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Roms : Denis Ducarme dénonce la « politique-spectacle » de la Commission

Le député fédéral Denis Ducarme (MR) plaide pour la mise en place d’une politique européenne des Roms. Il reconnaît que la France a « foiré » dans son approche de la problématique. Mais il dénonce, plus encore, les excès de Berlusconi et l’inaction de la Commission européenne.

Vous venez de déposer au Parlement fédéral une proposition de résolution en faveur de l’instauration d’une politique européenne des Roms, visant à leur meilleure intégration. Simultanément, vous déposez une autre proposition de résolution, demandant l’interdiction totale de la mendicité infantile. Cette concomitance n’établit-elle pas, de facto, un raccourci dangereux ?

? Denis Ducarme : Vous savez, j’ai rencontré de très nombreuses personnes avant de rédiger ces deux textes, y compris des représentants des Roms. De mes rencontres avec les forces de police, il est apparu que ce phénomène de mendicité infantile est surtout lié à la communauté rom, en raison de plusieurs facteurs : un facteur ethnique, je dirais, mais aussi un certain comportement lié au voyage.

Le conseil communal de Courcelles se prononcera le 30 septembre sur la création d’un terrain d’accueil pour les gens du voyage. Plusieurs voix accusent le MR d’avoir joué dans ce débat-là un rôle populiste…

? Depuis que la Région wallonne a mis en place une politique relative aux gens du voyage, il y a six ans, rien n’a été fait ! Il n’y a pas vraiment de politique régionale des Roms, telle qu’on l’attend. On sait comment une partie de la population perçoit ces communautés… Cela rend d’autant plus nécessaire un effort de pédagogie et de psychologie. C’est ce qui a manqué à Courcelles et dans de nombreuses autres communes. Les gens se braquent quand ils voient des caravanes à côté de chez eux. Il est essentiel de parler avec eux, de les rencontrer, de les familiariser, pour qu’ils comprennent que, non, les Roms ne sont pas tous des criminels. Si ce travail avait été fait, tout aurait été plus facile. Je ne vois pas pourquoi on s’opposerait par principe. Bien sûr qu’il faut des terrains d’accueil !

Pourquoi insistez-vous sur la mise en place d’une politique spécifique des Roms, que ce soit au niveau wallon ou européen ?

? Certains droits-de-l’hommistes s’étranglent : vous visez une communauté, c’est scandaleux ! Non, il y a un problème spécifique. Il faut le traiter spécifiquement. Ce n’est pas raciste de dire cela. Il faut gérer ces déplacements, ces vagues d’immigration. L’Europe doit voir comment financer des terrains d’accueil permanents, dans de bonnes conditions de sécurité et d’hygiène, pour éviter que ces personnes s’installent n’importe où.

Que pensez-vous des admonestations adressées par la Commission européenne à la France, à propos de sa façon de traiter les Roms ?

? Si la France devait être recadrée, je ne comprends pas que Berlusconi n’ait pas été rappelé plus tôt, plus fort. Car lui, il a carrément pris les empreintes digitales des enfants roms. J’ai été très choqué par la façon de s’y prendre de Berlusconi. Je ne comprends pas que la commissaire Viviane Reding, qui compare la France aux nazis, n’ait pas adressé le même reproche à Berlusconi.

La France, tout de même, est-elle exempte de tout reproche ?

? Ce qui foire, en France, c’est cette note interne, qui précise qu’il faut démanteler les campements illégaux, « surtout ceux des Roms ». Qu’il y ait une réaction de l’Europe par rapport à cette note-là, un avertissement, je trouve ça normal. Le problème, c’est que la commissaire Viviane Reding et les autres ont fait du show. Peut-être pour camoufler leur propre responsabilité et leur manque de prévoyance.

Expliquez.

? La Commission et le Conseil n’ont pas suffisamment mis la pression sur la Bulgarie et la Roumanie, d’où proviennent la majorité des 9 millions de Roms de l’Union européenne, pour que ces pays mènent des politiques plus sociales à leur égard. Cela aurait dû être une des conditions d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne. Bref, Viviane Reding et José Manuel Barroso ont préféré la politique-spectacle à la politique-chantier.

Au-delà de la note problématique, qui vise spécifiquement les Roms, le gouvernement français n’a-t-il pas manqué d’humanité en démantelant systématiquement les campements des gens du voyage ?

? Je suis humaniste, mais aussi légaliste. Quand un campement est illégal, qu’il soit occupé par des campeurs du dimanche ou un groupe de Roms, je ne vois pas pourquoi son démantèlement serait inhumain. C’est la même problématique que pour les clandestins. Certains parlent de sans-papiers. Moi, je dis : ce sont des clandestins. Dans tous les cas, il est normal que la force publique réagisse pour mettre fin à l’illégalité, que ce soit par des expulsions ou par la suppression de certains campements. Cela ne veut pas dire que les gens du voyage ne doivent pas être traités de façon humaine. Lors de la suppression des campements, des personnes doivent être présentes pour les informer, pour leur renseigner où ils peuvent aller. Mais, une fois encore, le problème devrait être traité au niveau européen.

Entretien : François Brabant

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