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Un trio inédit pour gérer la crise de Sprimont

La ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH), a défendu les policiers de la zone de police Secova, qui sont intervenus dimanche soir, à Sprimont, pour empêcher que la situation ne dégénère entre les syndicalistes de Meister Benelux et les Allemands de la société de gardiennage Rescue &Security Guard.

Le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS) a reproché à la police de ne pas avoir pris l’identité des gaillards, se contentant de les reconduire « sagement » à la frontière. Le socialiste a demandé l’ouverture d’une enquête au comité permanent de contrôle des services de police (comité P).

La ministre CDH a rétorqué dans La Meuse : « La priorité était de gérer pacifiquement la sortie de ces Allemands sans qu’ils emportent les pièces qu’ils étaient venus chercher. Au niveau de la gestion de cette sortie, je pense que la police locale a parfaitement fait son travail. Il y avait là un risque d’affrontements majeurs qu’il fallait à tout prix éviter. »

La ministre de l’Intérieur sait de quoi elle parle. Elle a suivi les événements minute par minute via son chef de cabinet, Cédric Visart de Bocarmé, ancien procureur général de Liège. Ses instructions étaient claires : éviter toute violence et ramener les Allemands dans leur pays sans le matériel convoité, prendre leurs identités. Seul ce dernier point n’a pas été exécuté. Mais les circonstances, sur le terrain, l’ont rendu quasi impossible. Deux blocs excités et prêts à en découdre se faisaient face : les syndicalistes liégeois et leurs renforts, d’une part, les mercenaires allemands, d’autre part. Les policiers étaient pris entre deux feux. Une situation inédite.

En fait, rien ne s’est passé normalement, ce soir-là. Lorsque la police locale est prévenue par un syndicaliste de la présence d’un commando étranger dans l’entreprise Steimer de Sprimont, elle appelle immédiatement le parquet de Liège. Puisqu’il s’agit d’un incident se produisant sur un lieu de travail, dans le cadre de relations sociales tendues, le substitut de garde prévient immédiatement l’auditorat du travail de Liège (parquet près le tribunal du travail). Le parquetier appelle l’auditeur du travail lui-même, Luc Falmagne. De son bureau, il va coordonner les efforts du conciliateur social, Jean-Marie Fafchamps, et du chef de corps de la zone de police Secova. Ils vont éviter le pire, en suivant les instructions de la ministre de l’Intérieur.

Après une brève apparition vers 16 heures, le député-bourgmestre Claude Ancion (MR) a quitté les lieux. Normalement, le bourgmestre est chargé du maintien de l’ordre dans sa commune. C’est donc une structure hybride (Intérieur, police locale, auditorat du travail, conciliateur social) qui a jeté les bases, dès dimanche soir, d’un accord social. Celui-ci s’est concrétisé mardi, dans le bureau de l’auditeur du travail, en présence des conseils de l’entreprise : Me Hervé Deckers, du barreau de Liège, qui a reconnu une « erreur » de Steimer Benelux, et Me Jan Swinnen, du barreau d’Anvers. Un manager de crise a été désigné pour six mois, les salariés seront payés selon leur planning de présence.

Une grande détresse a néanmoins envahi le personnel. Sera-t-il sauvé ? Car, après les événements de dimanche, la réalité reste angoissante: l’entreprise emploie 83 personnes dont l’emploi n’est pas sûr. Lors d’une négociation précédente, en 2011, le personnel avait admis le dégagement de neuf personnes et leur remplacement par des intérimaires. En échange de quoi, il avait obtenu la promesse que des investissements seraient réalisés à Sprimont de façon à garantir à Steimer Benelux l’exclusivité de la fabrication d’une pièce indispensable à une chaîne de production VW. Ces investissements n’ont pas été réalisés. Pire: les salariés ont appris, le lundi 20 février, qu’une partie de leurs activités allait être délocalisée en Slovaquie, avec la perte d’une vingtaine d’emplois à la clé. Ils ont alors décidé de continuer à travailler tout en bloquant des pièces qui étaient attendues en Allemagne, avec des pénalités élevées en cas de retard de livraison. D’où l’intervention de choc du commando de la Rescue and Security Guard.

M.-C.R.

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