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Sven Gatz : « La Belgique est déjà confédérale »

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Ministre surprise du gouvernement flamand, Sven Gatz (Open VLD) fait son grand retour en politique après des fonctions à l’Union des brasseurs belges. Son point de vue sur la nouvelle donne politique est d’autant plus intéressant.

Certains responsables politiques suivent une trajectoire linéaire, d’autres préfèrent les zigzags. Sven Gatz appartient à la deuxième catégorie. Cet avocat bruxellois rejoint au début des années 1990 la bannière nationaliste de la Volksunie. Il y côtoie les stars de la cause flamande, Hugo Schiltz et Vic Anciaux, ainsi qu’un jeune loup prometteur, Bart De Wever. En 2001, lorsque la VU implose, Geert Bourgeois prend la tête de son aile droite et fonde la N-VA. Sven Gatz, lui, adhère avec Schiltz et Anciaux au mouvement Spirit, avant de passer à l’Open VLD. Plusieurs fois pressenti ministre, il ne le devient jamais. En 2011, il quitte la politique pour devenir directeur de l’Union des brasseurs belges. Trois ans plus tard, son parti le rappelle. Le voilà ministre de la Culture dans un gouvernement flamand présidé par Geert Bourgeois. En complément à l’interview qui paraît cette semaine dans Le Vif/L’Express, nous publions ci-dessous le second volet de l’entretien avec Sven Gatz.

Au cours des trois dernières années, vous avez pu observer l’actualité politique de l’extérieur. Qu’est-ce qui a le plus changé au cours de cette période ?

Quand j’ai quitté la politique, en juin 2011, la Belgique était en pleine crise. On commençait tout juste à entrevoir l’espoir d’une tripartite traditionnelle pour sortir de l’imbroglio. Aujourd’hui, on peut dire que le gouvernement Di Rupo a relativement bien marché, dans une logique de gestion, peut-être moins dans une logique de vision. Ce qui a changé, grâce aux dernières élections, c’est qu’on a désormais la possibilité de poser des choix politiques clairs, surtout dans le domaine socio-économique. La cohérence idéologique du gouvernement n’a jamais été aussi grande depuis très, très longtemps. Tout n’est pas résolu, loin de là, mais la nouvelle donne électorale permet de faire autre chose que de la simple gestion. A une condition : que les dossiers communautaires restent au frigo.

Il est exclu que la coalition « suédoise », si elle se concrétise, avance à la fois sur le communautaire et sur le socio-économique ?

L’expérience montre que c’est impossible d’avancer sur le deux fronts à la fois. Et en plus, cela reviendrait à menacer la branche francophone du gouvernement fédéral. Or tant l’Open VLD que le CD&V et la N-VA veulent garder un climat de confiance avec le MR.

Dans les discussions en cours entre la N-VA, le CD&V, le MR et l’Open VLD, il serait question de vendre certaines participations de l’Etat dans des entreprises comme Belgacom, Bpost, BNP Paribas, voire la SNCB. Comme libéral, vous y seriez favorable ?

Premier élément : il n’y a pas de tabou. C’est une différence avec les socialistes, pour qui on ne pouvait par principe toucher à rien. Second élément : il faut rester pragmatique. Si on privatise, est-ce que ça va mieux marcher sur le terrain ? Là, je pense qu’il y a de grandes différences d’un cas à l’autre. On pourrait envisager de vendre nos actions dans Belgacom, Proximus. Je n’y vois pas d’objections fondamentales. Concernant la SNCB, ou même BPost, je suis en revanche beaucoup plus réservé. Quand on dit qu’on n’a pas de tabou, ce serait ridicule de penser qu’on va subitement abroger tout ce qu’ont fait les socialistes. Je crains un peu le revanchisme dans certains dossiers. Or ce n’est pas un jeu. Gouverner exige de la sérénité et de la maturité.

Votre collègue Guy Vanhengel a rappelé dans l’hebdomadaire Knack que l’Open VLD était favorable à la création d’une circonscription électorale couvrant l’ensemble du territoire belge. Votre parti défendra cette idée dans les prochains mois ?

Cela ne se fera pas cette législature-ci. Parce que la priorité doit aller au socio-économique. Si on demande à la N-VA de renoncer à ses exigences institutionnelles, on ne doit pas, nous, mettre sur la table un autre dossier chaud sur le plan communautaire. Certes, pour certains, il s’agit justement d’un dossier anti-communautaire, qui permettrait de sortir de la surenchère permanente, mais pour d’autres, c’est une provocation anti-flamande. A moyen terme, cependant, cette idée pourrait rééquilibrer notre système politique. Si on décide que 25 députés sur 150 seront élus dans une circonscription fédérale, on peut imaginer que ces 25 députés-là se mettront à penser autrement, en ne se préoccupant plus seulement des intérêts de leur propre communauté. Cela peut créer une nouvelle dynamique, même s’il ne faut pas s’attendre à une révolution. Car on a déjà, non pas un fédéralisme, mais un confédéralisme relativement fort.

Selon vous, la Belgique est déjà confédérale ?

Notre système comporte des éléments très confédéraux, notamment le fait que les ministres régionaux et communautaires sont compétents pour leur propre politique étrangère. Cela n’existe pas dans la plupart des autres pays. Par ailleurs, la Flandre et la Wallonie sont devenues des régions très, très fortes. Je constate, c’est tout. Cela fait longtemps que le communautaire n’est plus ma tasse de thé. Je suis entré à la VU parce que je voulais le fédéralisme. Aller plus loin, ça ne m’intéressait pas. Or entre-temps, on est déjà allé plus loin.

Quand vous étiez à la VU, vous avez notamment côtoyé Bart De Wever. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Pour moi, c’est intéressant de voir comment il a évolué. J’ai l’impression qu’à Anvers, il s’attaque à certains symboles, qu’il mène une politique assez différente de celle pratiquée à Gand et Bruxelles, mais c’est trop tôt pour dresser un bilan. Je ne sais pas si un bourgmestre, compte tenu de toutes les contraintes de la mondialisation, peut vraiment initier des ruptures nettes. A vrai dire, je ne le pense pas. Oui, Boris Johnson, le maire de Londres, est un autre personnage que Bertrand Delanoë, l’ancien maire de Paris. A Anvers, on voit bien que le style de Patrick Janssens n’est pas le même que celui de Bart De Wever, mais à la fin de la législature, quelles seront les différences ? Je pense qu’elles seront bien moins importantes qu’on ne l’imaginait. Toutes les grandes villes sont aujourd’hui confrontées aux mêmes problèmes, et face à ceux-ci, les responsables politiques doivent faire des choix, sinon ils ne servent à rien, mais ils doivent aussi se montrer modestes.

Lire le premier volet de l’interview de Sven Gatz dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec notamment :

– Son point de vue sur le retour du FDF au gouvernement bruxellois. – Comment il perçoit la présence de la N-VA au gouvernement fédéral.
– Ses souvenirs personnels concernant Vic Anciaux, Hugo Schiltz, Geert Bourgeois et la disparition de la Volksunie.

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