La miniaturisation à l'extrême des unités de stockage informatique n'est pas encore pour demain, mais la mémoire atomique a un potentiel énorme. © ERIK ISAKSON/GETTY IMAGES

Un timbre pour stocker tous les livres de l’humanité

Un milliard de gigaoctets de nouvelles données sont créées chaque jour. Parvenir à les stocker sur le plus petit espace possible est le défi que s’est lancé une équipe de scientifiques de l’institut Kavli des nanosciences à l’université de Delft (Pays-Bas).

Ils sont parvenus à porter cette réduction à sa limite ultime : la densité de stockage de leur disque dur atomique atteint 500 térabits par pouce carré (Tbpsi). Soit une mémoire 500 fois plus performante que celle du meilleur disque dur commercial actuellement disponible.

 » En théorie, cette densité de stockage permettrait à tous les livres jamais créés par les humains d’être mémorisés sur un disque dur de la taille d’un timbre-poste « , explique Sander Otte, physicien directeur de cette recherche mise en valeur dans la revue Nature Nanotechnology.

Science-fiction ? Pas du tout. Tout réside dans la compréhension de la mémoire atomique et dans la maîtrise des outils pour modeler l’infiniment petit. Les chercheurs ont en effet réussi à stocker des données dans les atomes de chlore d’une surface de cuivre. Plus précisément, à la position de chaque atome de chlore correspond un bit. Rappelons que dans nos ordinateurs et smartphones, les données sont codées sous forme binaire : elles sont un assemblage particulier de 0 et de 1 à la queue leu leu, appelés  » bits « . Ces données sont exprimées en activant ou désactivant de minuscules transistors agissant comme des interrupteurs.

Revenons à la mémoire atomique. Elle exploite également ce système binaire mais selon une autre approche. Sur la plaque de cuivre, chaque atome de chlore peut glisser vers l’avant et vers l’arrière entre deux positions verticales : une haute (auquel cas l’atome de chlore est perché au-dessus d’un vide et le bit est égal à 1) et une basse (le bit est alors égal à 0).

De quoi créer une mémoire réutilisable, où l’on peut effacer les données stockées et en inscrire de nouvelles à l’envi. Mais quid de la durée de vie du stockage ? Actuellement, elle est temporaire. Plusieurs essais ont révélé que l’inscription atomique des données restait stable durant plus de 40 heures (c’est-à-dire plus stable que toutes les solutions expérimentées jusqu’alors et exploitant des atomes libres), à une température de… -196°C. C’est rudement froid. Et énergivore. De quoi expliquer le frein actuel au développement commercial de ces disques durs atomiques.

Pour Hugues Bersini, professeur d’informatique à l’ULB, la mémoire atomique a un potentiel énorme, mais il faudra du temps avant de la maîtriser.  » Toutes ces recherches sont très encourageantes et enthousiasmantes. Potentiellement, ce type de système est extraordinaire. Mais il ne faut pas s’attendre à assister à la démocratisation de telles technologies dans un avenir proche, ni même à moyen terme. Je ne pense pas voir ce genre de disque dur de mon vivant.  »

Par Laetitia Theunis.

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