiquement liée à la lutte des classes. Son actualité est désormais fort liée aux infortunes d’une caste. Il faut sortir du carcan néolibéral trop longtemps accepté et qui a contribué a façonner le rapport à l’argent de certains. Le choix que la social-démocratie doit poser, est celui de se vivre libre du néolibéralisme ou de mourir !

Carlos Crespo, militant socialiste.

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