Joyce Azar

« Sexe à la flamande »

Joyce Azar Journaliste VRT-Flandreinfo et co-fondatrice de DaarDaar

Goedele Liekens en est persuadée : « Nous sommes tous curieux de savoir comment les autres le font. » Quasi inconnue en Belgique francophone, la psychologue et sexologue flamande a, à maintes reprises, défrayé la chronique aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, où elle a notamment présenté Sex in Class, sur Channel 4, une émission sans tabous destinée à contrecarrer l’influence du porno auprès des jeunes.

Début septembre, l’ex-Miss Belgique, et actuelle ambassadrice auprès de l’ONU, a fait son grand retour en Flandre, en proposant un nouveau programme télé intitulé Sex Tape. Au menu : images (très) explicites et discussions détaillées sur les relations sexuelles du citoyen lambda.  » Du jamais-vu à la télévision flamande.  »

Montrer la vie telle qu’elle est, briser les tabous et inciter les gens à oser parler de leur sexualité, c’est l’ambition affichée par Goedele Liekens. Pour ce faire, la sexologue propose à des couples en tout genre de se filmer avant, pendant et après leurs ébats amoureux, pour ensuite en parler ouvertement avec elle. Résultat : des moments chauds, parfois gênants, souvent peu glamour, et finalement relativement normaux, suivis de longues conversations sur la taille, le goût et les odeurs, les positions, les insatisfactions ou encore les fantasmes. Le tout est diffusé un soir par semaine, à une heure de grande audience, sur la petite chaîne privée Vijf, qui est ainsi parvenue à réaliser de meilleurs chiffres que Koppels, une émission analogue de VTM, mais nettement moins suggestive.

Aborder le sexe à la télé est avant tout vendeur, même s’il permet, parfois, de traiter de sujets sensibles ou interdits.

Flirter avec les limites de la décence porte incontestablement ses fruits, commercialement du moins. La diffusion de certaines images a toutefois suscité une vague de réactions, sur les réseaux sociaux comme dans la presse, notamment lorsque les sex tapes en question ont dévoilé les corps dénudés de deux hommes en action. Une première en Flandre, où l’organisme de défense des LGBT Çavaria s’est senti obligé de réagir :  » L’homosexualité fait partie de la vie sexuelle de certains Flamands, il est donc normal qu’elle apparaisse dans ce genre d’émission.  » Cette normalité, revendiquée à juste titre, semble encore poser problème, malgré la tolérance affichée par une majorité de citoyens. Dans le monde hétérosexuel aussi, des tabous surgissent encore régulièrement, surtout lorsqu’ils concernent la sexualité des femmes. Le livre de l’ex-présentatrice radio de la VRT Eva Daeleman a ainsi récemment provoqué un miniséisme médiatique au nord du pays. En cause : un extrait de quelques pages révélant son premier vrai orgasme, atteint à l’âge de 25 ans grâce à la masturbation.

Aborder le sexe à la télé est avant tout vendeur, même s’il permet, parfois, de traiter de sujets sensibles ou interdits. Malgré les bonnes intentions affichées par Goedele Liekens, Sex Tape demeure un programme de téléréalité, qui réveille principalement la curiosité voyeuriste qui sommeille en nous. D’aucuns relèguent l’émission au grade de  » télé poubelle « . Mais d’après l’Union flamande de sexologie, la multiplication de ce genre d’émissions a bel et bien un impact sur la population. Les spécialistes auraient ainsi vu leur nombre de consultations augmenter ces dernières années :  » Les gens sont devenus plus ouverts, ils osent plus facilement parler de leurs problèmes sexuels « , affirme l’un d’entre eux. Peut-être l’un des seuls réels avantages pour le citoyen. Et pour le métier de sexologue, dont on prévoit d’ores et déjà une prochaine pénurie au nord du pays.

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