© Denis Closon/ISOPIX

« Toucher à la dégressivité du chômage, c’est toucher aux salaires »

Pour Bruno Van der Linden de l’Ires (UCL), la dégressivité des allocations de chômage ne doit pas être un tabou, mais il faut en connaître les conséquences.

Le Vif/L’Express : La dégressivité des allocations existe déjà, disent les syndicats. Vrai ?

Bruno Van der Linden : Oui, mais pas pour toutes les catégories de chômeurs. Pas pour les jeunes qui sont en stage d’attente, par exemple : leur allocation dépendra plutôt de caractéristiques d’âge.

Cela dit, la dégressivité est-elle une mesure efficace ?

Il faut d’abord préciser que trouver un emploi ne résulte pas seulement du comportement de celui qui en cherche. C’est aussi une question d’offre sur le marché du travail. Maintenant, on constate que coexistent des emplois vacants et des chômeurs. Et les études consacrées à la dégressivité et à la fin de droits aux allocations de chômage montrent que ces mesures jouent un rôle évident sur l’effort de recherche d’un emploi. Avoir conscience qu’en refusant une offre on touchera une allocation inférieure d’ici à quinze jours ou à un mois, cela fait réfléchir. C’est indubitable.

Toucher à la dégressivité, c’est toucher à un tabou ?

Non, il ne faut pas considérer cela comme un tabou. Il faut néanmoins savoir que, si en réformant la dégressivité, on diminue les allocations de chômage, cela engendrera inévitablement une tendance à la baisse des rémunérations salariales, même si on maintient le salaire minimum légal. Dans toute négociation entre un demandeur et un employeur, il est tenu compte de la position de repli qu’est le chômage et du niveau de ces allocations. Toucher à la dégressivité, c’est toucher à la formation des salaires. Et donc à l’emploi aussi : si les salaires diminuent, les emplois seront plus nombreux.

Plutôt que de réformer le système de dégressivité, ne vaut-il pas mieux améliorer l’activation et le contrôle des chômeurs ?

A l’Ires, nous avons récemment étudié le mécanisme de contrôle d’effort à rechercher du travail, associé à des sanctions. Résultat : celui-ci a un impact positif, avant même de devoir procéder à des sanctions, mais il est néanmoins limité. Avec l’accompagnement des chômeurs, le taux de remise à l’emploi augmente de 10 % en Flandre, de 6 % en Wallonie et de 5 % à Bruxelles. Cela montre que ce dispositif s’avère plus efficace dans un marché où les offres de travail sont plus abondantes.

Les abus en matière de chômage augmentent-ils ? Il y a eu 108 000 sanctions en 2010, soit trois fois plus qu’en 2000.

On observe une augmentation généralisée dans les années 2000, tant pour les fréquences que pour les niveaux des sanctions. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait davantage d’abus. L’échange d’informations entre le niveau régional et le niveau fédéral fonctionne beaucoup mieux depuis 2004. L’équipement informatique et les bases de données se sont considérablement améliorés. Difficile, dans ce contexte, de tirer la conclusion hâtive qu’il y a plus de fraudeurs.

Les patrons fustigent le système belge d’allocations de chômage illimité dans le temps qui est unique en Europe. Avec raison ?

La non-limitation dans le temps est certes rarissime en Europe. Mais, dans les pays qui pratiquent la fin de droit, il existe un système d’assistance plus ou moins généreux. Certains offrent aussi des aides au logement pour les chômeurs, des aides au niveau fiscal, etc. Evidemment, la fin de droit signifie une rupture pour l’individu qui quitte un système d’assurance pour un système d’assistance plus intrusif au niveau de la vie privée. Bref, si on agrège les données comme le fait l’OCDE, on constate que la Belgique n’est certainement pas en queue de peloton en termes de « générosité » vis-à-vis des chômeurs, mais elle n’est pas non plus en tête pour toutes les catégories.

ENTRETIEN : THIERRY DENOËL

Retrouvez notre dossier complet sur les allocations de chômage dans le Vif/L’Express du 4 novembre.

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