L'élargissement du ring nord bruxellois se fera-t-il à la seule initiative flamande ? © JEAN-LUC FLÉMAL/BELGAIMAGE

Ring de Bruxelles : rififi annoncé

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les travaux d’élargissement devraient commencer en 2019. Ainsi en a décidé la Flandre, sans concerter la Région bruxelloise. Celle-ci parviendra-t-elle à se faire entendre ? Au sein du gouvernement, les voix sont déjà discordantes…

Le site www.werkenaandering.be (travaux sur le ring) n’existe qu’en néerlandais. L’entreprise anonyme de droit public mandatée par la Région flamande, Werkvennootschap, y détaille par le menu travaux, plans et calendrier de l’élargissement du ring nord de Bruxelles, sur les portions comprises entre la E-40 direction Gand et la E-40 direction Louvain. Largement fiché en terres flamandes, ce ring est surtout flamand. Mais son impact sur la capitale est évident. Or, les autorités du nord font fi de Bruxelles et de son gouvernement.

La Werkvennootschap a certes mis en place un comité d’accompagnement pour ce projet : les communes flamandes de Machelen, Zaventem, Asse, Wemmel, Vilvorde, Dilbeek, Grimbergen et Crainhem (membres fixes) ; Bruxelles- Environnement, Bruxelles-Mobilité, Perspectives Bruxelles, la Stib, Jette et Bruxelles-Ville (membres  » variables « ). Aux côtés de sept administrations flamandes régionales et d’Infrabel, Ganshoren, Meise et Berchem-Sainte-Agathe sont également invitées aux réunions, qui se déroulent toutes en flamand, à titre de  » membres conseils « .

Et les autres communes ? Et le gouvernement bruxellois ? Pas conviés.  » Ce qui prouve bien que la communauté métropolitaine, contrepartie à la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, n’est qu’une coquille vide, relève Olivier Maingain, président de DéFI et bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert. Qu’une Région décide seule de la gestion du territoire autour d’une autre Région est un non-sens. Le ministre-président bruxellois doit reprendre la main.  »

 » Nous ne sommes pas opposés à l’élargissement du ring, répond Rudi Vervoort. Mais il nous faut d’autres mesures de mobilité en parallèle.  » Le propos du ministre-président PS ne fera pas l’unanimité dans son équipe : CDH et DéFI sont contre. Inquiète, la ministre de l’Environnement, Céline Fremault (CDH), a interpellé Rudi Vervoort et Pascal Smet (SPA), ministre de la Mobilité, le 20 novembre dernier. Pour elle, élargir le ring va à l’encontre de toutes les initiatives prises.  » Nous examinons toutes les possibilités pour peser sur ce dossier.  » Mais tant que la Flandre n’introduit pas de demande de permis pour élargir, les leviers manquent.

Autre souci : Rudi Vervoort s’appuie sur un protocole d’accord, en 2014, entre Bruxelles et la Flandre, qui ne l’a pas signé, pour affirmer que l’élargissement du ring a été validé par son exécutif d’alors. Or, les trois pages du document ne parlent que d’un réaménagement du ring nord, pas d’un élargissement. Par ailleurs, en trois ans, d’autres points du texte sont devenus caducs.

 » Officiellement, le gouvernement bruxellois n’est saisi de rien, précise un chef de cabinet. On n’a plus parlé du ring en exécutif depuis au moins dix-huit mois. Pascal Smet ne fait rien remonter sur le sujet.  » Le ministre n’a pas souhaité répondre à nos questions. Ce qui fâche, au moins, Olivier Maingain :  » Je ne veux pas que les Flamands nous disent plus tard que le cabinet Smet a laissé avancer le dossier alors que nous n’étions pas au courant.  »

En attendant, une note cadre de 350 pages, reprenant les critères pour procéder à l’analyse d’impact du projet, est sortie des réunions du comité d’accompagnement. Elle devrait être approuvée, ou non, le 24 janvier prochain.  » A Jette, on parle de supprimer la sortie 9, 10 ou 11 du ring et on nous demande notre avis. C’est dire si on est déjà dans des questions pointues « , relève le bourgmestre, Hervé Doyen (CDH). Dans un tel contexte, la commune a décidé de ne plus envoyer de représentant politique aux réunions.  » Pour ne pas risquer de se compromettre.  »

Rudi Vervoort : « Dire non ne fait pas avancer »

La Région est-elle consultée sur le projet d’élargissement du ring ?

Pas sur les modalités pratiques. Mais le dialogue est permanent entre nos administrations, flamande et bruxelloise, sur la mobilité dans et autour de Bruxelles, pour la désengorger ; ça concerne donc aussi les parkings de délestage et les connexions avec les transports en commun. Cela dit, l’entreprise anonyme de droit public mandatée par la Région flamande, Werkvennootschap, avance sans nous consulter. Nous en avons fait la remarque au ministre-président flamand et à son ministre de la Mobilité. Que je sache, nous n’avons pas eu de réponse. Nous ne sommes pas fermés par principe à l’idée d’élargir le ring, à condition que cet élargissement améliore la vie des Bruxellois en matière de mobilité et de santé publique. Nous voulons d’autres mesures en complément : la création de parkings de délestage à l’entrée de la ville, de nouvelles pistes cyclables ou de lignes de tram rapides qui facilitent l’entrée dans la capitale. Sur tous ces points, il nous faut une étude pour objectiver la situation, des engagements plus précis et plus concrets de la Flandre.

Y a-t-il consensus au sein du gouvernement sur cette position ?

Il y avait un accord en 2014, soutenu notamment par Ecolo et le CDH. Je m’étonne d’entendre des voix, dans ces partis, soutenir une position différente.

Des portions du ring élargi passant sur le territoire bruxellois, la Flandre devra vous demander un permis…

Ils ne sont pas stupides, les Flamands ! Ils s’évertuent à ne pas passer sur le territoire bruxellois. Ils pourraient ne s’occuper que des tronçons sur leurs propres terres. Or, nous voulons une amélioration de la mobilité jusque sur le ring intérieur. Dire juste « non », c’est facile mais ça ne fait pas avancer.

Y a-t-il un lien entre l’élargissement et le projet Neo, ce vaste centre commercialo-touristico-culturel sur le plateau du Heysel ?

Il n’y a pas de marchandage. Nous allons devoir refaire le point sur ce projet, dès lors que Bruxelles n’accueillera pas l’Euro 2020. Il ne faut pas non plus exclure un plan B pour Neo. Mais c’est un peu tôt pour en parler.

Pour certains, l’élargissement ne se fera jamais, vu son coût…

Il faut deux calendriers de financement et de réalisations parallèles : pour l’élargissement et pour les autres mesures de mobilité. Je n’ai pas l’impression que ce sera pour tout de suite : plus on s’approche des élections, plus un accord entre Régions est difficile. Et puis, le ring de Bruxelles n’est pas une urgence pour la Flandre : elle concentre ses moyens pour la mobilité sur Anvers. Je ferai un point de la situation, avec mon gouvernement, fin décembre ou en janvier.

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