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Réactions indignées face au business de médecins et d’hôpitaux

Les syndicats CSC Services Publics et CGSP, la Mutualité Chrétienne et le parti Ecolo ont réclamé davantage de contrôles des médecins dans les hôpitaux, après la diffusion d’un reportage de la RTBF s’intitulant « les médecins sont ils devenus des requins? ». L’émission ‘Questions à la Une’ passait mercredi soir à la loupe les honoraires médicaux et pointait certaines dérives.

Pour la Mutualité chrétienne (MC), les témoignages diffusés illustrent de manière éloquente les dérives d’un système de soins où l’argent prime sur la santé, tant en hospitalisations qu’en soins ambulatoires.

L’émission évoquait les cas de médecins qui n’opèrent qu’en chambre individuelle pour pouvoir facturer au patient d’importants suppléments d’honoraires. Elle dénonçait aussi le fait que des patients sont invités à payer un tarif deux fois plus élevé que le tarif officiel pour être reçus plus rapidement par un spécialiste. Il était question également d’orientations de patients par un médecin vers une assurance hospitalisation en vue de facturer un maximum de suppléments d’honoraires. Le reportage épinglait aussi l’indisponibilité d’informations sur les coûts d’hospitalisation dans certains établissements hospitaliers, qui n’est pas conforme à la loi. « Ces pratiques, même si elles s’avèrent limitées, sont intolérables. En particulier, il est inadmissible que le choix de la chambre influe sur la prise en charge des patients.

Ces pratiques sont contraires au code de déontologie médicale », s’insurge jeudi Jean Hermesse, secrétaire général de la MC, qui demande à l’Ordre des médecins de dénoncer ces pratiques. « Le gouvernement Di Rupo avait interdit les suppléments d’honoraires en chambres communes et à deux lits. Nous demandons au gouvernement Michel d’aller plus loin encore », ajoute Jean Hermesse.

« Personne ne sait dire aujourd’hui quelle part des suppléments d’honoraires alimente les recettes de l’hôpital et quelle est celle qui rémunère les médecins », fait remarquer Jean Hermesse. La Mutualité chrétienne souligne que certains établissements hospitaliers affichent des comptes équilibrés tout en fonctionnant avec des suppléments d’honoraires à 100% tandis que d’autres n’arrivent pas à cet équilibre, alors qu’ils facturent 300% de suppléments d’honoraires.

La MC demande une réforme du système actuel de financement des hôpitaux, regrettant que les établissements hospitaliers sont actuellement financés à l’acte et donc en fonction des montants facturés. « Ce système engendre une inflation naturelle des prestations », indique-t-elle, reprenant l’exemple cité par la RTBF de la multiplication des examens radiologiques, néfastes pour la santé.

Pour la CSC Services Publics, les pratiques épinglées dans le reportage sont menées avec la complicité des pouvoirs publics. « Pourquoi les médecins ne sont-ils pas obligés d’indiquer le montant réellement perçu de leurs honoraires sur l’attestation de soins? Que dire de ces praticiens qui demandent à leurs patients de venir avec une enveloppe garnie de billets le jour de la prise en charge? Cette médecine, réservée à ceux qui ont les moyens, n’est-ce pas de la fraude? », s’interroge le syndicat chrétien.

Tant la CSC Services Publics que la CGSP reviennent sur le doublement de la tarification proposé au CHR Citadelle à Liège en vue de raccourcir les délais pour les rendez-vous. « Un hôpital public n’est pas une entreprise comme les autres. Il est du devoir de l’hôpital de répondre aux besoins médicaux de toutes les catégories de population », insiste la CGSP.  » Si les délais sont longs, c’est parce que de plus en plus de médecins limitent leur temps de prestation à l’hôpital pour pouvoir prendre davantage de consultations dans des cabinets privés, consultations mieux rémunérées », souligne pour sa part la CSC Services Publics.

Pour la députée fédérale Ecolo Muriel Gerkens, « se soigner ne peut pas être le privilège des plus aisés, et certainement pas dans un hôpital public ». « Certains spécialistes ont des rémunérations 10 fois supérieures à d’autres sans que cela ne se justifie, si ce n’est par la pénurie organisée dans certaines spécialisations », affirme-t-elle. Pour le parti Ecolo, il y a urgence à modifier en profondeur l’organisation des soins de santé et leur mode de financement. « Etant donné que les médecins rétrocèdent une partie de leurs revenus à l’hôpital, cela entraîne des dérives tant du côté des hôpitaux que de certains médecins », observe Mme Gerkens, qui interrogera sur ce sujet la ministre de la santé publique, Maggie De Block, au parlement fédéral.

Le Conseil médical du CHR de la Citadelle estime pour sa part que l’émission de la RTBF jette le discrédit sur l’ensemble du corps médical de l’hôpital liégeois. Il dit « regretter que les techniques de l’amalgame, de l’information partielle et partiale ainsi que des témoignages anonymes sans preuve aient été utilisés ».

Le CHR de la Citadelle précise que le doublement de la tarification ne peut être proposé au sein de son établissement que par deux des 500 médecins indépendants liés à l’hôpital, et dont l’expertise est internationalement reconnue. Le supplément ne peut atteindre qu’au maximum 100% du tarif INAMI en fonction de la spécialité, dans le cadre de consultations ne dépassant pas 1/10e des activités du médecin concerné. « Les organes de gestion de l’hôpital, composés de représentants de tous les partis politiques ont voté à l’unanimité, en 2010, la possibilité de (cette) dérogation », ajoute l’hôpital liégeois.

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