Charles Michel © BELGA

Visites domiciliaires: Charles Michel veut « prendre le temps de la consultation »

Le Premier ministre Charles Michel s’est exprimé pour la première fois jeudi au parlement depuis la volée de critiques qui a accueilli le projet de loi du gouvernement sur les visites domiciliaires visant à interpeller en vue de leur expulsion des personnes en séjour illégal ayant fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire.

Mardi en commission, la société civile et les juges d’instruction avaient réitéré ces critiques, dont des problèmes de droit également soulevés jusque dans le parti du Premier ministre. L’examen du texte a été suspendu. « Il y a des remarques sur l’approche administrative et judiciaire, j’entends les juges d’instruction », a indiqué jeudi M. Michel en séance plénière, tout en rappelant l’avis positif rendu par le Conseil d’Etat. « Le gouvernement a voulu, en utilisant les juges d’instruction, donner toutes les garanties. Il y a des remarques des juges d’instruction et comme Premier ministre, j’entends prendre le temps de la consultation afin d’examiner quelle est la nature juridique des principes en jeu et prendre mes responsabilités en faisant rapport au gouvernement et au parlement », a-t-il ajouté sans fournir de calendrier sur la suite des travaux.

Le chef du gouvernement a rappelé que les hébergeurs humanitaires n’étaient pas visés. Il a évoqué la difficulté de la situation qui a trait à des personnes ne disposant pas de papiers leur permettant de séjourner sur le territoire. Il leur a lancé un nouvel appel afin d’introduire une demande d’asile, Fedasil disposant des infrastructures pour les accueillir. « J’entends dire par certains que s’il n’y a pas de Calais à Bruxelles, c’est parce que les citoyens hébergent. Ce n’est pas vrai, le réseau Fedasil est en situation d’accompagner tous ceux qui demandent l’asile, d’où mon appel à ceux qui ne sont pas en situation régulière de demander l’asile, ce qui sera examiné conformément au droit international. »

L’opposition a dénoncé un raccourci. Selon elle, la situation est bien plus complexe et concerne tantôt des sans-papiers, tantôt des demandeurs d’asile déboutés, tantôt des bénéficiaires potentiels de la protection humanitaire, tantôt encore des demandeurs d’asile enregistrés à l’étranger qu’il n’est pas obligatoire de refouler. « Et les juridictions condamnent le gouvernement belge pour non-respect des conditions en cas d’expulsion », a indiqué Olivier Maingain (DéFI) en référence à l’arrêt de la Cour de cassation sur la non application par l’Office des étrangers, à l’égard d’un Soudanais refoulé, de l’article de 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme interdisant tout traitement inhumain et dégradant.

Pour l’opposition, le Conseil d’Etat a été consulté en urgence et n’a pu fournir un avis détaillé qu’aurait mérité le parlement. Le fondement constitutionnel tombe, assure Olivier Maingain et « après beaucoup de certitudes péremptoires dans le chef de la majorité gouvernementale, le doute s’installe, comme démocrate je m’en réjouis ».

Selon Emir Kir (PS), il est indécent de comparer la situation des 15.000 personnes passant par Calais aux 400 migrants du parc Maximilien auxquels il appartient d’apporter une solution « humanitaire » qui mobilise « des dizaines de milliers de Belges ». Et « arrêtez de continuer à expulser vers le Soudan en appliquant la procédure de Dublin », a-t-il lancé.

Pour Benoît Hellings (Ecolo), on paie les conséquences d’un « projet bâclé par le gouvernement, en l’absence de concertation avec les gens de terrain ». Aujourd’hui, « c’est la bronca jusque dans votre propre groupe parlementaire » et si, interrogé « à la va-vite », le Conseil d’Etat ne s’est exprimé que substantiellement, c’était sans connaître l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui a entre-temps annulé une disposition de la mini-instruction très comparable au projet controversé. « Il vous reste à convaincre la N-VA comme vous avez tenté de convaincre Poutine sur les droits de l’Homme », a-t-il conclu.

Le PS, Ecolo et le PTB ont appelé au retrait du projet de loi. DéFI a lancé un appel au dialogue avec le parlement.

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