Braine-l'Alleud. © googlemap

Subsides européens : imposture à Braine-l’Alleud ?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Candidate aux subsides Feder  » bas carbone « , Braine-l’Alleud attend le feu vert de la Wallonie ce jeudi 7 juillet. L’enjeu : des nouvelles voiries à 6,8 millions d’euros. Un projet bas carbone, vraiment ?

« Le barreau ouest de Braine-l’Alleud, c’est un peu le monstre du Loch Ness. On en parle depuis toujours, mais on ne le voit jamais. » La comparaison est signée Hervé Lignian, médecin-chef de site du Chirec de Braine-l’Alleud. L’hôpital marque la limite entre deux paysages. D’un côté, c’est la densité du centre-ville, avec ses rues à sens unique congestionnées. De l’autre, c’est la rase campagne, traversée par quelques chemins hasardeux. Dans cette commune de 40 000 habitants, où la population est en augmentation constante, la mobilité relève du casse-tête. « Tout ce qui peut améliorer la circulation est bon à prendre », résume Hervé Lignian.

Braine-l’Alleud n’a jamais pu concrétiser le contournement ouest. Il implique la création de voiries structurantes depuis la chaussée de Tubize, au nord de la petite ceinture, jusqu’à la route de Piraumont menant vers la chaussée de Nivelles, au sud. En mai 2014, la majorité MR-PS s’était portée candidate pour le Feder (le Fonds européen de développement régional), en déposant des projets pour un montant total de 43 millions d’euros, dont les futures voiries du barreau ouest. Mais son dossier avait été recalé par le gouvernement wallon et par le comité d’experts chargé d’examiner les fiches Feder : la manne réservée au Brabant wallon n’a pas vocation à financer des nouvelles voiries. Et l’Europe se montre intransigeante en matière de subsides.

Mise au vert des arguments

En novembre 2015, Braine-l’Alleud tente à nouveau sa chance à l’occasion d’un ultime appel à projets visant à attribuer les derniers millions du Feder. Dans le Brabant wallon, il reste notamment 6,8 millions d’euros dédiés à l’économie « bas carbone ». Un montant plus faible, mais suffisant pour financer la phase 1 du contournement ouest (voir la carte ci-contre). Début 2016, la commune dépose donc une version ajustée de son projet initial. Dans son dossier, elle souligne entre autres une « réduction sensible de l’émission de gaz à effet de serre par la réduction du trafic routier », ainsi qu’une « optimalisation des transports en commun et des modes doux ».

Seconde session réussie ? En juin, les experts ont rendu leurs conclusions en toute confidentialité au gouvernement wallon. Celui-ci doit en principe trancher ce jeudi. En cas d’avis défavorable de la taskforce, la décision finale sera politique : soit le gouvernement valide le projet brainois sur dérogation, soit il l’enterre définitivement pour cette programmation du Feder.

Comment la création de nouvelles voiries de 15 mètres de largeur, dans un cadre naturel jusqu’ici préservé, pourrait-elle répondre aux critères d’un projet « bas carbone » ? La question suscite plus que jamais la polémique. En mars dernier, 400 lettres de citoyens sont parvenues à la commune dans le cadre de l’enquête publique. Depuis le 22 avril, une pétition mise en ligne par le collectif des habitants de Braine-l’Alleud, créé dans la foulée, a par ailleurs récolté 6 170 signatures. « Les fonds européens ont-ils vocation à détruire l’environnement ? », s’interroge Bernard Vanheule, membre du collectif. « Ce tracé du contournement ouest détériorera le cadre de vie et le bilan carbone de la commune, sans répondre efficacement aux problèmes de mobilité. Vu l’ampleur du projet, il fallait au minimum étudier des tracés alternatifs. »

Le nébuleux bilan CO2

Braine-l’Alleud présente ce tracé comme un chaînon manquant indispensable pour désengorger le centre-ville, tout en améliorant l’accès au Chirec. L’argument « bas carbone » repose sur une meilleure interconnexion des trois pôles d’emplois (Nord, centre et Sud). Dans son dossier Feder, la commune évalue le gain en émission de gaz à effet de serre à plus de 1 000 tonnes de CO2 par an par rapport à la situation actuelle. Un bilan carbone qui ne tient pas compte de l’impact négatif de la construction des voiries, ni du charroi supplémentaire de véhicules que générera la création d’un parc économique sur 32 ha de verdure (zone hachurée sur la carte). La majorité se retranche derrière une méthode de calcul… qu’elle ne communique pas. « Dans l’attente de la décision finale, nous ne voulons pas attiser les tensions avec les riverains sur un projet d’intérêt public », se justifie le bourgmestre, Vincent Scourneau (MR).

Braine-l’Alleud a-t-elle verdi son projet routier pour décrocher les derniers financements européens disponibles ? « Les arguments avancés sont inacceptables, lance Thérèse Snoy, cheffe de groupe du parti Ecolo, dans l’opposition. Non seulement l’hypothèse de travail est biaisée dès le départ, mais elle implique en plus un raisonnement désarmant de naïveté. Tout à coup apparaîtraient sur ces routes des bus miracles, si possible écologiques, alors que le TEC Brabant wallon n’est pas dans une logique consistant à créer de nouvelles lignes. »

Le plaidoyer de la commune apparaît d’autant plus léger à la lecture des critères définis par l’Europe pour cette enveloppe. Celle-ci porte très exactement sur « la création ou la requalification d’infrastructures propices à l’accueil des entreprises contribuant à la transition vers une économie Bas Carbone ». Or, le projet de parc économique de 32 ha, porté par l’Intercommunale du Brabant wallon (IBW), n’est aucunement lié au dossier Feder. « On ne reçoit pas un euro de l’Europe, confirme Baudouin Le Hardy, directeur général de l’IBW. Si la fiche de la commune est validée, on embraiera sur une logique bas carbone, comme pour tous nos parcs. » Mais sans véritable révolution.

D’après le collectif et le parti Ecolo, les alternatives existent. Pour Thérèse Snoy, les hectares à proximité de la future gare de l’Alliance (RER), au sud, sont bien plus propices à l’accueil de nouvelles entreprises. Pour encourager un usage fonctionnel des modes doux, elle cite la requalification de la ligne 115, l’ancienne voie ferrée qui relie la gare de Braine-l’Alleud à la commune de Braine-le-Château. « Ce serait un vrai projet bas carbone, bien plus compatible avec les exigences européennes et avec le cadre existant. »

Pour le Feder, il est déjà trop tard. Si les 6,8 millions d’euros de subsides ne servent pas à financer les voiries de Braine-l’Alleud, ils seront perdus, faute de projets « bas carbone » bien moins controversés.

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