Carte blanche

Reproduire une illustration dans un travail d’écolier ou d’étudiant: attention aux droits d’auteur!

Une décision de justice vient de rappeler qu’un étudiant ne peut pas, dans n’importe quel contexte, reproduire une oeuvre sans une autorisation de son auteur.

Une décision de justice vient de rappeler qu’un étudiant ne peut pas, dans n’importe quel contexte, reproduire une oeuvre sans une autorisation de son auteur [1]. Le point de départ de l’affaire est simple : une élève de l’école intégrée de Waltrop, en Allemagne, trouve sur Internet une photographie de la ville espagnole de Cordoue ; elle insère cette photo dans un exposé pour son cours d’espagnol ; une fois son travail fini, elle le place sur le site Internet de l’établissement scolaire. Le photographe professionnel qui a pris la photographie considère qu’il y a violation de son droit d’auteur, car l’image a été utilisée sans son consentement. Le dossier parvient jusqu’à la Cour fédérale de justice d’Allemagne et celle-ci se demande si le téléchargement de la photographie de Cordoue, suivi de son insertion dans un travail figurant sur le site Internet d’un établissement scolaire, relève de la notion d’acte de communication au public, auquel cas l’autorisation de l’auteur est en principe requise en vertu du droit d’auteur.

En raison des règles de l’Union européenne applicables en la matière, et même si de nombreux arrêts de la Cour de Justice (UE) ont déjà été prononcés sur les nouvelles techniques et méthodes de publication d’oeuvres protégées au regard de la notion d’acte de communication au public, les juges allemands ont posé une question (dite préjudicielle, c’est-à-dire portant sur l’interprétation à donner à une règle de droit européen dans une affaire déterminée) à la Cour de Justice sur le point de savoir si la « mise à la disposition du public » sur Internet, qui a suivi le téléchargement de la photo, correspond à un « acte de communication » soumis à la protection du droit d’auteur.

L’avocat général qui a donné un avis à la Cour a estimé qu’un nouvel acte de communication avait été posé lors de l’insertion du travail sur un nouveau site internet, mais qu’une exception au droit d’auteur pouvait trouver application, à savoir l’utilisation d’oeuvres protégées à des fins exclusives d' »illustration dans le cadre de l’enseignement » (la directive 2001/29 prévoit que les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions aux droits de reproduction, de communication et de mise à la disposition du public et la Belgique a modifié en ce sens son Code de droit économique [2]).

Certes, le travail de l’élève avait été chargé non pas sur un site Internet de l’école dont l’accès aurait été restreint à l’environnement scolaire, mais sur un site internet accessible à tous les internautes. Cependant, l’avocat général a considéré que l’exception de reproduction ou de communication à des fins d’enseignement ne pouvait pas être comprise de manière trop réductrice et, selon lui, l’insertion sur le site Internet d’un établissement scolaire, sans but lucratif et en indiquant la source de l’image, d’un travail scolaire contenant une photographie à laquelle tous les internautes avaient un accès libre et gratuit, échappait au droit exclusif de l’auteur quant à l’utilisation de l’oeuvre « lorsque cette image figurait déjà, sans avertissement quant à ses restrictions d’utilisation, sur le site Internet d’une revue de voyages ».

La Cour de Justice n’a pas suivi cet avis et a jugé, au contraire, que les droits de l’auteur de la photo s’appliquaient. Selon la Cour, l’élève « a joué un rôle décisif dans la communication de cette oeuvre à un public qui n’était pas pris en compte par l’auteur de celle-ci lorsqu’il a autorisé la communication initiale » et l’exception en faveur de l’enseignement ne peut pas être retenue car elle suppose « une utilisation à des fins d’illustration exclusive dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique ». En conclusion, la mise en ligne sur un site Internet d’une photographie préalablement publiée, sans mesure de restriction empêchant son téléchargement et avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, sur un autre site Internet est un acte de « communication au public » soumis à autorisation.

Enfin, à titre d’information, il importe de souligner que la loi belge prévoit et autorise, parmi d’autres exceptions, d’une part la copie privée (à savoir, la reproduction d’oeuvres effectuée dans le cercle de famille et réservée à celui-ci) et d’autre part la reproduction à des fins d’enseignement (qui suppose que l’utilisation soit justifiée par le but non lucratif poursuivi et que l’utilisation ne porte pas préjudice à l’exploitation normale de l’oeuvre) [3].

Par André Decourrière, avocat au Barreau de Bruxelles et Professeur au Crb et à l’Arba-esa

[1] Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 7 août 2018, aff. Land Nordrhein-Westfalen / D. Renckhoff, C-161/17.

[2] L’article XI.191/1 de ce code prévoit notamment que « la communication au public d’oeuvres à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique, par des établissements reconnus ou organisés officiellement à cette fin par les pouvoirs publics et pour autant que cette communication soit justifiée par le but non lucratif poursuivi, se situe dans le cadre des activités normales de l’établissement, soit sécurisée par des mesures appropriées et ne porte pas préjudice à l’exploitation normale de l’oeuvre« .

[3] Ces deux exceptions ne s’appliquent pas aux partitions musicales. Elles ne peuvent donc pas être reproduites, même à des fins privées ou d’enseignement.

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