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Richard Miller : « Nous voulons introduire le Bonheur intérieur brut »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Oui, le fait d’être seul parti francophone au pouvoir fédéral, c’est « le parcours du combattant », reconnaît le pilote de la réforme du MR, Richard Miller. Qui défend toutefois un « libéralisme de combat ».

Entretien : Olivier Mouton

Administrateur délégué du Centre Jean Gol et député fédéral, Richard Miller conduit la réflexion doctrinale en passe d’être clôturée au sein du parti du Premier ministre, Charles Michel. Ou le libéralisme belge version XXIe siècle.

Tous les partis francophones mènent une réflexion doctrinale. Vous tirez les premiers. Quel est le statut du Manifeste que vous avez rédigé ?

Il s’agit d’un travail d’actualisation de notre doctrine – j’insiste sur le mot « actualisation ». Au MR, nous savons clairement qui nous sommes et ce que nous voulons. Ce travail est différent de ce qui se passe au PS, un parti qui se cherche. Nous n’avions plus renouvelé ce projet depuis 2002 et la création du Mouvement réformateur (MR), qui comprenait encore le FDF. C’est le fruit d’un travail de démocratie interne, avec 35 réunions dans les fédérations.

En participant au gouvernement fédéral avec la N-VA, le MR n’a-t-il pas abandonné le libéralisme social dont vous étiez un des partisans ?

Il fallait que des personnalités comme Louis Michel, Daniel Ducarme, Pierre Hazette ou Hervé Hasquin montrent explicitement dans les années 2000 que le libéralisme porte en lui une éthique sociale. Aujourd’hui, nous sommes un grand parti populaire et tout le monde, chez nous, pense que nous n’avons plus besoin de l’afficher parce que le libéralisme est par essence social. Je partage. Mais si on peut l’affirmer sans faire rire, c’est grâce à ce travail passé. En tant que libéraux, nous n’avons toutefois pas la même vision du social que les socialistes ou que le CDH – même si c’est plus difficile de savoir ce qu’il pense. Je travaille à la rédaction des programmes du MR depuis les années 1980 et je peux certifier que nous avons toujours dit qu’il fallait relancer l’économie pour créer des emplois et sauver la sécurité sociale. Nous pouvons enfin mettre en oeuvre ce projet, sans les socialistes accrochés aux basques.

L’opposition francophone dénonce un libéralisme décomplexé, asocial…

Pour le moment, nous sommes dans le parcours du combattant. Objectivement, ce n’est pas simple. Et nous savons qu’il faut des résultats ! Ce gouvernement a travaillé vite et cela commence à porter ses fruits, dans un contexte rendu extrêmement difficile par la menace terroriste. Si, en 2018, on peut démontrer que les bonnes recettes étaient chez nous, je souhaite bonne chance aux syndicats et au PS.

Mais ce Manifeste ne transcrit pas la politique gouvernementale, si ?

Une des difficultés de l’exercice consistait à s’en détacher. Ce texte prône un « libéralisme engagé » dans le combat quotidien. Ce n’est pas comme au PTB, on ne relit pas Karl Marx et Piketty pour trouver des idées. C’est un libéralisme lucide : nous savons qu’il faut contrôler la liberté, faute de quoi elle se dévore elle-même. Dans ce Manifeste, nous prônons aussi un syndicalisme moderne. Ne tournons pas autour du pot : nous voulons la personnalité juridique des syndicats et une limitation au droit de grève, via le service minimum. Nous insistons aussi sur une solidarité accrue entre les générations : c’est un concept nouveau dans notre discours, élargi à des domaines comme l’environnement ou la qualité de notre démocratie. Nous voulons défendre un socle de valeurs qui ne vont pas régresser. Pour évaluer une société, il n’y a pas que le Produit intérieur brut, il faut introduire d’autres critères.

C’est le Bonheur national brut du Bouthan, en somme ?

Nous sommes favorables à la redéfinition de la façon d’évaluer le développement d’une société. Cela passe par la qualité de l’enseignement et des soins de santé, la défense des libertés des femmes, la garantie de la sécurité… Mais que ce soit clair : nous ne vivons pas dans un Etat défaillant ! Notre Etat est compliqué, certes, mais notre bien-être n’est pas si mauvais que cela.

Votre Manifeste prône une Belgique à quatre Régions, comme l’avait fait Didier Reynders lors d’une mission royale en 2010 ?

Nous avons finalement abouti à un texte qui est mieux qu’un compromis : un accord qui permet aux régionalistes et aux communautaristes d’avancer. Tout d’abord, nous ne sommes pas demandeurs d’une septième réforme de l’Etat. Nous défendons la loyauté fédérale, un Etat fédéral fort avec des entités fédérales fortes, qui coopèrent. Je sais que cela n’a pas été facile au début de ce gouvernement, mais c’est aussi parce que M. Magnette a décidé que le MR ne pouvait pas gouverner en Wallonie – chacun ses responsabilités. Dans ce cadre-là, nous voulons reconnaître pleinement l’affirmation du fait régional. Le socle, c’est les Régions ! Au sein de l’espace francophone, nous disons qu’il faut maintenir un lien structurel fort fédérant les francophones de Bruxelles et de Wallonie.

Le statut quo, en somme ?

C’est un texte doctrinal. Rien de ce que nous ferons ne pourra être en contradiction avec ça. Sur cette base, on pourra travailler à l’amélioration du fonctionnement de l’espace francophone. Par exemple, en matière d’enseignement, on garderait des normes communes, mais des pans de compétences pourraient être transférés aux Régions. De même, on pourrait transférer tout ce qui concerne l’industrie culturelle aux Régions.

La N-VA, via Geert Bourgeois lors de la fête de la Communauté flamande, a appelé à une réforme de l’Etat…

Pas besoin de ça. Nous, on continue.

Le projet de Manifeste évoquait une suppression de l’obligation de vote. C’est acquis ?

Non, il n’y a pas eu d’accord à ce sujet. Mais le texte peut encore être amendé par les fédérations.

Cette réforme n’est pas une rupture…

C’est bien pour cela que nous parlons d’une actualisation.

Mais elle reflète un libéralisme de combat !

Oui, on aurait pu utiliser ce terme-là, oui. Un combat pour faire reculer la misère. Là où la pauvreté domine, il n’y a pas de libertés réelles.

Pour l’instant, le MR est isolé du côté francophone. Une citadelle assiégée ?

J’ai préféré utiliser la formule du « parcours du combattant ».

Imaginons qu’en 2019, la N-VA revendique fortement une nouvelle réforme de l’Etat et que le MR veuille revenir au pouvoir dans les Régions, cela induira un autre contexte, non?

Les circonstances jouent un rôle, oui. C’est pourquoi ce texte a toute son importance, c’est le livre que l’on prendra partout dans son sac de voyage. Nous, MR, voulons respecter la loyauté fédérale, des Régions fortes et une défense des francophones. Les questions de reconfiguration de l’espace francophone proviennent aussi de l’échec du PS et du CDH à faire fonctionner leurs institutions. Depuis que le PS a décidé qu’il pouvait gouverner tout seul la Wallonie, en 2004, je constate que la Région stagne.

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