Jean-Pierre Delville veut sauver et valoriser le patrimoine matériel et immatériel du diocèse de Liège. © alexis haulot pour le vif/l'express

Saint Lambert à la rescousse : quand l’évêque de Liège fait appel aux dons pour son diocèse

Jean-Pierre Delville, 92e évêque de Liège, lance un appel aux dons privés pour valoriser le patrimoine matériel et immatériel de son diocèse : la fondation Saint-Lambert.

Quel est le statut de l’évêque de Liège dans la vie politique locale ?

Il est reçu un peu partout. J’ai de très bons contacts avec les mandataires politiques. J’essaie d’être présent aux manifestations officielles. Dans la cité des Princes-Evêques, les mots  » évêque  » et  » diocèse  » sont plus connus qu’ailleurs.

L’effondrement du CDH vous inquiète-t-il ?

Je ne prends pas parti, car il y a des chrétiens dans toutes les formations politiques. A Liège-Ville, CDH et socialistes ont collaboré pendant trente ans et cela a sauvé la ville de la faillite. L’action de William Ancion (CDH) a été déterminante pour remettre de l’ordre dans les finances de la Ville et rendre sa gestion plus efficace. Il reste beaucoup à faire en matière de pauvreté. La majorité sortante en était très consciente.

Une majorité laïque va-t-elle vous rendre la vie plus difficile ?

Chaque majorité est consciente des responsabilités qui lui incombent. Quand les subsides pour l’église Sainte-Croix ont été accordés, en 2017, les mandataires socialistes étaient très contents. Restaurer une église, c’est restaurer un monument important. Ne pas le faire serait un contre-témoignage, un signe de laisser-aller, de négligence. Ce n’est pas une question d’idéologie politique, mais de bonne gestion. De même pour les cours de religion dans l’école publique. Il faut respecter les prescrits légaux par conscience professionnelle, comme on peut l’attendre de tous les partis. Quand, dans certaines communes, le CDH était en majorité, il arrivait que des églises tombent en ruine…

Où en est-on aujourd’hui de ce patrimoine en péril ?

Il y a des chantiers formidables ! La restauration de la collégiale Saint-Barthélemy est terminée, celle de la cathédrale Saint-Paul en voie de finalisation, celle de Saint-Martin aboutie sauf les peintures du choeur, celle de Saint-Denis est finie ; à Saint-Jean, des travaux débutent, à Sainte-Croix, les subsides ont été accordés. Sur les sept collégiales de Liège, quatre seront bientôt vraiment en bon état. Restent Sainte-Croix et Saint-Jean, qui nécessitent de grands travaux, et Saint-Jacques, qui devra être aidée dans sa restauration prévue par étapes. Dans trois ou quatre ans, le circuit des collégiales sera opérationnel, avec un prix unique, un audioguide et des heures d’ouverture coordonnées, soutenu par la Ville et à la disposition des opérateurs touristiques. Par ailleurs, des travaux sont en cours à la collégiale de Huy et à l’église de Limbourg.

Le Trésor de Liège a pourtant dû se battre contre vents et marées pour exister…

Les subsides européens Feder ont permis de restaurer toute l’aile orientale du cloître et son étage supérieur, sous les combles, pour y exposer des grandes oeuvres, les autres salles étant plus petites. Le Trésor a pris une dimension plus muséale : outre les objets liturgiques, on y trouve des peintures et des sculptures. Grâce à sa renommée et à son ouverture, des particuliers y ont mis en dépôt des oeuvres inconnues qui dormaient dans des coffres-forts. Avec les collections d’art religieux du musée Curtius, le Trésor de Liège sera le clou du circuit des collégiales.

Quels sont les buts de la fondation Saint-Lambert que vous avez créée le 17 septembre dernier ?

Je voudrais qu’on sauve et qu’on valorise le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel du christianisme dans le diocèse de Liège. Les finances de l’évêché sont trop fragiles pour prendre des initiatives en ce sens. Le patrimoine immatériel, c’est la transmission de la foi chez les jeunes. Par exemple, on a besoin de moyens spécifiques pour la participation des jeunes Liégeois aux Journées mondiales de la jeunesse de janvier 2019, au pèlerinage diocésain à Lourdes et à celui de Taizé ; ou pour l’animation des retraites dans les écoles et dans les mouvements comme les Scouts, les Guides, le Patro, le Mouvement eucharistique des jeunes. Les plus âgés se demandent comment transmettre leur foi aux plus jeunes. Dans un monde très sécularisé, ce n’est pas facile. Il faut trouver de nouvelles pistes : JMJ, réseaux sociaux, rock chrétien, festivals… Quant au patrimoine matériel, je pense surtout à des oeuvres d’art significatives de la démarche de foi. Comme les peintures murales du choeur de la basilique Saint-Martin : elles présentent l’institution de la Fête-Dieu à Liège et dans le monde. La dimension patrimoniale doit être valorisée, non comme une fin en soi, mais pour activer le témoignage de la foi. J’ai le projet de demander à la fondation Roi Baudouin de patronner certains projets de la fondation Saint-Lambert et de faire bénéficier les donateurs de la déductibilité fiscale.

Le patrimoine religieux n’a-t-il pas été le mal aimé des pouvoirs publics ?

En termes de pourcentage, il y a encore beaucoup à faire, en comparaison avec la Flandre par exemple, mais le bilan n’est pas négatif. J’ai pas mal d’espoir pour les projets en chantier. Ce que je regrette peut-être, c’est la lenteur : la restauration de la basilique Saint-Martin est engagée depuis presque vingt ans, mais les subsides arrivent par tranches, avec de longues interruptions.

Entendez-vous le reproche de ceux qui disent que cela fait beaucoup d’argent pour des églises à moitié vides ?

Les églises ne sont certainement pas vides ! Il y a plus de passage à la cathédrale Saint-Paul qu’au Grand Curtius, pourtant rempli de merveilles. Il faut pousser beaucoup les gens pour qu’ils aillent dans les musées, alors qu’ils entrent facilement dans une église. Je valorise un usage diversifié des édifices, à Liège-Ville par exemple : la communauté Sant’Egidio et la solidarité avec les pauvres à Saint-Barthélemy, l’accueil des familles à Saint-Jean, la belle liturgie à Saint-Paul, la liturgie contemplative à Saint-Denis, la communauté africaine à Saint-Christophe, la chapelle du Calvaire pour les orthodoxes géorgiens, Cornillon pour les soeurs clarisses, Saint-Pierre-et-Paul à Droixhe pour les Syriaques catholiques…

La visite des églises historiques de Liège est-elle au programme des écoles comme en Italie, où on familiarise avec l’art dans les musées dès la maternelle ?

J’ai fait moi-même le guide de la cathédrale pour les jeunes d’une école officielle qui visitaient aussi une mosquée, la synagogue et une maison de la laïcité, mais c’était à l’initiative de quatre professeurs de religion et de morale laïque. Quand le circuit des collégiales sera opérationnel, c’est une proposition qui sera plus facile à satisfaire.

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