Bart Maddens

Self-service financier

Bart Maddens Politologue à la KULeuven et proche du mouvement flamand

UN MINI-SCANDALE A ÉCLATÉ, à Charleroi, à propos du financement des partis. Le FDF a révélé que, via des constructions occultes, les sections locales des partis ont reçu de l’argent public : 210 000 euros par an. Les partis sont créatifs en matière de self-service financier.

Dès les années 1970, les partis politiques ont imaginé toutes sortes de mécanismes pour puiser dans les caisses de l’Etat. Sans que cela saute trop aux yeux. Ainsi, dans les neuf parlements que compte notre pays, des subsides sont attribués aux groupes parlementaires, destinés, en principe, à les aider à mieux remplir leur mission. Mais, dans la pratique, ces subsides trouvent le plus souvent leur chemin vers les partis. En 1989, les formations politiques se sont attribué une dotation fédérale annuelle. En 1995, les partis francophones ont trouvé un nouveau filon en or : la dotation régionale. Les partis flamands crièrent immédiatement au feu. Eux-mêmes ne recourraient jamais à pareils artifices ! assénaient-ils. Jusqu’à ce qu’un an plus tard le SP, devant faire face au paiement de lourdes amendes à la suite de l’affaire Agusta, eût un besoin aigu d’argent frais. En même temps, les autres partis flamands traditionnels voyaient fondre leurs recettes à cause du succès électoral du Vlaams Blok. En 2001, en dépit de leurs principes, ils se sont ralliés à la création d’une dotation régionale.

Le résultat est que tous les partis politiques raflent, par toutes sortes de canaux, à peu près 63 millions d’euros par an. Les partis belges baignent donc dans l’argent. Pas étonnant que leurs avoirs conjugués aient augmenté, ces dix dernières années, avec la rapidité de l’éclair : de 65 millions d’euros en 1999 à 104 millions en 2010. En fait, les partis sont devenus comme des clubs de placement. A cette différence près qu’ils ne gagnent pas eux-mêmes l’argent qu’ils investissent. Car 85 % de leurs revenus proviennent des contributions directes et indirectes.

Or la soif de l’argent ne semble pas encore apaisée, comme en témoigne l’histoire de Charleroi. Mais les partis flamands sont atteints du même mal. Ils ont découvert une nouvelle veine : des subsides pour les groupes politiques dans les conseils provinciaux. Le député flamand Peter Reekmans (LDD) a révélé, voici quelques années, que ces subsides s’y sont miraculeusement multipliés : de 1 million d’euros en 2000 à 4,4 millions en 2008. Il a démontré aussi que, dans certains cas, ces subsides ont été versés aux partis, en contradiction avec la législation flamande.

En 2009, le GRECO, un organisme du Conseil de l’Europe chargé de la lutte contre la corruption, a publié un rapport impitoyable sur le système belge du financement des partis. Selon lui, la réglementation belge présente trop de zones grises, par exemple au niveau local. Il trouve inacceptable l’absence de tout contrôle par une instance indépendante. Mais le législateur belge se moque des recommandations du GRECO comme de l’an quarante. L’accord gouvernemental de Di Rupo esquive également le problème du financement des partis. Ou pas tout à fait. Car, à cause de la suppression programmée des élections directes pour le Sénat, les partis perdront automatiquement une large partie de leur dotation, en tout quelque 9 millions d’euros. A moins qu’ils ne compensent ce manque à gagner par de nouveaux moyens. En ces temps d’austérité budgétaire, il ne manquerait plus que cela !

Bart Maddens, politologue à la KU Leuven

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