A protestor looks at her phone during a pro-Europe demonstration (European federalist movement) on March 25, 2017 in front of at the EU Parliament in Brussels. Rome hosts a special summit of European leaders today to mark the 60th anniversary of the bloc's founding treaties. / AFP PHOTO / JOHN THYS © AFP

(Trop) Chers opérateurs téléphoniques

Stagiaire Le Vif

Notre pays est un très mauvais élève. Les tarifs pratiqués chez nous sont bien plus élevés que ceux observés chez nos plus proches voisins. En Belgique, quelques opérateurs accordent leurs violons. Ailleurs, ce sont les casseurs de prix qui dictent le marché.

Prenons Mathilde, 27 ans. La jeune bruxelloise, inventée de toutes pièces, travaille dans une entreprise immobilière. Elle y occupe un poste administratif et possède, comme 75% des Belges, un smartphone. Pour en profiter pleinement, elle décide d’opter pour un abonnement classique, qui lui permettra de surfer dans les transports en commun – oui, Mathilde prend le métro pour aller travailler, mais aussi d’appeler et d’envoyer moult SMS lorsque les réunions se font longues.

Son choix se porte rapidement sur un abonnement comprenant 3 Go de surf, des SMS illimités et 300 minutes d’appel mensuel. Pour ne pas se faire avoir, la jeune employée décide de comparer les offres qui existent sur le marché. Les opérateurs du Royaume sur lesquels Mathilde tombe – Proximus, Orange, Base, Scarlet et Voo – proposent un tarif quasiment identique, flirtant avec les 25 euros par mois. Une somme rondelette qui ne choque personne. Et pour cause, nous y sommes habitués. « À l’heure actuelle, le manque de concurrence reste un facteur important dans le maintien des tarifs des offres télécoms à des niveaux élevés », regrette Test-Achat dans une enquête.

L’OLIGOPOLE DES TÉLÉCOMS BELGES

Dans un autre dossier, l’ASBL de protection des consommateurs revient sur ce manque de concurrence : « Chez nous, les opérateurs se défient sans cesse sur les vitesses de surf, mais se montrent étrangement timorés lorsqu’il s’agit de casser les prix. »

Pour confirmer cette affirmation, nous avons contacté quelques opérateurs belges. Orange nous a répondu. L’entreprise se dédouane rapidement et invoque que l’abonnement à 25 euros offre chez eux différents avantages comme l’application iCoyote et un service cloud. Pour expliquer les prix, le service comm’ de l’opérateur souligne notamment que « la couverture 4G est proche des 100% sur l’ensemble du territoire et de la population. Ce niveau de couverture n’est pas atteint dans les autres pays ». Le marché des Télécoms est juteux. Belga rapporte que le chiffre d’affaires du secteur culmine à 8,39 milliards d’euros pour 2016, soit une hausse d’1,4% par rapport à l’année précédente. Chez Proximus, on dit comprendre les Belges francophones qui regardent les prix français avec de gros yeux. Tout en soulignant que « Free a cassé la marché {des télécoms français} en optant pour une logique consumériste et pas industrielle » alors que, « en Belgique, il y a une saine concurrence. »

On en a fini avec Mathilde, Le Vif reprend la main. Pour confirmer l’hypothèse selon laquelle nous payons nos forfaits téléphoniques plus chers qu’ailleurs, nous avons parcouru les sites qui, pour nos voisins européens, comparent les abonnements téléphoniques. Une tâche polyglotte ! Nous avons gardé à l’esprit l’abonnement pour lequel Mathilde avait opté – 3 Go, SMS illimités et 300 minutes d’appel. Nous avons épluché les offres des opérateurs français, britanniques, hollandais, allemands et espagnols (nous ne partageons aucune frontière avec ces derniers, certes…). Le constat ne souffre d’aucune équivoque : les Belges paient plus cher qu’ailleurs. Revue d’effectif. *

L’OVNI FRANÇAIS

Outre-Quiévrain, les opérateurs téléphoniques luttent pour proposer les prix les plus alléchants possible. Le régulateur belge des télécoms, l’IBPT (Institut belge des services postaux et des télécommunications) établissait d’ailleurs en 2015 que la France avait les tarifs télécoms les moins chers d’Europe.

Certaines offres atteignent parfois des sommes ridiculement basses. Ainsi, Bouygues Telecom offre actuellement un forfait à 1,99€/mois. Pour ce prix, vous bénéficiez de 20 Go d’internet en 4G, de SMS et d’appels illimités vers la France métropolitaine. Outre cette offre exceptionnelle et si vous optez pour la solution de Mathilde – vous vous souvenez ? – vous paierez en moyenne 10 euros par mois.

LE PROGRÈS ALLEMAND

Il y a moins de quatre ans, le pays dirigé par Angela Merkel était le pire élève d’Europe. Ses opérateurs téléphoniques proposaient des prix exorbitants. Depuis, le marché s’est démocratisé. Trois grands opérateurs se tirent la bourre : T-Mobil, O2, Vodafone. Pour 3 Go, SMS et appels à en perdre la raison, comptez un prix mensuel de 12,5 €. Les Belges paient le double.

LES PAYS-BAS, NOS PROCHES VOISINS

De tous les pays scrutés, nos cousins du nord présentent les résultats les plus proches des nôtres. Avec sept opérateurs proposant le type d’abonnement désiré par Mathilde, on obtient une moyenne proche des 18€ par mois. Notons néanmoins que certains forfaits compris dans ce calcul proposent plus de 3 Go de données mobiles…

LA GRANDE-BRETAGNE SE FAIT LA MALLE

En 2015 déjà, si vous étiez ce que les chercheurs considèrent comme un « appelant intensif », utilisant intensivement les données – comprenez internet sur mobile, vous aviez intérêt à habiter au Royaume-Uni. À l’époque, le pays se classait même devant la France. Depuis, les prix ont baissé, mais la Grande-Bretagne a perdu sa première place. Les prix restent néanmoins très intéressants et sans commune mesure avec les tarifs belges. Pour un abonnement mathildéen, vous paierez entre 10 et 18 euros tous les trente jours.

L’ESPAGNE DANS LA MOYENNE

On s’éloigne légèrement de nos frontières. Le pays de la péninsule ibérique possède l’un des plus grands marchés de téléphonie mobile d’Europe. Les chiffres le prouvent puisqu’en 2015, l’Espagne trustait la première place continentale avec un taux de pénétration de 108,9% – il y a donc plus de lignes de téléphonie mobile que d’habitants !

En regardant les chiffres, on s’aperçoit que les abonnements espagnols sont moins avantageux qu’ailleurs – mais toujours plus que chez nous… Pour le forfait que vous avez dû enregistrer à présent, comptez entre 10 et 20€. Vous aurez parfois plus de 3 Go de surf. Mais vous paierez parfois vos SMS plus de dix centimes l’envoi.

RETOUR CHEZ NOUS

Axel Desmedt, membre du conseil de l’IBPT, remarque que « le prix des données mobiles est (…) resté assez haut en Belgique, mais il est en baisse depuis 2012. La situation s’améliore donc, mais la course a commencé plus tôt à l’étranger ». Seule note positive, l’instauration dès le 1er juillet 2017 de la procédure d’Easy switch qui devrait permettre à l’utilisateur de passer plus facilement d’un opérateur à un autre. Julie Frère, porte-parole de Test-Achats, estime que cette mesure « devrait permettre de changer plus facilement d’opérateur en cas de hausse de prix ».

Rodrigue Jamin

* Notons tout de même que ce comparatif n’a aucune vocation scientifique et que nous ne prétendons pas fournir un examen exhaustif des offres belges et européennes. Il s’agit simplement ici d’un échantillon, certes symptomatique, mais qui n’illustre que l’aspect « abonnement mobile » proposé par les opérateurs de télécommunications.

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