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Rencontre avec les deux plus anciens prisonniers de Belgique

Muriel Lefevre

Personne en Belgique n’est depuis aussi longtemps en prison qu’eux. L’émission Pano sur Een les a rencontrés. Dans un pays où il ne fait pas bon être malade en prison et où les conditions de libération sont de plus en plus strictes, les deux meurtriers reviennent sur ces décennies passées derrière les barreaux.

Les auteurs d’un documentaire de la chaîne publique flamande ont rencontré deux des plus anciens prisonniers de Belgique. Staf Van Eyken, 67 ans, mieux connu sous le nom du vampire de Muizen et Freddy Horion, 70 ans. L’un a déjà passé 45 ans en prison et l’autre 38. Si le second ne rêve que de sortir un jour, le premier n’y songe plus. Même pour une journée. « Ce que j’ai fait est si atroce. Ici j’ai une structure dans laquelle je peux vivre. Je ne crois pas que dehors, j’y arriverais. »

Staf (Gustaaf) Van Eyken
Staf (Gustaaf) Van Eyken© Belga

Staf Van Eyken est mieux connu du grand public sous le nom du Vampire de Muizen. Un surnom qu’il doit au fait qu’il mordait ses victimes. Il aura tué 3 femmes, mais aussi violé et agressé de nombreuses autres.

« Je me dégoûte », dit-il après 45 ans de prison. « Car j’ai effectivement fait tout ce qu’on me reproche. » Depuis plus de quatre décennies, cet homme vit dans la prison de Louvain. Les portes sont ouvertes la journée, mais sa cellule fait 3.5 sur 4 mètres.

Bien qu’il ait atteint l’âge de la pension, Van Eyken travaille encore et gagne 210 euros par mois. C’est tout ce qu’il a. Une somme à laquelle il faut encore déduire la télévision et la cantine.

A quoi un détenu condamné à perpétuité passe ses journées ?

80% regardent la TV dans sa cellule

1 sur 2 occupe son temps en dormant ou en réfléchissant

10% ne sortent pas de leur cellule

50% passent plus de 16 heures par jour dans ces quelques mètres carrés.

75% travaillent en prison

Presque 90% ont des contacts avec l’extérieur (famille ou bénévoles)

Plus de la moitié reçoit maximum deux visites par mois.

40% n’ont pas reçu de lettre lors du mois dernier.

33% n’ont pas le moindre espoir d’être libérés.

Il ne souhaite plus jamais sortir de sa prison. Van Eyken s’est fait à l’idée. Parce qu’il ne se fait pas confiance. Malgré cela, il trouve quand même que la prison a fait de lui un autre homme. Avec l’aide de la psychologue, une thérapie entamée après 10 ans de détention, il est devenu un autre homme. « Avant, je n’avais pas de regret. Maintenant, je comprends ce que j’ai fait. C’est ça le plus atroce. J’ai parfois des flash-back de certains de mes actes et je me dis: ouille. Je ne sais pas si je suis un psychopathe. Je ne le pense pas. Par contre, je sais que je suis quelqu’un de très dangereux. Surtout à l’époque. »

Prison de Louvain
Prison de Louvain © Belga

Durant sa longue captivité, il a pu sortir en quelques rares occasions. Mais les lois ont été renforcées et ce n’est depuis peu plus le cas. Une chose que Van Eyken déplore, mais qui ne l’empêche pas, à sa manière, d’avoir atteint une sorte de « bonheur d’être là où il en est. Aussi étrange de que ça puisse paraître ». Dans le reportage, il adresse aussi à ses victimes et à leurs familles un message : « Je ne peux leur rendre ce que je leur ai pris, mais je peux m’arranger pour que cela ne se reproduise plus. Je sais que cela ne les aide pas. J’espère juste qu’elles l’acceptent.

L’avocat de Dutroux demande un examen psychiatrique dans l’optique d’une libération

Bruno Dayez, l’avocat de Marc Dutroux, entend introduire prochainement une demande afin que des psychiatres extérieurs et indépendants puissent examiner son client à la prison de Nivelles. Le conseil veut ainsi évaluer la dangerosité de l’assassin pédophile, condamné à la réclusion à perpétuité en 2004. Me Dayez se dit non convaincu que Marc Dutroux a besoin de soins particuliers. « Le temps passant, les gens s’améliorent parfois », fait-il valoir, estimant que « le temps a fait son oeuvre ». Cependant, l’avocat veut d’abord consulter des experts afin de déterminer la dangerosité de son client. « Je ne suis pas fou. (…) On ne va pas demander qu’il tienne un garage, une échoppe à bonbons ou qu’il vende des fleurs! Je ne prendrai pas de risques inconsidérés. » En juillet dernier, Me Dayez avait fait part de son intention de remettre un plan de reclassement pour Marc Dutroux d’ici 2021. Marc Dutroux remplit les conditions pour demander une libération conditionnelle depuis le 30 avril 2013. L’obtention d’une telle mesure est néanmoins très loin d’être automatique.

L’idée fixe de Freddy Horion

Freddy Horion, malgré ses 70 ans, ne rêve lui que d’une seule chose : sortir vivant de prison. Il est depuis 38 ans derrière les barreaux pour le meurtre de six personnes. Il a notamment, avec un complice, massacré une famille entière le 23 juin 1979. Roland Steyaert (45), sa femme Leona (47), leurs filles Hilde (13) et Anne-Marie (22) ainsi que le fiancé de cette dernière Marc (24). Quelques mois auparavant il aurait aussi tué un magasinier polonais dans le port de Gand.

Freddy Horion lors de son arrestation
Freddy Horion lors de son arrestation© Belga

Dans sa prison, il s’entraîne deux fois par semaine à la salle de fitness et tente chaque mois de mettre des sous de côté pour lorsqu’il sera dehors.

Sortir, une idée fixe. « Je sais que je mérite ma peine, mais là c’est de la torture mentale. » Pour preuve, il montre un document où il est indiqué qu’il sera libéré le 31 décembre 9999 à 18 heures. « On se fout des gens. » dit-il encore. Contrairement à VanEyken, Horion ne veut plus apparaître à visage découvert. « Je ne veux pas que la nouvelle génération me reconnaisse. »

Il aurait pourtant exactement le même look que lorsqu’il est rentré dans la prison. Grande lunette, moustache et queue de cheval.

Sa peine de mort a été muée à l’époque en peine à perpétuité. Horion a déjà entamé les démarches une dizaine de fois pour obtenir une libération anticipée. Toutes ont été refusées. « Je comprends que certains pensent que je doive rester éternellement en prison, surtout les familles des victimes. Sauf que l’état de droit ne fonctionne pas comme cela. Le but d’une peine de prison est la réintégration. Si vous laissez quelqu’un 38 ans en prison, vous admettez que le système est un échec. »

Quelle condition pour la libération conditionnelle quand on est condamné à perpétuité?

Depuis quatre ans la loi est devenue plus sévère et il faut avoir purgé au minimum 15 ans avant de pouvoir demander une libération conditionnelle. Avant la moyenne était de 12.5 années de prison. On estime qu’entre 1975 et 2013, 390 condamné à perpétuité son tout de même été libéré.

Il faut avoir accompli le tiers (ou les deux tiers en cas de récidive) de sa peine. Il faut dans un premier temps bénéficier de sorties de prison. Des sorties qui permettront d’organiser sa vie en dehors comme la recherche d’une formation ou d’un emploi. Après ces sorties courtes, il y a un congé pénitentiaire qui permet d’approfondir ses recherches pour organiser sa sortie.

Avant toute décision, le service psychosocial de la prison rédige un rapport destiné au tribunal de l’application des peines. Ce dernier stipule si le condamné se remet en question et évalue les risques de récidive. Le directeur de la prison rédige lui aussi un rapport. Le demandeur doit également monter un dossier où il explique son plan de reclassement (où il va vivre, ce qu’il compte faire de ses journées…)

L’audience a lieu en prison. Le tribunal statue au vu de tous les éléments, y compris les demandes des victimes et détermine s’il accorde ou non la liberté conditionnelle. Si celle-ci est accordée, elle est généralement liée à des conditions très strictes. Des conditions qui à la moindre infraction renvoient en prison.

« Je ne peux changer ce que j’ai fait. Tous mes regrets et le fait que je croupisse ici ne les ramèneront pas. » dit encore Horion. Durant tout le reportage, il ne va craquer qu’une fois. Lorsqu’il parle de ses enfants. « Mes enfants ne supportent plus de venir me voir en prison, du coup je ne les vois plus grandir. Ça fait aussi 10 ans que je n’ai pas vu mes petits-enfants. Je ne veux pas qu’ils viennent et qu’on les reconnaisse. Ce genre de chose se sait vite. Je sais que j’ai commis des faits graves et que je mérite ma peine, mais là c’est de la torture mentale à tous les niveaux. Si je n’ai pas le moindre espoir de libération, j’espère que j’aurais rapidement un cancer en phase terminale ou je me suicide. Attendre la mort dans un lieu pareil, c’est pire que d’être exécuté. On ne le souhaiterait pas à son pire ennemi. »

Manque de soins de qualité en prison

Selon le Centre fédéral d’expertise des soins de santé, chaque personne qui arrive en prison devrait se voir proposer un entretien médical approfondi pour inventorier ses problèmes physiques, psychiques et sociaux. Chaque année, le SPF Justice (et l’Inami dans une moindre mesure) consacre environ 43 millions d’euros aux soins de santé pour les personnes détenues en prison. La majeure partie de ce budget (60%) est consacrée au personnel, 37% aux soins et 3% à l’organisation des soins. Les acteurs du secteur déplorent un manque de personnel, d’équipements modernes, d’infrastructures, de perspectives de carrière, de possibilités de formation, etc.

Beaucoup de détenus sont en mauvaise santé dans notre pays, révèle également l’étude du KCE. Ils consultent en moyenne 18 fois par an un médecin généraliste et 3 fois un psychiatre. Pendant l’année qu’a duré l’étude, 26.511 personnes ont passé au moins une nuit en prison. Pour presque 80% d’entre elles, une prescription de médicaments a été rédigée, dont une grande majorité pour des médicaments psychotropes.

Pano, mercredi 18 octobre à 21.25.

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