Stan De Spiegelaere

Travail à temps partiel: « On surestime la liberté de choix de nombreux employés »

Stan De Spiegelaere Stan De Spiegelaere est chercheur à la KuLeuven et membre du think tank Poliargus.

« Il y a beaucoup d’employés qui ne peuvent pas faire le choix de moins travailler, même s’ils le veulent absolument » estime Stan De Spiegelaere du think tank Poliargus. « S’il est question d’une semaine de travail plus courte, il faut l’instaurer collectivement ».

La proposition de raccourcir la semaine de travail se heurte à pas mal d’incompréhension. Souvent, on entend que les gens qui le souhaitent peuvent déjà travailler moins. À présent, il y en a déjà beaucoup qui optent pour un quatre cinquièmes ou un mi-temps. Pourquoi ne pas laisser les gens choisir au lieu d’exiger une semaine de travail plus courte pour tout le monde ? Et si les gens ne décident pas eux-mêmes de choisir un temps partiel, c’est qu’ils ne le veulent pas vraiment, non ? Si tous ces arguments semblent logiques, il faut tout de même un peu les nuancer.

On surestime la liberté de choix des employeurs

Premièrement, dans ce raisonnement, on surestime la liberté de choix des employeurs. Une relation de travail reste une relation de pouvoir au sein de laquelle l’employeur est nettement plus puissant que l’employé. Certains employeurs sont prêts à laisser leur personnel diminuer leur temps de travail (en sachant qu’ils gagneront moins), mais ce n’est pas le cas de tous. Dans les usines où on travaille en équipe, les entreprises à heures d’ouverture fixes et les petites sociétés, la diminution du temps de travail entraîne des conséquences pour l’organisation.

Leurs employés ne peuvent donc pas travailler moins, même s’ils le souhaitent plus que tout. Quand il y a moyen de diminuer le temps de travail, les exigences de l’employeur sont souvent moins claires. Dans de nombreux cas, un jour de travail en moins ne signifie pas qu’il faut moins prester, mais simplement qu’il faudra travailler davantage les jours où on est présent.

En outre, le choix de travailler moins entraîne des conséquences pour la carrière. Pensez aux nombreuses femmes qui travaillent moins pour s’occuper de leurs enfants. De plus, la diminution de travail volontaire entraîne une diminution du revenu. Là encore, il s’agit d’un obstacle pour beaucoup de gens (certainement pour les revenus les plus bas).

Diminution du temps de travail « naturelle »

Entre-temps, on voit également que beaucoup de gens sont obligés de travailler à temps partiel. Le problème de cette diminution du temps de travail « naturelle », c’est que souvent celle-ci n’est pas volontaire. Beaucoup de gens travaillent à temps partiel contre leur gré, parce qu’il n’y a pas suffisamment de boulots à temps plein.

Si on décide tout de même de travailler à temps partiel, cela signifie généralement qu’on peut s’en tirer avec un revenu moindre. Il s’agit donc d’employés aisés ou qui ont un boulot suffisamment bien payé pour qu’il rapporte assez même à mi-temps. La diminution de travail de sa propre initiative n’est donc pas socialement neutre. Espérer une baisse du nombre d’heures de travail en attendant l’initiative individuelle des employés n’est donc pas à l’ordre du jour. La diminution du temps de travail doit se faire collectivement pour être efficace et accessible à tous.

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