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Sander Loones: « Le successeur de Bart De Wever aura du mal »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Nos confrères de Knack se sont entretenus avec Sander Loones (N-VA), cité comme successeur possible par Bart De Wever. Le dauphin du président de la N-VA exprime son point de vue sur la crise des réfugiés, le fonctionnement de l’Union européenne et la succession de Bart De Wever.

Vous n’êtes pas membre du gouvernement, mais vous avez assisté De Wever durant toutes les négociations. Ces journées vous ont permis d’engranger des connaissances que plus d’un politique vous envie.

Loones: C’était en effet une période très agréable. Bart De Wever m’a conseillé de noter tout ce que j’entendais. J’ai pris des notes, j’ai rempli six carnets, qui me serviront plus tard. (rires) J’ai appris beaucoup de choses en peu de temps.

Avez-vous remarqué pendant les négociations que le CD&V se retrouvait dans une position difficile?

J’avais l’idée que Kris Peeters (CD&V) et Charles Michel (MR) s’étaient trouvés pendant les négociations.

La coalition a été créée, mais uniquement parce que la N-VA a mis son programme communautaire au frigo. Le parti a-t-il vendu son âme pour entrer au gouvernement ?

Non. Dans une démocratie parlementaire, on ne peut réaliser son programme qu’à condition d’obtenir 50% des voix et heureusement. Aucun nouveau partenaire de coalition ne souhaitait une nouvelle réforme de l’état. On avait donc le choix entre un mauvais gouvernement sans réforme de l’État – avec les socialistes et sans la N-VA – et un bon gouvernement sans réforme de l’État.

Bart De Wever n’essaie-t-il pas de contrer la popularité en baisse de ce cabinet en se montrant dur à l’égard des réfugiés ? Dans les sondages, la N-VA baisse et le Vlaams Belang progresse à nouveau.

Au dernier bureau de parti, nous n’avons même pas parlé cinq minutes des sondages. À la N-VA, nous savons comme il est agréable de se retrouver tout en haut dans les sondages et comme il peut être accablant quand les choses vont mal. Et nous sommes suffisamment réalistes pour savoir qu’un gouvernement qui demande des sacrifices à la population perd toujours de la popularité. Mais vous pensez vraiment qu’on s’occupe de sondages ou du Vlaams Belang quand il s’agit de cette crise de réfugiés ? On raconte la même histoire depuis 2001. Je sais que certains éléments de cette histoire sont durs. Mais la réalité d’aujourd’hui l’est aussi.

La situation est surtout dure pour les réfugiés.

Elle est dure pour tout le monde: pour les gens qui meurent en mer, mais aussi pour notre communauté flamande. Les défis auxquels nous sommes confrontés sont immenses. Nous devons mener une politique de frontières forte et une politique d’intégration et d’activation ambitieuse. Ce n’est pas simple, mais nécessaire. Les statistiques les plus déplorables que je connaisse portent sur le taux d’activité des nouveaux venus. Dans pratiquement tous les pays, ce chiffre augmente à mesure que les gens restent dans le pays, mais en Belgique, la situation ne s’améliore pratiquement pas.

Pourquoi les résultats de la Belgique sont-ils si mauvais ?

Aujourd’hui, nous n’activons pas encore suffisamment les gens, et notre marché de l’emploi n’est pas flexible. Les résultats dépendent aussi du nombre de nationalités que vous attirez. Les statistiques démontrent que certains groupes sont activés plus rapidement, et pourtant il y a une différence culturelle. Évidemment, ce n’est pas uniquement de leur faute. Je suis même perturbé que les migrants soient mal vus en Flandre. Les gens pensent qu’ils sont arrivés ici uniquement en fraudant ou parce qu’ils refusent de retourner chez eux. C’est pourquoi il est important d’expliquer que les véritables réfugiés qui se retrouvent en Belgique ne sont pas des illégaux arrivés ici injustement. Une politique d’admission sévère ne fera qu’augmenter le soutien aux réfugiés.

À cet effet, la N-VA souhaite même modifier la Convention de Genève.

La Convention de Genève date d’une tout autre période. Les temps ont changé.

Avec cet argument, Bart De Wever pourra aussi remettre en cause la Déclaration universelle des droits de l’homme. Celle-ci a encore quelques années de plus.

Nous n’en avons pas l’intention. Il y a une différence fondamentale entre les droits de l’homme et les droits du citoyen. La Convention de Genève servait d’ailleurs à faire la distinction entre les demandeurs d’asile : elle déterminait quelles conditions il fallait remplir pour être qualifié de réfugié. Au fil des ans, certains juristes ont donné une interprétation nettement plus large à ce texte original. Le texte de la Convention ne dit pas que les réfugiés doivent forcément avoir les mêmes droits sociaux que les Belges. En plus, l’Europe a ajouté beaucoup de règles et de conventions aux accords initiaux. Nous allons d’abord tenter de les modifier pour rendre possible un statut social séparé. C’est nécessaire et ce sera favorable à l’esprit de communauté. L’Europe ne peut pas empêcher cette modification.

Vous citez les allocations familiales, que la N-VA souhaite refuser aux réfugiés. Est-ce vraiment ce genre d’indemnités qui rendent la sécurité sociale impayable ?

Les allocations familiales ne sont qu’une indemnité à laquelle les réfugiés ont droit. Certains ont droit aussi à d’autres indemnités comme le soutien du CPAS. À Anvers, il y a encore 1700 nouveaux venus qui perçoivent de l’argent depuis la crise de réfugiés précédente. Il faut étudier l’impact total. Au Danemark, on réussit à limiter l’afflux grâce à des mesures similaires, et celui-ci a été réduit à un quart.

Y a-t-il d’autres indemnités que les réfugiés pourraient perdre?

Nous commençons par notre proposition en matière d’allocations familiales. Nous souhaitons aussi limiter les allocations de chômage dans le temps. Pas seulement pour les réfugiés, mais pour tous les habitants de ce pays.

Vous souhaitez saisir cette occasion pour entamer ce genre de discussions?

Non, je ne veux pas me servir d’un drame.

Les pays d’Europe de l’Est font-ils assez pour gérer l’afflux de réfugiés?

Non. Nous accueillons environ 1400 demandeurs d’asile par million d’habitants. Dans certains pays, il y en a moins de 100. Réunis, ces mêmes pays bénéficient de 150 milliards d’euros de soutien de la part de l’UE. Ce n’est pas logique. Des pays comme la Hongrie et la Slovaquie doivent faire au moins ce qui a été conclu au niveau européen, sinon il vaut mieux leur supprimer ces fonds structurels. Et je veux aller plus loin. Peut-être qu’il faut expulser certains de pays de l’UE s’ils minent le système.

Voilà qui ne vous rendra pas populaire au parlement européen.

Sur la question des réfugiés, j’entends beaucoup de gens parler de solidarité et de responsabilité. Il faut inverser cet ordre : il faut d’abord que chacun prenne ses responsabilités et ensuite on doit se montrer solidaires. On a peut-être une histoire partagée, mais l’Europe n’est pas un club d’amis : c’est un business dur où chacun doit respecter ce qui a été convenu.

Malheureusement, j’entends beaucoup de fausses bonnes idées. Angela Merkel a voulu se montrer chaleureuse en souhaitant la bienvenue à tous les réfugiés, mais sa générosité lui est revenue dans la figure comme un boomerang. L’afflux de gens était tout simplement intenable. Il n’est pas éthique de créer des attentes que l’État ne peut réaliser. On ne peut pas dire que chacun peut venir vivre et travailler ici. Ca n’ira pas.

Vous préférez renvoyer les réfugiés d’où ils viennent?

Vous parlez de ma proposition de refoulement? Nous souhaitons en effet que les migrants en mer soient accueillis par le port le plus proche, qui peut aussi être en Turquie. Ils doivent pouvoir y faire une demande d’asile pour l’Europe. L’alternative c’est que des familles entières montent dans des bateaux branlants et sont renvoyées. Je ne veux pas avoir ça sur la conscience. On se demande toujours comment on peut accueillir un maximum de gens en Europe. Alors que ce n’est pas là la question qu’on doit se poser. Nous devons accueillir un maximum de personnes qui fuient la guerre. Cela signifie les accueillir le plus possible à proximité de leur région d’origine. Il faut d’abord et avant tout éviter qu’ils montent dans un bateau.

Êtes-vous étonné que beaucoup de gens trouvent que la N-VA est un parti dur?

Nous ne sommes pas durs, nous sommes réalistes. Je préfère un message réaliste à la confiance et l’imagination que les politiques européens aiment évoquer. Quand ce genre de gens parlent de confiance, ils veulent généralement dire qu’on va utiliser de l’argent du contribuable. La Grèce a prouvé qu’elle n’arrive pas à respecter ce qui a été convenu. Cette année encore, nous avons dû dégager une enveloppe de 85 milliards d’euros. Ça ne peut pas durer. Il est temps de respecter davantage du Traité de Maastricht. Celui-ci mentionne une clause de no-bail out. Il faut laisser les pays qui se moquent des règles faire faillite.

La zone euro ne doit-elle pas mener de politique économique commune?

L’Europe n’est pas compétente en matière de fiscalité, de sécurité sociale et du marché de l’emploi. Nous souhaitons maintenir cette situation. Je crois à la concurrence. Si la Flandre ne peut concurrencer l’Allemagne parce que la politique est la même partout, les Allemands auront un plus grand marché et ils gagneront toujours. Avec notre fiscalité, il faut en tout cas pouvoir affronter la concurrence.

Johan Van Overtveldt (N-VA) estime pourtant qu’il faut harmoniser la zone euro.

Il faut convenir de règles, mais je n’aspire pas à un ministre européen qui développe les règles jusque dans les moindres détails. Les politiques pensent toujours qu’ils sont bons tant qu’ils font des lois. Malheureusement, le parlement européen n’a pas d’initiative législative, donc ici on s’occupe de résolutions. Il y en a de plus en plus. Il serait beaucoup plus utile d’éliminer les futilités. Ça aussi, ça aiderait toutes les économies européennes.

Bart De Wever vous cite comme successeur possible. Ce n’est pas un cadeau.

J’ai pris ça comme un compliment. Nous avons appris à très bien nous connaitre pendant les négociations gouvernementales et notre entente était excellente.

Quand De Wever vous cite comme successeur possible, c’est plus qu’un compliment, non?

Il m’a effectivement donné un mégaphone. Maintenant, on m’écoute quand je dis quelque chose. C’est pour cette raison aussi, que pendant longtemps je n’ai pas voulu accorder de grandes interviews. Je souhaite être jugé sur mon travail parlementaire, pas sur mon rôle possible dans le parti.

Et vous serez vraiment le nouveau président de la n-VA?

Bart reste président jusqu’en 2017. Il ne nommera pas son successeur, ce sera la tâche de nos membres. Son successeur aura du mal. Bart et Wouter Beke (CD&V) ont eu le temps de progresser. Aujourd’hui John Crombez (SP.A) est jugé tout de suite sur ses premiers interviews.

Mais vous avez de l’ambition ?

Je veux d’abord être un super papa.

Voilà qui paraît très bébête.

Je n’y peux rien: je suis un homme émotif. Vous savez, maintenant que j’habite de nouveau Oostduinkerke, je vois la tour de l’Yser tous les jours en allant à Bruxelles. Je trouve ça très amusant, et particulièrement quand je vois le drapeau flamand qui y flotte.

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