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Une infirmière lance un appel: « Les gens doivent cesser d’être égoïstes et doivent rester chez eux »

Aurélie Wehrlin Journaliste

Une infirmière active dans le service d’oncologie d’un hôpital bruxellois témoigne de la situation actuelle face à l’épidémie de coronavirus et lance un appel à la population.

Comment ça se passe concrètement pour vous? Qu’est-ce qui change dans votre quotidien?

Je n’ai jamais, en 4 ans et demi de carrière, connu une situation comme celle-ci. Chaque hôpital prend ses dispositions. Evidemment, les hôpitaux de référence, qui ont des centres de soins intensifs plus grands vont accueillir un peu plus de cas. À Bruxelles et en dehors de Bruxelles. Mais tous les hôpitaux seront probablement confrontés à ce virus.

C’est un virus qui est différent de la grippe saisonnière, en cela qu’il est beaucoup plus contagieux. Autre différence, c’est que les symptômes de la grippe saisonnière sont beaucoup plus flagrants. C’est rare d’avoir une grippe saisonnière sans symptômes.

Plus de 80 % des gens peuvent être porteurs et du même coup, vecteurs du virus, sans toutefois en avoir les symptômes. Ça peut donc être le personnel soignant, qui du coup pourrait le transmettre au patient ou inversement. Certains membres du personnel soignant ont voyagé, on travaille tous dans des endroits fermés, proches les uns des autres, le virus se transmet très facilement dans ce genre de contexte. A l’air libre, il survit moins longtemps. Les patients soupçonnés sont isolés, testés. Il y a maintenant deux laboratoires en Belgique. Mais c’est trop peu évidemment pour tester tout le personnel soignant.

Comment envisagez-vous les jours, semaines à venir? Et comment vous préparez-vous au tsunami de contaminations?

La Belgique a pris des mesures, mais un peu trop tard selon moi. On aurait s’y prendre une voire deux semaines plus tôt. Pour éviter que le virus se manifeste trop. Je pense que l’on va connaitre un pic important dans deux semaines ou trois semaines.

Le plan urgence interdit les visites dans les hôpitaux, ce qui moralement, pour les patients, est assez difficile. Pour nous aussi, on sent que l’ambiance est différente : le département infirmier et le département médical ont des réunions tous les jours. On a des nouvelles consignes tous les jours. Les règles d’hygiène déjà strictes, le sont maintenant encore plus. On est très fatigués parce que très sollicités. Mais on prend sur nous.

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Ce qui est très particulier pour nous, soignant, c’est de soigner quelqu’un en se disant qu’on est peut-être porteur d’un virus et qu’on va lui transmettre. Psychologiquement, pour mes collègues et moi, c’est difficile et c’est pour cela qu’on prend toutes les mesures d’isolement nécessaire. On n’a pas forcément peur pour nous, mais on a peur pour les autres, pour les patients, et aussi pour notre famille. Moi j’ai une trentaine d’années, mes parents ont plus de 65 ans. J’ai peur pour eux. Nous sommes enfermés à l’hôpital, nous devons travailler et nous nous isolons encore plus en nous éloignant de notre famille, de nos amis, pour les protéger parce qu’on est quand même des transmetteurs potentiels, même si nous n’avons aucun symptôme.

Quel message voudriez-vous faire passer au grand public ?

La Belgique a pris des décisions, mais aurait dû prendre la décision de la quarantaine. Ce n’est pas conseillé, ce n’est pas préférable, c’est indispensable. C’est comme un incendie dans une forêt: quand le feu est lancé, on ne sait pas l’arrêter, parce que ça touche un arbre, puis ça en touche un autre, et ainsi de suite. Et là, si les arbres étaient éloignés les uns des autres, le feu ne pourrait pas atteindre, et décimer, toute la forêt. C’est imagé mais c’est vraiment ce qui se passe.

Il faut que les gens restent chez eux. Ce n’est pas anodin ce qui arrive, ça touche les personnes les plus vulnérables certes, mais ça peut toucher les plus jeunes. Et je trouve que les jeunes sont très inconscients. Ils ont des parents, des grands-parents. Et aller aux Pays-Bas, aller manger au restaurant c’est complètement inconscient. Les fêtes d’avant fermeture c’est de l’inconscience. Parce qu’après, ils sont peut-être porteurs, et ils contaminent les autres. Et c’est une chaîne sans fin. Je pense que la Belgique doit se mettre au plus vite en quarantaine, vraiment, pour stopper ce virus qui contamine très vite. La seule façon d’agir c’est de nous laisser, nous, aller travailler et que les autres restent chacun chez eux. Parce que si les gens continuent à sortir, nous les hôpitaux, nous n’arriverons plus à suivre parce qu’il y aura trop de patients. Les gens doivent cesser d’être égoïstes et doivent rester chez eux, c’est la meilleure façon de contribuer à sauver des vies. Et rappeler l’hygiène des mains aussi. C’est la base mais il semble que ça ait été oublié.

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