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Tout est-il bon dans l’immersion ?

Le Vif

L’immersion linguistique connaît un véritable engouement. Si les élèves n’en ressortent pas parfaits bilingues, leur niveau est nettement meilleur. Mais des problèmes subsistent dans l’organisation scolaire.

L’école, pour Pierrick, ce n’est pas encore pour tout de suite. Le petit garçon vient juste de fêter son premier anniversaire. Pourtant, il est déjà inscrit dans… deux établissements scolaires. Il l’a même été pour la première fois à l’âge de trois mois ! « Les gens autour de moi me charriaient. « Quoi, tu l’as déjà inscrit à l’unif ? », sourit sa maman, France. Mais pour être sûre d’avoir une place, je n’avais pas le choix ». C’est la règle, dans les écoles pratiquant l’immersion linguistique. Premier arrivé, premier admis. La demande est telle que l’offre disponible ne peut la satisfaire. Alors les parents n’hésitent pas à prendre leurs dispositions dès la naissance de leurs enfants ou à camper deux nuits devant le bureau de la direction pour être certains d’arriver à temps, comme ce fut encore le cas en mai dernier à l’Institut Albert Ier d’Enghien.

Le nombre d’écoles en immersion n’a pourtant pas cessé d’augmenter ces dernières années. En 2013-2014, on en a recensé 299 en Fédération Wallonie-Bruxelles : 171 dans le fondamental et 128 dans le secondaire, où l’on en dénombrait que 53 il y a sept ans. Le nombre de jeunes suivant ce type de cursus dépasse aujourd’hui les 29 000. « Cet engouement s’explique par une prise de conscience des parents quant à l’importance du bilinguisme et au fait que l’apprentissage commence dès le plus jeune âge », considère Henny Bijleveld, professeur de linguistique à l’ULB.

Bilinguisme : le mot est lâché et résume l’espoir des familles. Fantasme ou réalité ? « Croire que l’élève parlera parfaitement les deux langues en 6e primaire est un leurre, avertit Martine Poncelet, professeur à l’ULg et directrice de l’unité de neuropsychologie du langage et des apprentissages. En sortant des humanités, cela dépendra de beaucoup de facteurs : environnement familial bilingue, stages à l’étranger, lectures ou films dans l’autre langue… »

L’immersion ne suffit pas, mais elle permet de toute façon un meilleur niveau, un vocabulaire plus riche, une prononciation améliorée, même si les erreurs subsistent. Surtout, le jeune se montrerait beaucoup plus à l’aise et aurait dépassé cette peur irrationnelle de s’exprimer dans une autre langue que partagent beaucoup de francophones.

Les aspects négatifs de l’immersion sont finalement à chercher du côté des écoles elles-mêmes. D’abord au niveau du recrutement des professeurs, gros point noir du système. Pour dénicher un native speaker prêt à enseigner en Wallonie et à Bruxelles alors que les salaires y sont inférieurs (y compris par rapport à la Flandre) et leurs compétences pas toujours reconnues, il faut se lever tôt !

Quelques améliorations doivent être apportées. Comme le fait qu’il n’existe actuellement aucun manuel spécifique et que les enseignants doivent se débrouiller eux-mêmes. Parfois, les cours en langue et les autres seraient peu complémentaires.

Mélanie Geelkens

Lire notre dossier spécial sur l’enseignement des langues dans Le Vif de cette semaine.

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