Georges Verzin laisse entendre que Didier Reynders a voulu l'écarter par l'entremise d'Olivier Chastel. © BRUNO FAHY/belgaimage

« Reynders ne peut plus diriger le MR bruxellois »

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le chef de groupe du MR de Schaerbeek, Georges Verzin, n’y va pas de main morte. Il demande que Didier Reynders démissionne de la présidence de la régionale MR de Bruxelles.

Il ne s’est pas exprimé tout de suite. Il a attendu de digérer son échec électoral pour prendre du recul par rapport au revers global du MR et à la campagne à Schaerbeek. Une campagne houleuse à rebondissements qui a vu se déchirer deux ténors du parti bleu schaerbeekois, Georges Verzin lui-même et Yvan de Beauffort, incarnant l’un et l’autre des visions opposées du libéralisme. Le premier avait été désigné tête de liste par la section locale du MR. Dépité, le second a finalement choisi de ne pas se présenter aux élections. Quoi qu’il en soit, le différend a été arbitré d’une curieuse manière au sein du parti. Le président du MR bruxellois, Didier Reynders, ne s’est pas mouillé, laissant la main à Olivier Chastel, le boss du parti national. Après le Ucclois Boris Dilliès, Verzin règle ses comptes, sans mettre de gants, surtout avec Reynders.

Pas fameux, les résultats électoraux du MR schaerbeekois: une baisse de 3,4% par rapport à 2012. Votre score personnel en chute libre… Vous assumez?

Bien sûr. J’accepte le verdict des citoyens. Mais j’ai la mentalité d’un joueur de rugby. Ce n’est pas parce que je suis à terre que je ne vais pas me relever et essayer de marquer un essai. Schaerbeek fait tout de même partie des communes bruxelloises où le MR a perdu le moins en pourcentage. Cela dit, si j’assume, je ne peux cacher que je paie aussi le prix d’une marque, celle du MR, qui a été rejetée par la population quasi partout à Bruxelles.

Quel est votre diagnostic?

Au niveau fédéral, la détestation générale du MR est liée au fait qu’il est prisonnier de la N-VA, avec des dossiers compliqués, comme le survol de Bruxelles et la réforme des pensions, sans parler d’un déficit de communication qui masque les réelles avancées: tax-shift, relance de l’emploi… Au niveau bruxellois, on constate le silence assourdissant de l’opposition MR face à un gouvernement PS – CDH – DéFI pourtant calamiteux. Il y a sans doute trop d’élus régionaux qui cumulent avec une fonction de bourgmestre ou d’échevin et qui manquent de temps… Mais, surtout, il n’y a pas de pilote dans l’avion MR de Bruxelles. Le président de la régionale est inexistant.

Vous parlez de Didier Reynders?

Absolument. Il n’y a eu aucun débat de fond au sein du MR bruxellois. Il n’y a pas de ligne politique définie ni de leadership. Or, pour moi, un président de régionale est d’abord un coach. Il fixe une ligne claire après avoir suscité un débat. Didier Reynders n’a jamais assumé ses fonctions de président en animant et en construisant un projet collectif avec les sections locales des dix-neuf communes. Il s’est contenté de réunir, de temps à autre, le groupe parlementaire régional, auquel se sont joints les bourgmestres Françoise Schepmans et Philippe Pivin, par ailleurs députés fédéraux.

Vous n’avez pas eu de soutien de sa part durant la campagne des communales?

Aucun. La seule personnalité du parti qui s’est déplacée à Schaerbeek est Denis Ducarme, pour rencontrer l’Horeca en difficulté. Didier Reynders, lui, n’est pas venu une seule fois. En tant que président de la régionale, sa responsabilité est immense dans l’échec du MR à Bruxelles, quoi qu’il en dise. Il a expliqué que n’étant pas candidat lui-même pour les communales, il s’en lavait les mains de la catastrophe qu’il a lui-même suscitée. Il n’a même pas réussi à ce qu’il y ait une liste libérale unique à Uccle, la commune où il habite, après le départ d’Armand De Decker. Pour moi, il doit quitter sa fonction de président. Il ne peut plus diriger le MR bruxellois.

Georges Verzin, chef de groupe MR-Citoyens à Schaerbeek.
Georges Verzin, chef de groupe MR-Citoyens à Schaerbeek.© dr

Carrément?

Quand une équipe de football perd un match aussi crucial, on vire son entraîneur. Didier Reynders ne peut pas sauver la situation. Au contraire. Il doit assumer aujourd’hui les conséquences de sa non-gestion du MR bruxellois. En outre, il vient d’annoncer qu’il ne serait pas candidat sur la liste régionale en 2019. Et, à côté, il prône le rajeunissement des candidats sur la future liste régionale en s’assurant que des membres de son cabinet ministériel soient mis en bonne place sur cette liste…

Avez-vous un problème personnel avec Didier Reynders?

Pas du tout. C’est un excellent ministre des Affaires étrangères. Mais pas un bon président bruxellois. Je n’ai pas de problème avec l’homme, mais avec la ligne politique qu’il incarne. Il refait d’ailleurs à Bruxelles ce qu’il a fait à Liège. Il s’est rendu impraticable aux yeux des socialistes liégeois. Résultat: le MR s’est retrouvé pendant vingt ans dans l’opposition. Christine Defraigne vient d’inverser la vapeur…

Et avec Yvan de Beauffort, votre challenger au sein du MR schaerbeekois, n’y a-t-il pas eu une guerre d’ego?

A nouveau, je n’ai pas de souci avec la personne mais avec la ligne politique (NDLR: la participation de de Beauffort à une manifestation anti-IVG en 2017 avait été fort controversée). Pour moi, c’est Reynders qui a poussé Yvan vers l’avant, car il correspondait mieux à ses choix politiques, soit une ligne conservatrice qui séduit un électorat en voie de disparition à Schaerbeek. Notre commune est grosso modo divisée en deux, avec une bonne moitié assise sur une bombe sociale. On ne peut plus nier la fracture entre le haut et le bas de Schaerbeek. Et on ne peut pas être pour la liberté d’entreprendre si on ne donne pas aux gens les moyens de jouir de cette liberté, notamment via l’éducation, la formation.

Les difficultés internes au MR local n’ont-elles pas fait le jeu du bourgmestre Bernard Clerfayt (DéFI)?

Certainement. Lorsque j’ai été désigné tête de liste en mars dernier par la section locale du MR, j’ai tendu la main à mes challengers, Yvan de Beauffort et Angelina Chan. Mais ils ont refusé. Ensuite, on a tourné en rond pendant plus de trois mois, durant lesquels j’ai attendu d’être dépositaire du logo MR. Olivier Chastel m’a convoqué plusieurs fois, en me demandant d’abord de me retirer, alors que j’avais été démocratiquement choisi! C’est tout de même curieux que ce soit le président du MR national qui ait géré cette situation, alors que les élections communales à Bruxelles dépendent directement du MR bruxellois. Mais Didier Reynders ne s’est pas mouillé. Il a visiblement chargé Olivier Chastel de le faire, en faisant tout pour m’écarter. Il ne voulait pas d’une liste MR progressiste à Schaerbeek. Mais il n’y est pas parvenu. En attendant, tout cela a évidemment fait le jeu de Bernard Clerfayt…

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