Carte blanche

Syrie-Irak : L’incohérence de l’intervention belge

Le terrible siège de la Ghouta orientale est la dernière illustration en date d’un conflit sanglant en cours depuis 2011. Sans broncher, l’Europe a vu Homs, Alep et maintenant la périphérie de Damas exploser, quand elle ne prenait pas part activement au conflit comme à Mossoul.

Rien que pour la Syrie, on dénombre plus de 5,4 millions de réfugiés ayant fui le pays, principalement à destination des pays limitrophes. En Belgique en 2016, 2 430 Syriens et 760 Irakiens ont demandé l’asile (chiffres Myria). Les déplacés que les opérations militaires créent là-bas sont les demandeurs d’asile d’ici.

Armes et bombardements : quel rôle joue la Belgique ?

Et pourtant, l’Europe et la Belgique continuent de s’étonner des conséquences de leur propre interventionnisme dans la région. Aujourd’hui, nous demandons clarté et cohérence, mais aussi d’assumer les suites de ce conflit, notamment du point de vue migratoire et économique. Deux cas concrets montrent notre hypocrisie dans ce dossier (et notamment dans le blâme adressé à la Russie) : l’opacité de nos frappes aériennes sur l’Irak et la politique de l’autruche concernant les ventes d’armes.

D’une part, la Belgique, en participant à la coalition menée par les USA, a largué 999 bombes et dépensé 100 millions d’euros. Notre pays représente même 5% de l’ensemble des missions aériennes de la coalition internationale contre Daech ; coalition qui, par ailleurs, a fait plus de 6 000 morts civiles selon l’ONG anglaise Airwars. La Belgique est néanmoins un des pays dont le bilan des frappes aériennes est le moins connu : nous ne savons ni les dates, ni les lieux, ni les objectifs des frappes. Et qui plus est, nous ferions partie des « gentils » capables de faire des frappes millimétrées : la fameuse guerre chirurgicale. Le reportage sur le sujet, mené par Médor, fissure ce discours grotesque en prouvant que des civils sont touchés. On doit s’indigner des frappes russes sur des civils, mais la dénonciation serait plus légitime si on assumait les résultats de nos propres opérations…

D’autre part, la présence d’armes belges en Syrie est avérée depuis 2012 et documentée par le GRIP [1]. Après avoir retrouvé nos armes au coeur du conflit libyen, elles sont maintenant présentes en Syrie et en Irak ! Les ventes à l’Arabie saoudite, qui fournit ensuite des armes aux groupes rebelles, sont pointées du doigt. Ne fût-ce que dernièrement, en octobre 2017, les forces syriennes trouvaient des armes belges dans un dépôt de l’EI. Et pourtant, on attend toujours un meilleur contrôle de nos ventes et un embargo sur la vente à l’Arabie saoudite ou encore au Qatar. Il est temps d’assumer le coût économique de nos convictions.

Irak, Libye, Afghanistan : les casseroles de l’interventionnisme

Si, en conclusion, la lutte contre Daech est essentielle, la gestion du conflit montre surtout un manque de vision à long terme et de gestion d’une coalition entrée en guerre sans trop savoir qui elle soutenait, tout en répétant les mêmes erreurs, de conflit en conflit. A l’instar de la Libye, de l’Irak (2004) et de l’Afghanistan, l’Europe (en suivant les USA) a encore une fois montré les lacunes béantes de sa politique étrangère, avant de montrer les limites de sa politique migratoire. La politique étrangère en cours depuis la première guerre du Golfe est dépassée. Aujourd’hui, nous devons questionner notre rapport à l’interventionnisme : quelle est son utilité et surtout sa réussite ? Il est également grand temps d’arrêter l’hypocrisie : soyons transparents dans nos actions, empêchons nos armes de se retrouver n’importe où, sans quoi, il nous faut assumer les conséquences migratoires, économiques et sociales des guerres qu’on mène. En politique étrangère, cohérence et courage doivent nous guider !

Mathieu de la Croix, Membre des Jeunes cdH et Christophe De Beukelaer, président des Jeunes cdH

[1] Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité

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