Image d'illustration © Reuters

Six questions sur le rapatriement d’enfants de djihadistes belges en Syrie

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un juge des référés de Bruxelles a décidé de contraindre l’Etat belge à procéder au rapatriement de six enfants de Syrie. Que va-t-il se passer maintenant ? Où seront-ils accueillis ? Plusieurs options existent, explique le journal flamand De Morgen.

Les mères ne seront pas rapatriées, mais bien les enfants ?

Un juge des référés de Bruxelles a décidé de contraindre l’Etat belge à procéder au rapatriement de six enfants et de deux mères de Syrie. Le gouvernement belge a annoncé qu’il allait faire appel de cette décision. Les enfants en question se trouvent actuellement dans le camp de réfugiés d’Al-Hol, au Kurdistan. Il s’agit de la deuxième décision du juge des référés dans ce dossier.

Le gouvernement va faire appel, mais va néanmoins évaluer ce qui peut être fait pour ces enfants, qui ne sont pas responsables d’être nés dans de telles conditions et n’ont pas choisi l’Etat islamique, a souligné Maggie De Block, Secrétaire à l’Asile et à la Migration. « Je peux accepter que ces enfants innocents viennent en Belgique. Quatre d’entre eux sont Belges et ont des grands-parents ici. En outre, l’un d’eux serait grièvement malade, nous devons donc prendre nos responsabilités », a précisé la ministre sur son site internet.

Quant aux mères, « c’est une autre histoire ». « Elles ont choisi l’Etat islamique et tourné le dos à la Belgique, consciemment et à plusieurs reprises. Nous demander maintenant d’aller les chercher, c’est aller trop loin, c’est se moquer de nous. Elles ont été condamnées en Belgique et ont participé activement à la préparation d’attaques terroristes. Nous allons devoir analyser les risques sans complaisance« , conclut Maggie De Block.

Combien d’enfants sont concernés?

Environ 150 enfants de combattants belges en Syrie, dénommés les « foreign terrorist fighters’, seraient en Syrie ou en Irak. Parmi eux, seulement une quinzaine sont localisés dans le camp de réfugiés de Al-Hol et de Al-Roj au Kurdistan, dans le nord de la Syrie. Parmi eux, il y a six enfants de deux mères originaires de Borgerhout (Anvers). Les enfants concernés ont entre 8 mois et 6 ans.

Est-ce la première fois que cela arrive?

Ces dernières années, 22 enfants de combattants belges en Syrie sont revenus en Belgique, la plupart en compagnie de leur mère et via la Turquie.

La Belgique offre une assistance consulaire en Turquie et prélève des échantillons d’ADN afin de confirmer la filiation parentale. Concernant Amina Ghezzal, une combattante syrienne bloquée en Turquie après une condamnation pour terrorisme, il n’a pas été possible de prélever un échantillon d’ADN. Un juge a décidé récemment que la Belgique devait faciliter le retour de ses deux enfants. Le gouvernement peut aussi faire appel de la décision.

Si la Belgique doit rapatrier des enfants de ce camp situé au Kurdistan, cela sera plus compliqué que de le faire depuis la Turquie. Fin novembre, un enfant en bas-âge a été rapatrié. Ce dernier se trouvait dans une région en guerre, il avait été enlevé par son père qui avait été tué au combat. Il est resté dans un camp pendant 6 mois, jusqu’à ce qu’il puisse rejoindre sa mère en Turquie et être rapatrié en Belgique. Dans ce cas, c’est la maman elle-même qui a du entreprendre les négociations pour retrouver son enfant en Turquie.

Comment faire sortir ces enfants des camps kurdes et les amener en Belgique?

Selon des chercheurs de la VUB qui travaillent en collaboration avec Child Focus et qui ont passé quelque temps dans le camp de réfugiés, il est possible de les retrouver. Toutefois, via une délégation officielle, cela semble moins évident. La Belgique n’a pas de représentants diplomatiques en Syrie et les Kurdes ne sont pas des interlocuteurs officiels. Mais il existe bien des organisations humanitaires qui sont actives dans ce domaine, comme Unicef et la Croix-Rouge, avec lesquelles la Belgique est en dialogue.

« Nous pouvons faciliter ce genre d’opérations si nécessaire« , déclare au Morgen David-Pierre Marquet du Comité international de la Croix-Rouge. « Un accompagnement pas nos soins devraient offrir des garanties pour le bien-être des enfants, en ligne avec le droit humanitaire international. »

Une telle organisation devrait alors être apte à accompagner les enfants des camps à l’aéroport pour les faire sortir du pays. L’option de la Turquie semble toutefois exclue, à cause des mauvaises relations entre les Kurdes et Ankara, une collaboration entre ces deux parties n’est pas envisageable, selon une source proche du dossier. La Turquie a érigé un mur en béton à la frontière avec la Syrie du Nord qui laisse uniquement passer les militaires turques en intervention.

Il y a un passage entre les territoires kurdes en Syrie et en Irak, par lequel les enfants pourraient arriver dans la ville irakienne d’Erbil. Là, ils pourraient être réceptionnés par les responsables diplomatiques néerlandais et français.

Qu’en pensent les Kurdes?

Même si les combattants kurdes ne préfèrent pas que l’on vienne de la sorte rechercher leurs ouailles, pour certains pays européens, ce n’est pas si compliqué. Des pays comme le Soudan, l’Indonésie ou encore la Russie y sont déjà arrivés.

« Si l’on reçoit une demande officielle, nous sommes prêts à aider« , déclare Sheruan Hassan, représentant de la Syrie kurde au Benelux. Selon Hassan, il n’est pas nécessaire d’amener les enfants dans le Kurdistan irakien. « Une délégation officielle est la bienvenue. Elle peut atterrir à Qamishli, dans le nord-est de la Syrie où les enfants pourraient être acheminés et, de là, ramenés en Belgique. »

Une telle intervention pourrait être envisagée avec des pays comme la France, qui selon Hassan, serait aussi en pourparlers dans ce même style de situations. Selon une source anonyme s’occupant de la sécurité et contactée par De Morgen, la possibilité est étudiée d’envoyer un avion du gouvernement dans le territoire kurde situé en Syrie.

Que se passera-t-il quand les enfants seront rentrés en Belgique?

Si les mères rentrent avec eux au pays, elles devront purger leur peine. Elles ont été condamnées par contumace pour avoir participé activement à la préparation d’attaques terroristes. Les Communautés sont responsables des enfants et l’Agence flamande de protection de la jeunesse a élaboré un plan l’année dernière. Des experts dans le domaine de la déradicalisation et du travail social, des psychologues et les services de sécurité examinent chaque cas lors d’une table ronde. Le parquet de la jeunesse doit alors prendre une décision basée sur leurs conseils.

Une famille d’accueil ou une institution pour jeunes est possible, mais une prise en charge par les grands-parents est également envisageable. Dans ce dernier cas également, la Flandre peut être sollicitée pour l’analyse et le suivi de l’accueil de ces enfants.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire