Wim Moesen © DR

Six propositions pour une nouvelle discipline budgétaire

Comment oeuvrer à l’assainissement des finances publiques, sans assainir? L’économiste Wim Moesen (KU Leuven) formule six propositions.

Selon les dernières estimations de la Banque centrale européenne, le déficit budgétaire de la Belgique pour l’année 2020 s’élève à un peu plus de 10 % du produit intérieur brut (PIB), tandis que la dette publique dépasse les 115 %. « Le coronavirus a condamné les responsables du budget à improviser en dehors des livres de recettes habituels », déclare Moesen. Le gouvernement belge a dépensé beaucoup d’argent pour le chômage temporaire et toutes sortes de primes, mais a perçu beaucoup moins de recettes fiscales parce que l’économie s’est contractée de plus de 6 %. Cela a conduit à des chiffres de finances publiques rouge sang.

« Nous devons commencer à réfléchir dès maintenant à la manière dont nous allons rétablir la santé de notre budget ». Wim Moesen souhaite dissiper un malentendu courant : « Ce n’est pas parce qu’un gouvernement dépense plus d’argent qu’il est aussi plus efficace. Il existe un lien étroit entre la manière dont un budget est établi et les performances du gouvernement. Et c’est précisément dans ce domaine qu’il y a beaucoup à améliorer en Belgique. Les services d’étude et les groupes de réflexion sont souvent appelés à la hâte pour établir le budget. Ils fournissent des informations, des calculs et des conseils. Ces avis sont alors analysés lors de réunions nocturnes éprouvantes pour les nerfs. C’est le cas tant pour les conclaves budgétaires que pour les audits budgétaires. Le résultat a alors « l’odeur de la lampe à huile ». Les Romains le savaient déjà : « le travail de nuit conduit à des résultats inférieurs ».

Moesen formule six propositions qui nous aideront à améliorer notre budget, sans devoir faire d’économies. « Elles n’entraînent pas de coûts supplémentaires, car il s’agit d’améliorer les procédures. Si nous les appliquons, elles nous apporteront un bénéfice. »

1. Respectez le calendrier budgétaire convenu

Moesen : « L’Europe veut que chaque Etat membre soumette son projet de budget au plus tard le 15 octobre. En Belgique, nous avons pris l’habitude de prendre des décisions budgétaires en septembre, mais le calendrier devient alors très serré. En conséquence, nous devons souvent supplier pour obtenir un report, alors que nous avons déjà l’image d’un mauvais élève budgétaire. Il est préférable de revenir à l’ancienne coutume qui consistait à commencer le conclave budgétaire avant le 21 juillet. Jusqu’au 15 août, la vie politique est de toute façon pratiquement à l’arrêt. La fonction publique peut alors tout mettre sur papier. On peut alors procéder à quelques ajustements après les vacances. Le deuxième mardi d’octobre, à l’ouverture de la nouvelle législature, le Premier ministre peut alors présenter son « état de l’Union », appuyé par le projet de budget. Celui-ci peut être soumis à l’Europe avant le 15 octobre. »

2. Faites des estimations pluriannuelles

« Les études montrent que les pays ayant une tradition de prévisions pluriannuelles ont des finances publiques plus saines. C’est particulièrement important pour les travaux aux routes et autres investissements publics, car il y a un long délai entre la planification et la mise en oeuvre. Et maintenant que l’Europe accorde une grande importance au changement climatique et à la transition énergétique, ces prévisions pluriannuelles deviennent encore plus importantes. Elles devraient devenir obligatoires. »

3. Justifiez les dépenses

« Aujourd’hui, on ne pose pratiquement aucune question sur les dépenses et les recettes du gouvernement. Dans un monde idéal, chaque budget commencerait par une page blanche, sur laquelle chaque dépense serait justifiée. Mais cela demanderait trop de travail. Comme solution provisoire, nous pourrions creuser un certain nombre de champs budgétaires chaque année, de sorte qu’en fin de mandat, l’ensemble du budget ait été examiné. »

4. Maintenez une norme de dépenses

« Les recettes publiques dépendent fortement de la conjoncture économique. Si les choses vont bien, elles augmentent automatiquement ; en cas de crise, elles diminuent. Sous l’influence européenne, la Belgique s’est imposé un budget équilibré. Nous constatons aujourd’hui que cet objectif renforce le cycle économique au lieu de l’atténuer. C’est pourquoi, dans le courant de l’année, l’Europe présentera un nouveau concept, où la norme de dépense deviendra importante : il ne faudra pas dépenser plus que la croissance économique moyenne à moyen terme. Les études montrent que les pays qui appliquent une certaine forme de norme de dépenses obtiennent de meilleurs résultats budgétaires que les pays qui ne prêtent attention qu’au solde budgétaire. »

5. Créez un institut fiscal indépendant

« Au niveau européen, nous avons le Conseil budgétaire européen, un groupe d’experts non liés politiquement qui suit la politique des États membres. Nous devrions également créer un tel institut en Belgique. Nous avons déjà le Conseil supérieur des finances, mais formellement, il n’a pas pour mission de peser et d’évaluer systématiquement la politique budgétaire, comme l’Europe. »

6. Rétablissez la règle d’or du financement

« Jusqu’en 1975, notre pays avait la règle d’or de la finance. Cette double règle budgétaire permettait de maîtriser les finances publiques de manière simple et solide. Elle ne permet pas d’emprunter pour les dépenses courantes, telles que les salaires des fonctionnaires et les frais de fonctionnement. Le budget doit être équilibré. Pour les dépenses d’investissement, telles que les infrastructures et les bâtiments scolaires, on peut emprunter de l’argent. De cette façon, les coûts sont répartis dans le temps, mais les investissements apportent également la prospérité à de nombreuses générations, s’ils sont bien choisis. La règle d’or de la finance combine donc deux éléments importants. Premièrement, la discipline budgétaire est exercée là où elle est nécessaire, c’est-à-dire sur les dépenses courantes. Deuxièmement, vous obtenez de l’espace pour les investissements publics via des prêts, qui contribuent à la croissance économique du pays. Ce dernier point a certainement été négligé en Belgique dans le passé, avec toutes les conséquences qu’il implique. La règle d’or du financement doit être appliquée avant la fin du mandat du gouvernement – et de préférence partout en Europe, bien sûr. »

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