« Retour à la menace des années quatre-vingt? »

Comment écrire une opinion à une telle époque ? Que vaut une opinion au moment où la France n’a pas encore enterré ses nombreux morts ?

Sur Facebook, je vois passer des centaines de photos de profil tricolores, des tours Eiffel entourées d’un signe de la paix et les photos de célèbres bâtiments affichant les couleurs du drapeau français. La plupart des gens publient ces photos sans paroles. Ici et là, quelqu’un fulmine contre tous les réfugiés et demande à fermer les frontières sans délai. D’autres se fâchent et argumentent que ces gens fuient justement ce type de violence. Mais la plupart se taisent. Parce que ce n’est pas le moment de proférer des opinions et probablement parce qu’ils sont trop choqués pour parler. On ne s’habitue pas aux attentats sanglants comme ceux de Paris. Pas encore.

Faudra-t-il qu’on apprenne à vivre avec la menace d’attaques terroristes comme dans les années 80?

Ces derniers jours, j’ai souvent pensé à l’interview croisée avec Jonathan Holslag et Rudi Vranckx paru il y a à peine deux mois dans l’hebdomadaire Knack. « Je crains qu’un événement dramatique se produise à Bruxelles, Anvers ou Gand » avait dit Holslag à l’époque. « Cette menace est réelle. Sans parler des victimes, les conséquences pour la société seraient énormes. » Et aussi : « Il faudra qu’on apprenne à gérer le fait que l’insécurité existera toujours. » Est-ce le cas ? Faudra-t-il qu’on apprenne à vivre avec la menace d’attaques terroristes comme dans les années 80 lorsque nous craignions une guerre nucléaire ? Et si oui, comment faire ?

Attentats – représailles – attentats

Bien entendu, le danger fait partie de la vie. Tout le monde peut se faire renverser par une voiture, contracter une maladie sinistre ou faire une mauvaise chute. Mais il s’agit de risques que l’on peut limiter dans une certaine mesure. Si vous faites toujours attention en traversant la route et que vous portez une veste fluo, vous réduisez le risque de vous faire écraser. Et si vous vous faites vacciner et essayez de vivre sainement, les risques de maladies mortelles diminuent. Mais cela ne s’applique pas au terrorisme et autres violences aveugles. Vous pouvez évidemment décider d’éviter Charm el-Cheikh ou la Tunisie et annuler tous les citytrips vers les capitales européennes. Par mesure de sécurité, vous pouvez également décider de ne plus monter dans un avion – en plus l’environnement vous en remerciera. Et ceux qui vont travailler à Bruxelles tous les jours peuvent même passer au télétravail. Mais même là, vous n’êtes jamais en sécurité nulle part, tous les jours une bombe peut exploser au restaurant où vous êtes en train de manger tranquillement ou dans le tram que vous prenez pour aller faire du shopping en ville.

Si on cède à notre peur, les terroristes auront gagné, entend-on depuis des jours. C’est sans doute vrai. Évidemment que la vie doit continuer et que nous devons tout faire pour limiter au maximum les conséquences sociétales des attentats de Paris. Mais pour beaucoup de gens, c’est très difficile. Et il est probable que les choses ne vont pas s’améliorer. Quelles que soient les mesures qu’on prend pour extraire des jeunes, de Molenbeek à Paris, de la zone d’influence de recruteurs radicaux. Il est très probable qu’on doive traverser une série d’incidents graves avant que la situation ne s’améliore puisque les attentats sont suivis de représailles et puis de nouveaux attentats. Il faudra qu’on apprenne à vivre avec. D’une façon ou d’une autre.

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