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Une marche blanche de 1.500 citoyens pour dire adieu à Mawda

Les funérailles de Mawda Shawri, la fillette de deux ans tuée par une balle de la police, ont eu lieu ce mercredi en début d’après-midi. Quelque 1.500 personnes ont suivi sa maman, son papa, son grand-frère et sa famille jusqu’à sa dernière demeure lors d’une marche blanche.

Le rendez-vous est donné devant la « Porte d’Ulysse », à Haren. Un lieu symbolique, le bâtiment a hébergé des migrants tout l’hiver. En attendant que la marche de soutien aux parents de la petite Mawda démarre pour rejoindre le cimetière multiconfessionnel d’Evere, les personnes qui ont fait le déplacement discutent dans le calme, sous un soleil de plomb, s’échangent de timides sourires entendus. Certains s’inquiètent du sort des réfugiés du parc Maximilien, regrettent de ne pas pouvoir plus souvent aller les aider. D’autres discutent de sujets plus légers, évitant les polémiques maladroites sur le sort de cette fillette de deux ans touchée il a près de deux semaines par une balle de la police tirée vers la camionnette dans laquelle elle se trouvait avec ses parents Kurdes irakiens et d’autres migrants.

A 13h15, le cortège s’élance sur le parcours d’environ 1,5 kilomètre. A la demande des organisateurs, la majorité des participants sont vêtus de blanc, signe de pureté et de paix, quelques-uns une rose ou une fleur, blanche elle aussi, à la main.

La marche de soutien aux parents de la fillette kurde se veut sobre et apolitique. Et l’atmosphère est effectivement au recueillement, dans la foule d’environ 1.500 personnes selon les organisateurs, sans voyeurisme malsain. Mais derrière le silence, on sent poindre l’expression d’un désaccord profond envers la politique migratoire belge.

Une mère de famille témoigne: « En tant que Belge, je voulais être présente en solidarité avec cette famille kurde car ce qui est arrivé à la petite Mawda est intolérable. Je ne suis pas d’accord avec la façon dont on traite les réfugiés en Belgique. »

« Nous n’avons invité aucun politique à se joindre à la marche« , assène Mehdi Kassou, de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, à l’initiative de l’événement avec Médecins du Monde. « Les commentaires du monde politique ont été jusqu’ici assez malvenus, voire insultants. » Et des personnalités politiques, on en repèrera en effet très peu.

Une marche blanche de 1.500 citoyens pour dire adieu à Mawda
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La foule est mixte. Toutes les catégories d’âge et origines sont représentées. Des parents ont fait le déplacement avec leur bébé, des enfants suivent le rythme lent de la foule en draisienne, d’autres citoyens remontent, vélo ou trottinette à la main, l’avenue Jules Bordet bloquée à la circulation pour l’occasion. Des personnes beaucoup plus âgées, chapeau vissé sur la tête, ont aussi fait le déplacement dans la chaleur. Ci et là, on devine des réfugiés, solidaires eux aussi de la famille kurde. Sur des tee-shirts, des logos d’appartenance à l’une ou l’autre ASBL bruxelloise de soutien aux réfugiés. La photo de Mawda, souriante, est épinglée sur la poche de nombreuses poitrines.

En déambulant, on prend conscience de l’ampleur de la foule, devant et derrière. « Ah oui, on est quand même nombreux, c’est bien ! », se rassure un participant. Un autre s’exclame, des trémolos de déception et de révolte dans la voix : « On devrait être au moins 200 000 dans de pareilles circonstances ! ». Le long du parcours, un enfant de 5 ans s’étonne que toutes les personnes autour de lui soient habillées de blanc. « Parce que c’est la couleur de l’espoir », lui répond, sereinement, sa grand-mère qui l’accompagne.

Protéger les droits des plus vulnérables

En tête de cortège, les parents de la petite Mawda et son grand-frère tranchent avec la masse blanche qui les suit. Ils sont habillés, eux, entièrement de noir. La maman, silhouette frêle écrasée par le chagrin, le visage marqué. Le papa l’air grave, le frère semble inquiet de tant d’attention qui leur est portée.

Une minute de silence est observée à l’entrée du cimetière d’Evere avant de rejoindre le carré musulman quelques centaines de mètres plus loin où la foule d’inconnus se répartit autour du kiosque où est disposé le petit cercueil nacré afin d’écouter chants et prières. Par respect, les cameramen et photographes ont été priés de ne pas suivre la famille jusque-là.

La cérémonie est prononcée en arabe et même si la plupart des personnes présentes n’en saisissent un mot, la foule émue devine les propos. Dans l’assistance, des personnes ravalent leurs sanglots, d’autres essuient une larme. Le soleil brille toujours de mille feux, pied-de-nez à l’incommensurable tristesse ressentie lors de la mort d’une enfant de deux ans.

Plusieurs membres de la société civile prennent la parole après la mise en terre de la petite fille. Le délégué général aux droits de l’enfant Bernard De Vos, qui insiste sur l’urgence à protéger les droits des plus vulnérables, « même s’il est trop tard pour Mawda« . Des voeux auxquels s’est jointe la nouvelle présidente de la Ligue des droits humains Olivia Venet. Carine Russo adresse également des paroles de réconfort aux proches de Mawda. « Les parents nécessitent tout notre soutien, car ils sont loin des leurs face à l’irrémédiable perte de leur petite fille. »

La cérémonie s’est achevée vers 15h00. En file, les parents ont pris le temps de serrer la main des citoyens venus en nombre les réconforter avant de leur laisser faire leur deuil.

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