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Sûreté de l’Etat : la particratie à mains nues

La lutte va être sanglante pour le poste d’administrateur général et de son adjoint, à la Sûreté de l’Etat. Les partis avancent leurs pions, en se donnant une apparence d’objectivité. Délai de présentation des candidats : 12 jours !

Le monde politique veut-il rattraper son retard, à quelques encablures des élections ? Les deux emplois d’administrateur général de la Sûreté de l’Etat et de son adjoint ont été déclarés vacants et un appel à candidature pour les pourvoir vient d’être publié dans le Moniteur du 4 février. Le Moniteur a également publié, ce 7 février, la composition du comité de sélection qui proposera deux noms à la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom (Open VLD). En douze jours, top chrono, les candidats doivent se déclarer. Pour des postes de cette importance, une telle fébrilité est peu banale. La place de l’AG, actuellement occupée par Alain Winants, aurait dû être remise en jeu depuis le 27 octobre 2011, date à laquelle expirait le mandat de ce dernier. Faute d’accord politique sur le nom d’un remplaçant, Alain Winants, ancien magistrat du parquet général de Bruxelles, étiqueté Open VLD, a été reconduit comme « faisant fonction » pendant trois ans. Le job a été fait et bien fait, semble-t-il. Mais, à l’heure des menaces radicales, un tel vide institutionnel à la tête de notre principal service de renseignement faisait l’objet de nombreux commentaires négatifs. Soudain, le monde politique bouge. Un comité de sélection chargé d’ « d’évaluer objectivement les connaissances et les aptitudes professionnelles et managériales requises des candidats » est mis dare-dare sur pied.

A l’origine, ce comité de sélection ne devait comprendre que Guy Rapaille, président du Comité permanent de contrôle des services de renseignement, Anita Harrewijn, procureur général de Gand (ayant le terrorisme dans ses attributions pour le Collège des procureurs généraux) et Marc Van Hemelrijck, administrateur délégué du SELOR (qui a été prolongé six mois à ce poste par une décision parue dans le Moniteur du 3 février). Selon nos informations, Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur (CDH) est intervenue pour élargir ce comité de sélection à deux autres personnes : Christian De Valkeneer, procureur général de Liège (CDH) et Georges Carlens, administrateur général de l’Office national de l’emploi et son ancien chef de cabinet lorsqu’elle était ministre de l’Emploi. Pour faire bonne mesure, on a ajouté à cet aéropage le criminologue gantois Brice De Ruyver, qui a été conseiller de Johan Vande Lanotte (SP-A), puis de Guy Verhofstadt (Open VLD).

Les jeux sont-ils plus ouverts pour autant ? Pas sûr. On sait déjà que le profil de fonction de l’administrateur général adjoint a été modifié pour permettre à un non juriste de postuler. En l’occurrence, il s’agirait de Pascal Pétry (PS), conseiller « sécurité » du Premier ministre Elio Di Rupo, sans états de service dans la magistrature, dont le nom circule déjà depuis des mois. Le PS aurait renoncé à décrocher pour un francophone la haute direction de la Sûreté de l’Etat, occupée par plusieurs AG néerlandophones successifs, alors que tous les départements d’autorité de notre pays (police fédérale, service de renseignement de l’armée, état-major de l’armée, etc.) sont déjà dirigés par des Flamands. Si Pascal Pétry était choisi, alors l’AG ne pourrait être que néerlandophone, pour respecter, là, un équilibre interne à la Sûreté de l’Etat.

Alain Winants a déjà dit à plusieurs reprises qu’il était candidat à sa propre succession. Il maintient cette candidature, même s’il a également postulé au poste de procureur général de Bruxelles, bientôt libre. Poste que guigne également l’actuel procureur fédéral Johan Delmulle (étiqueté CD&V). Ce dernier se présentera-t-il également à la direction de la Sûreté de l’Etat ? Les arbitrages seraient sanglants. Le nom de l’ancien procureur général de Liège, Cédric Visart de Bocarmé, étiqueté CDH, a également circulé. De même que celui de Jaak Raes (CD&V), directeur du Centre de crise (SPF Intérieur). Mais si Petry est dans le tube, Visart n’a aucune chance.

Bref, la particratie à mains nues, dans un dossier qui implique quand même, un peu, la sécurité du pays, et où la continuité du service va être ébranlée par l’arrivée simultanée de deux nouveaux hauts responsables. Un détail supplémentaire corse l’affaire. Marc Van Hemelrijck, qui a été prolongé in extremis (le 3 février) à la tête du Selor pour pouvoir figurer dans le comité de sélection (7 février) est loin d’avoir une réputation exempte de tout soupçon. Nommé à la tête du Selor (sensé objectiver les nominations) sous un ministre SP-A, mais indéfinissable politiquement, il a été épinglé par le Groupe d’étude pour une réforme de la fonction publique (Gerfa), dans une note du 20 mai 2008, où, faits à l’appui, ses erreurs dans le recrutement des « top managers » étaient épinglées, ainsi que plusieurs fautes déontologiques graves dans la gestion et l’organisation des jurys de sélection.

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