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Un gouvernement wallon ouvert à la société civile, une proposition réaliste ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le co-président des verts, Jean-Marc Nollet, propose d’ouvrir le gouvernement régional à la société civile afin « de construire avec elle ce nouveau contrat écologique, social et démocratique dont la Wallonie a besoin ». Cette méthode est-elle réaliste ? Eléments de réponse avec Régis Dandoy, politologue à l’UCLouvain et à l’UGent.

En quoi consiste concrêtement cette idée?

C’est ce qu’on appelle une méthode technocratique. On fait rentrer dans le gouvernement des ministres qui sont plus des spécialistes que des hommes et des femmes politiques. C’est une pratique qui était oubliée en Belgique et qui se faisait très souvent surtout après la Seconde Guerre mondiale. Dans le gouvernement Spaak II, par exemple, on trouvait 4 ministres-techniciens, dans le gouvernement Van Acker III, on en comptait 3.

On a aussi vu par le passé des professeurs d’université qui étaient ministres des Finances ou avaient des portefeuilles très techniques. Ensuite, avec la scission des partis traditionnels et la nécessité d’avoir de grandes coalitions de quatre et parfois jusqu’à six partis, le nombre de portefeuilles a été très limité. Les partis ne pouvaient alors pas se permettre de perdre l’un ou l’autre portefeuille au profit de technocrates ou de techniciens au gouvernement. La pratique a été délaissée en Belgique, mais elle est toujours régulièrement effective dans pas mal de pays européens au niveau régional ou national, comme cela a été le cas en Italie.

Ce n’est donc pas une révolution. La différence ici, c’est qu’on passerait à une autre dimension de technocratie, car on parle surtout de « société civile ». Il s’agirait plus d’acteurs de terrains, et non pas de personnes qui auraient une connaissance théorique ou académique du dossier ou du portefeuille. Ce qui revient à plus ou moins à la même chose dans les faits, car ce sont hommes et des femmes qui ne sont pas des politiciens de carrière, qui sont neutres. Là est l’intérêt d’avoir des personnes qui peuvent gérer un portefeuille sans a priori partisans politiques, sans idéologie qui guiderait leur action.

Cette proposition est-elle crédible dans la situation politique actuelle belge?

Ecolo a toujours voulu transformer la façon de faire de la politique en Région wallonne et globalement en Belgique. Je pense que sa proposition est crédible. Elle a aussi certains avantages dans la gestion d’un gouvernement ou d’un service public. Car on sait tous que les hommes et femmes politiques ne sont pas toujours les plus compétents pour gérer certains portefeuilles. Oui, ils sont bien compétents dans leur domaine, mais les portefeuilles attribués ne correspondent pas toujours exactement à leur domaine de compétences. De plus, il faut se rendre compte que gouverner une région ou un pays est de plus en plus technique. On est de plus en plus dans les détails, il faut gouverner avec plusieurs niveaux de pouvoir, avec l’Union européenne… il y a plusieurs types de législation. A certains moments, cela devient de moins en moins politique et de plus en plus technique. Cela a donc un sens d’avoir des gens qui ne sont « que » des techniciens.

Il y aura évidemment toujours la nécessité d’avoir un arbitrage politique. Le ministre ou la ministre présidente sera toujours un homme politique. Mais toute une série de portefeuilles peut être allouée à des techniciens ou à des technocrates que ce soit pour le climat, le socio-économique… On peut aussi créer des secrétaires d’État ou des commissaires de gouvernement qui s’occupent de dossiers potentiellement très techniques. Des personnes pourraient avoir des portefeuilles limités dans le temps, comme une mission de deux ans. On peut aussi leur donner un autre titre que celui de « ministre ». La flexibilité est énorme en Belgique. Des missions temporaires peuvent être créées comme cela a été le cas dans le passé lors de la préparation à la présidence belge de l’Union européenne. On pourrait imaginer selon les besoins de la législature ou du moment des missions ad hoc comme un ministre en charge du climat qui serait compétent « transgouvernement », pour la Région wallonne, la Fédération Wallonie-Bruxelles, et pour Bruxelles… On sous-estime vraiment la flexibilité de la composition des ministres.

Quels pourraient être les obstacles à l’ouverture du gouvernement régional à la société civile ?

L’idée est tout à fait réalisable, car la législation belge est assez flexible pour le faire, mais le plus difficile, c’est la volonté politique derrière ce projet. Le nombre de portefeuilles ministériels est limité. Quand il y a deux ou trois partis au gouvernement, ils se partagent proportionnellement les services publics et on verrait mal certains partis décider qu’au lieu d’avoir trois ministres, ils n’en gardent qu’un seul et qu’ils remplacent les autres par des technocrates, des techniciens ou des experts. Ce serait difficile à faire avaler par les partis. C’est donc juste une question de volonté politique.

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