Vincent Stuer © Diego Franssens

Vincent Stuer (Open VLD): « Il y a de la place pour un nouveau parti progressif »

Les libéraux flamands sont dans la tourmente. Alors que plusieurs ténors du parti, notamment Alexander De Croo et Egbert Lachaert, excluent un gouvernement sans la N-VA, le bourgmestre de Gand Mathias De Clercq plaide en faveur d’une coalition arc-en-ciel, « non pas par nécessité, mais par conviction ».

Dans le même esprit, Vincent Stuer (Open VLD) plaide pour un renouvellement fondamental du personnel politique. Pour lui, il faut lutter tous les jours contre les idées de droite radicale de Theo Francken (N-VA)

La politique partisane est devenue le talon d’Achille de notre démocratie, déclare-t-il. Il plaide pour un renouvellement fondamental du personnel politique.

« Toutes les discussions sur le cap idéologique des partis sont marginales tant qu’elles ne résolvent pas leur politique du personnel. On ne peut pas changer fondamentalement avec les mêmes personnes et les mêmes structures », déclare Vincent Stuer, ancien porte-parole du commissaire européen Karel De Gucht. « Il y a de moins en moins de gens. Un groupe de personnes de plus en plus restreint s’accroche à un mandat ».

Lors des dernières élections, Stuer était deuxième suppléant sur la liste européenne de l’Open VLD. Aujourd’hui, il travaille au Parlement européen en tant que porte-parole du parti libéral de gauche néerlandais D66. « Contrairement aux Pays-Bas, les Belges quittent rarement la politique. Regardez le président du CD&V, Wouter Beke, qui, après une défaite électorale, devient simplement ministre flamand. Aux Pays-Bas, il y a plus d’arrivées et de départs externes. On recrute dans les entreprises ou dans la société civile pour des postes politiques de haut niveau. Et si ça ne marche pas, les ex-politiciens néerlandais partent vraiment. Ce que fait Beke, ne prendrait pas là-bas. »

L’Open VLD a-t-il bien fait de rejoindre ce gouvernement ?

Vincent Stuer : Pour le dire avec les mots de Motörhead : cet accord de coalition, c’est danser avec le diable. Quelqu’un comme Bart Somers en est pleinement conscient. Le fait que ce gouvernement exécute le premier point du programme de 70 points du Vlaams Blok et quitte l’Union européenne en dit long. Ce qui nous est arrivé au sein du gouvernement Michel doit nous tenir éveillés. La N-VA peut aussi complètement aigrir le gouvernement Jambon. Cela dit, je soutiens ce pari calculé. À une condition : qu’on se batte tous les jours. Chaque jour, à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, nous devons faire et dire le contraire ce que veut la conscience radicale de droite de Theo Francken. On dit parfois que les partis n’ont plus d’histoire à raconter, mais au fond, il leur en faut deux.

Que voulez-vous dire par là ?

Vous devez à la fois indiquer clairement ce que vous pouvez faire dans une coalition et dire ce que vous voulez faire dans un monde idéal. C’est ce que font tous les partis qui réussissent : dire ce qu’ils font au gouvernement et ce qu’ils aimeraient faire de plus. Si les deux coïncident trop, vous perdez votre concentration. Les partis ont peur des tensions dans leur discours, mais elles sont nécessaires.

Vous avez déclaré dans De Standaard que le malaise du centre politique est une menace pour la résilience de notre démocratie dans son ensemble. Pourquoi?

Le 26 mai, 43% des électeurs flamands ont voté pour un parti de droite radicale. Réunis, les trois partis ayant le sens de l’État atteignent encore 39 %. Ensemble, ils ne sont plus capables d’accomplir leur essence, de porter l’État, et cela sape la base de soutien de la démocratie. Ajoutez à cela le fait qu’un parti comme Groen est incapable de se transformer en un parti progressiste plus large, et vous savez que la politique de parti est devenue notre talon d’Achille, car les deux plus grands partis en Flandre, la N-VA et le Vlaams Belang, n’ont clairement pas le sens de l’État. Souvenez-vous que lorsque Jan Jambon est entré en politique, il a qualifié la Belgique de village sur pilotis, proche de l’instant où l’on retirera le pilotis principal.

Que pensez-vous de l’idée que les trois partis du centre se fondent les uns dans les autres ? Les similitudes sont souvent plus grandes que les différences.

Je comprends l’idée, mais elle est vouée à l’échec. Rappelez-vous les opérations d’élargissement. C’étaient des fiascos électoraux. Les gens ne croient pas que d’anciens opposants unissent soudainement et de manière convaincante leurs forces. Il s’agit des « postes ».

Je vois plutôt un trou dans le marché pour un nouveau parti progressiste. À gauche, vous pouvez voir que Groen ne suffit pas, à droite, le N-VA a du mal à cause de la tâche difficile d’à la fois gouverner et battre le tambour radical droit. Cela crée de la volatilité et donc des opportunités. J’espère que mon parti sautera dans ce trou en se remettant fondamentalement en question. Si ce n’est pas le cas, il menace de devenir hors sujet. Le 26 mai nous a guéris de l’illusion que les partis traditionnels, sous une forme ou une autre, existeront toujours. Celui qui refuse de s’adapter à l’esprit du temps peut être complètement anéanti.

Contre la volonté de son partenaire de coalition N-VA, Bart Somers se qualifie de ‘Ministre du Vivre ensemble. Que veut-il dire par là ?

Ce gouvernement devra prouver chaque jour qu’il est favorable à un vivre ensemble plus chaleureux et plus proche, comme le dit Somers, et non d’empêcher les gens d’entrer, comme on le lit dans chaque tweet de Francken. Les politiques strictes de migration et d’intégration ne sont pas une question de gauche ou de droite. En principe, de nombreuses personnes progressistes y sont également favorables. La question est la suivante : cette politique ferme doit-elle aussi améliorer la société dans la pratique ou doit-elle indiquer clairement entre les lignes qu’il n’y a pas de place pour les autres? A la N-VA, c’est ce dernier élément qui sonne de plus en plus fort.

Placez-vous tout votre espoir en Bart Somers ?

C’est sans aucun doute l’homme qu’il faut pour que cette politique stricte de migration et d’intégration conduise à une société plus chaleureuse. Le choix pour la Flandre est clair : Malines ou Lubbeek ? Nous ne devons pas seulement répondre à cette question par une bonne gouvernance. La réponse dépendra également de ce que la partie extérieure fera. Notre politique et notre discours doivent être pleinement progressistes, selon un scénario beaucoup plus radical que ce qui a été proposé jusqu’ici. Le temps où les partis mettaient tous leurs espoirs dans un seul homme ou une seule femme est révolu.

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