Pierre Havaux

Vent du nord: Ben Weyts n’a pas obtenu son permis de tuer (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le ministre N-VA de l’Enseignement, du Bien-être animal et des Sports, Ben Weyts était l’invité du programme ludique « Shooting Stars ». Si c’était pour rire, cela n’a pas toujours été jugé drôle. L’arroseur s’est retrouvé arrosé.

Pan dans le mille. Eclatée, la tête à Calvo. Le député fédéral Groen n’est pas sorti vivant de Shooting Stars, nouveau programme ludique diffusé online. Appel y est fait chaque semaine à un BV, un bekende Vlaming, pour qu’il tranche à la carabine de foire une série de dilemmes qui lui sont soumis à grand renfort de ballons ornés de portraits à pulvériser. Une remise au (mauvais? ) goût du jour du classique jeu de massacre que se doit de comporter toute kermesse.

Ministre N-VA de l’Enseignement, du Bien-être animal et des Sports, Ben Weyts vient de se prêter de bonne grâce au jeu de l’homme ou de la femme politique à abattre. Or donc, monsieur le ministre, parmi cinq honorables collègues, lequel selon vous résiste le moins bien à l’alcool? Le N-VA avait l’embarras du choix: Kristof Calvo (Groen), Conner Rousseau (Vooruit), Hilde Crevits (CD&V), Alexander De Croo (Open VLD), Tom Van Grieken (Vlaams Belang). Ni une ni deux, le coup part: sorry Kristof, te voilà un homme mort. Et la fine gâchette de contempler hilare son stock de munitions, « ce Calvo, je pourrais le descendre cent fois ». Le tireur fera bon usage de ses projectiles lors des épreuves suivantes. Dont ce carton qu’il réalise à la question « qui est le plus grand menteur de la politique flamande? » Cinq balles réservées au ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) représenté sur les cinq ballons proposés…

Retour de flamme

Si c’était pour rire, cela n’a pas toujours été jugé drôle. L’arroseur s’est retrouvé arrosé. Pris sous le feu de la critique pour incitation à la violence et comportement politiquement on ne peut plus incorrect. Au nom de son coreligionnaire dézingué, Björn Rzoska, chef de groupe Groen au parlement flamand, a canardé à son tour: « Est-ce normal, monsieur le ministre Weyts? Au moment où des virologues, des journalistes et des politiques dont votre président Bart De Wever, sont menacés de mort, le ministre de l’Enseignement (! ) abat sans sourciller Kristof Calvo. » Quoi de plus grave et de plus indigne en politique « que de prendre une arme et de tirer sur des collègues, même pour plaisanter ». « Dégoûtant. Pas drôle du tout, surtout dans le contexte actuel. Un climat politique violent crée un climat sociétal violent », a renchéri le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V).

Humooooour, pas de quoi en faire un plat, s’est défendu Ben Weyts qui a chargé son service com de relativiser la portée de l’image qui tue. « L’enregistrement de la séquence a eu lieu durant les vacances de Pâques, in tempore non suspecto « , autrement dit à un moment où le soldat Jürgen Conings était encore inconnu au bataillon.

Resurgit alors l’une de ces sempiternelles questions qui, comme les petites marionnettes, font trois petits tours et puis s’en vont: que fait une femme ou un homme politique dans une émission de divertissement? Il goûte à un mélange des genres fort prisé en Flandre où rares sont celles et ceux qui résistent à la tentation d’y faire le guignol. Tout est affaire de rapport coût-bénéfice et la soif de visibilité est généralement plus forte. Même lorsque la nature de la prestation est discutable et discutée, elle est jugée plus rentable qu’une studieuse participation à une émission politique à contenu. Ben Weyts avait le choix des armes, il a fait mouche. RIP Kristof Calvo.

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