Kristien Hemmerechts

Rien ne vaut l’amitié

C’EST D’UNE ÉVIDENTE VÉRITÉ : les Wallons et les Flamands affectionnent les généralisations. Récemment, à Namur, il m’a été assuré qu’Anvers est un « bastion flamand ». Mes efforts d’apporter quelques nuances à cette assertion sont demeurés infructueux. D’après mes interlocuteurs, tous les Anversois cultivent des sentiments d’hostilité à l’égard de leurs concitoyens francophones.

KRISTIEN HEMMERECHTS, Ecrivaine
Inévitablement, de nombreuses personnes ressentent le besoin de marquer leur différence. Après que le Vlaams Blok – devenu plus tard le Vlaams Belang – eut recueilli un quart des voix dans la métropole portuaire, des gens portaient des insignes sur lesquels figurait le message « Un sur quatre, mais pas moi ». Aujourd’hui, de part et d’autre de la frontière linguistique, le slogan « Pas en mon nom » fleurit.

Moi non plus je ne dissimule pas mon point de vue. Cela m’aide à connaître avec précision les convictions politiques des gens. S’ils m’accueillent cordialement, je sais qu’ils approuvent le recours à des compromis menant à la constitution d’un gouvernement fédéral. Si, au contraire, d’autres me manifestent leur froideur, je suis certaine qu’ils n’acceptent pas que les Flamands fassent des concessions. Des amis qui évitent soigneusement les sujets politiques laissent entendre par là qu’ils ne partagent pas mon sentiment, tout en prenant garde que notre amitié n’en soit pas affectée. Je partage leur souci bien sûr, quoique la diplomatie ne soit pas toujours mon point fort. Si pénible la discorde soit-elle, nous devons avoir le courage d’exprimer nos convictions. Non pour nous empoigner mais pour échanger des idées. Et pour trouver les points communs sur lesquels nous pouvons nous accorder.

Lors des obsèques récentes de Marie-Rose Morel, à la cathédrale d’Anvers, Bart De Wever a regretté que l’amitié qui le liait à la défunte n’ait pas résisté à leurs divergences de vues politiques. Maintenant qu’elle était morte, il comprenait que rien ne vaut l’amitié et que la politique est d’une importance tout à fait secondaire. C’étaient là de belles paroles et sa prise de conscience était fort louable. Hélas, aussitôt la leçon récitée, elle fut déjà oubliée. Le débat politique prend chaque jour des proportions plus acerbes. Beaucoup se retranchent de plus en plus derrière la certitude d’avoir toujours raison et finissent par oublier tout ce qui nous unit.

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