Centrales nucléaires : en Belgique, on travaille trop peu au développement d'alternatives © ID/ photo agency

Réacteurs nucléaires: « La dégradation du béton a été sous-estimée »

Le directeur général de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN), Frank Hardeman, a estimé que la dégradation du béton constatée dans les parties non nucléaires des deux centrales nucléaires avait été sous-estimée.

« On a longtemps considéré que c’était une dégradation de béton sans impact sur la structure », a indiqué M. Hardeman, interrogé en sous-commission de la Chambre sur la sécurité nucléaire. C’est pour cette raison que la maintenance a dans un premier temps été « superficielle ». Les parties des centrales nucléaires affectées par les problèmes de dégradation de béton concernent des systèmes de sécurité de réserve. Mais ils doivent être opérationnels pour assurer le fonctionnement de la centrale contre, par exemple, les chutes d’avion. Le réacteur Doel 3 en a été affecté mais est redevenu opérationnel après réparation du béton touché par l’humidité, tandis que Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3 sont à l’arrêt pour cause à la fois de révision planifiée et de réparation de leurs bétons. Le patron de l’AFCN ajoute que le problème est maintenant traité de manière « pro-active » par l’exploitant (Engie-Electrabel).

Risque de délestage réduit « significativement », janvier et février incertains

Le risque de délestage (coupures d’électricité) cet hiver dû à l’indisponibilité de six des sept réacteurs nucléaires de Belgique a été significativement réduit, même s’il n’est pas écarté, a annoncé mardi le gestionnaire du réseau haute tension de transport d’électricité Elia, lors d’une audition à la Chambre.

La capacité supplémentaire nécessaire pour pouvoir maintenir la sécurité d’approvisionnement tout au long de l’hiver est revue à la baisse et passe de 1.600-1.700 mégawatts (MW) à 700-900 MW, selon le CEO d’Elia Chris Peeters. Les 750 MW annoncés en fin de semaine dernière grâce aux mesures supplémentaires et l’avancement du programme de maintenance de Tihange 1 « ne suffisent pas encore pour respecter les critères légaux » de sécurité d’approvisionnement, concède Elia. Mais ils permettent de « réduire significativement le risque de délestage », selon lui. Ce lundi, une « bonne nouvelle » est intervenue puisque le gestionnaire de réseau français RTE a confirmé que de l’énergie serait « sans doute disponible » pour le marché belge (jusqu’à plus de 1.000 MW), même en cas d’un hiver très froid (qui ne survient qu’une fois tous les dix ans), a ajouté M. Peeters. De la sorte, les prévisions d’approvisionnement pour la Belgique ont évolué d’un hiver « extrêmement difficile » à un hiver où les périodes problématiques et le risque de délestage ont diminué.

Chris Peeters
Chris Peeters© Belga

Désormais, novembre connaît une évolution positive, mais « janvier et février 2019 nécessitent encore des mesures supplémentaires », principalement en raison des possibilités limitées d’importation. Elia réclame encore au gouvernement et aux acteurs de marché des mégawatts supplémentaires pour assurer l’équilibre du réseau. Le transporteur haute tension demande notamment des certitudes quant au retour prévu de Doel 1 (mi-décembre), Doel 2 (fin décembre) et Doel 4 (mi-décembre). La task force gouvernementale mise sur pied sous la direction de la ministre de l’Énergie Marie Christine Marghem étudie aussi la possibilité de faire revenir à partir de janvier une des unités nucléaires dont l’indisponibilité a été prolongée au-delà de l’hiver, selon Elia. Mais ni cette dernière ni Electrabel ne veulent confirmer s’il s’agit de Tihange 3 (problème de béton), dont le retour est actuellement prévu le 2 mars. Ces derniers jours, l’alerte lancée le 24 septembre dernier par Elia après l’annonce de l’indisponibilité soudaine des réacteurs de Doel 1 et 2 ainsi que de Tihange 2 et 3 a remis en question la sécurité d’approvisionnement de l’énergie nucléaire et mis en lumière la dépendance de la Belgique à l’importation d’électricité depuis l’étranger. Lors des auditions, le Bureau du plan a rappelé le coût d’un coupure d’électricité non prévue sur l’ensemble du territoire (très théorique toutefois vu les procédures de surveillance et le plan de délestage par zones): 126 millions d’euros sur la première heure, un peu moins sur la deuxième mais davantage ensuite.

Les intervenants se sont renvoyés les responsabilités: la CREG déplore le manque d’information d’Elia sur les capacités d’interconnexion, Elia reproche aux producteurs tels qu’Engie-Electrabel d’être informée tardivement des problèmes techniques, tandis que cette dernière rappelle tout ce qu’elle a fait depuis une semaine pour aider à récupérer des mégawatts.

Thierry Saegeman
Thierry Saegeman© Belga

« Electrabel ne s’enrichit pas de cette situation! L’indisponibilité des centrales nucléaires va générer une perte de 600 millions d’euros pour nous », a lancé Thierry Saegeman, le patron du nucléaire chez Engie-Electrabel, répondant à une accusation qu’il juge « absurde ». Aux députés qui lui réclament une compensation pour l’augmentation prévue de la facture des ménages et entreprises, Engie-Electrabel répond qu’elle ne peut « être responsable de tout. » « Dira-t-on demain que, s’il n’y a plus de vent ou plus de soleil, c’est Electrabel qui devra indemniser les gens? Nous ne sommes qu’un acteur du marché de l’énergie, et même si le client est important, la sécurité nucléaire est notre priorité première. Cessons de polémiquer, et que les techniciens cherchent désormais les solutions, car nous, nous l’avons fait dès la semaine dernière ».

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