Michel Delwiche

Stéphane Moreau fait l’unanimité

Michel Delwiche Journaliste

Une dizaine d’intercommunales échappent à la tutelle régionale parce qu’elles sont actives sur deux ou même les trois Régions du pays. Celles-ci devaient, depuis 2001, s’entendre et signer un accord de coopération pour se répartir les responsabilités. Mais on a laissé les choses aller. Une situation dont a profité Stéphane Moreau, à la tête de Tecteo, pour exercer son art en toute autonomie. Mais aujourd’hui, même son propre parti, le PS, prend ses distances.

Le patron socialiste de Tecteo a réussi à mettre tout le monde d’accord… contre lui. Les huit partis associés dans la réforme de l’Etat, dont le sien, se sont en effet accordés, sans la moindre difficulté apparente, pour décider de rétablir une tutelle régionale sur les intercommunales transrégionales. Il s’agit de ces intercommunales qui regroupent dans leur actionnariat des communes appartenant à deux ou trois Régions.

Le métier de base

Parmi elles par exemple, PBE, la Provinciale brabançonne d’Energie, ou Gaselwest, font partie, aux côtés de Tecteo, des 14 intercommunales gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) d’énergie. PBE a son siège social à Lubbeek (Leuven) et associe 24 communes, dont quelques wallonnes (Perwez, Incourt, Villers-la-Ville…). Gaselwest est établie à Courtrai et est active sur des communes (ou parties de communes) wallonnes limitrophes (Celles, Frasnes-lez-Anvaing). Cette situation est historique, et antérieure à la naissance des Régions belges, de même qu’à la fusion des communes.

Lorsque les Régions ont hérité de la tutelle sur les communes, en 2001, le soin de veiller sur ces intercommunales transrégionales a été laissé au fédéral sur la base d’une loi de 1996 guère applicable. Ce n’était pas grave, disait-on à l’époque, puisqu’il suffira aux Régions de signer un accord de coopération pour préciser qui aurait autorité sur quelle intercommunale. Ce qui n’est toujours pas fait. Mais cela n’a longtemps guère posé de problèmes, la mission de ces associations de communes étant clairement définie, et limitée à leur objet social.

Une autonomie organisée

Les problèmes ont surgi avec Tecteo.

La Liégeoise n’est devenue transrégionale qu’en 2009, lorsqu’elle a associé les communes de Fourons (en Flandre) et d’Uccle (à Bruxelles), assez clairement pour échapper à la tutelle wallonne. Elle s’est élargie en acquérant, en tout ou en partie, d’autres intercommunales de distribution d’énergie (Intermosane, ALG), concurrentes dans son métier de base (Tecteo est issue de l’ALE, l’Association liégeoise d’électricité). Elle a développé ses activités dans la production d’électricité (en absorbant la Socolie), dans la télédistribution (en achetant les intercommunales wallonnes), le triple-play (télé-internet-téléphone), a racheté Be tv, puis Win (ex-filiale de Belgacom active dans l’offre TIC aux entreprises et administrations) et, plus récemment, l’aéroport de Liège et le groupe de presse L’Avenir. Elle s’est transformée en un holding Tecteo Group qui a lui-même confié la gestion des activités à deux Sociétés anonymes, RESA pour la distribution d’énergie, et Tecteo Services Group qui comprend lui-même VOO, Tecteo Invest et Tecteo Energy.

Nous voilà à mille lieues d’une intercommunale classique, créée par quelques communes pour sagement gérer en commun une piscine, le ramassage des immondices ou la distribution d’électricité, à savoir des missions de service public d’intérêt communal. Tecteo, hydre tentaculaire au fonctionnement technocratique, est devenue incontrôlable. Et des voix de plus en plus nombreuses évoquent la mégalomanie de Stéphane Moreau, et pointent une gestion hasardeuse qui détourne les bénéfices dont devraient bénéficier les communes grâce à la distribution d’énergie vers des activités déficitaires (dont VOO).

Tecteo a ainsi fait l’objet de nombreux débats au Parlement wallon. Le ministre Furlan (PS), qui a la tutelle sur les pouvoirs locaux, a plus d’une fois expliqué qu’il faisait tout pour arriver à un accord de coopération entre les régions, mais que cela coinçait entre Bruxelles, qui abrite les sièges sociaux de plusieurs intercommunales transrégionales, et la Flandre, qui ne voulait pas d’un rattachement sur base du siège social. On a évoqué également un rattachement sur base de la longueur des canalisations, mais qui aurait accordé la tutelle sur Vivaqua (ex Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux) à la Wallonie, et celle sur Sibelgaz à la Flandre.

Et ça traînait, et ça traînait… Jusqu’à hier, et cet accord surprise entre les huit partis au pouvoir (au fédéral et/ou au régional). Un accord de principe, car ils n’ont pas avancé sur les critères du rattachement. Ce travail-là, ils l’ont laissé au Premier ministre Elio Di Rupo (PS).

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