Carte blanche

Re-mixons Molenbeek. Mais aussi toute la Région !

« Molenbeek manque de mixité sociale« . Une affirmation que personne n’ose plus remettre en question depuis les attentats. Pourtant, Molenbeek est aussi une commune de diversité. Dans une Région où, il est vrai, il existe une forte ségrégation sociale entre les quartiers. C’est toute la Région qu’il faudrait « remixer ».

En réalité, à Molenbeek, la diversité existe plus qu’il n’y paraît, dans tous les quartiers, au niveau des origines « culturelles » en tous les cas. Moins en ce qui concerne les classes sociales : la misère des uns y côtoie celle des autres.

Concernant la concentration de la pauvreté, l’un des pêchés originels remonte aux années 80. Avec de nombreuses rues sinistrées suite à la construction du métro et à la désindustrialisation ; l’apparition de taudis… Puis des moyens régionaux sont apparus. On a construit des centaines de logements sociaux pour des ménages à très bas revenus. Zéro mixité sociale. Zéro accompagnement social. Une politique, terreau des attentats ? Il serait hasardeux de l’affirmer sans nuance. Néanmoins, à concentrer trop de difficultés sociales et économiques dans un quartier et même dans une commune, à se limiter à fournir un logement à des citoyens devenus souvent « clients politiques », à penser que la brique suffisait à apaiser les coeurs, à penser qu’une fois sous un toit une famille était à l’abri de la délinquance, à négliger le social dans la durée et la recherche de l’émancipation, à ne pas veiller à l’entretien et la rénovation des immeubles, à ne pas miser assez sur l’enseignement, à n’offrir aucune perspective d’emploi un peu sérieuse… on a fini par créer un terreau fertile au recrutement de jeunes influençables et avides d’aventures meurtrières, dans une perspective bien plus nihiliste que « religieuse »

A concentrer trop de difficultés sociales et économiques dans une commune, on a fini par créer un terreau fertile au recrutement de jeunes influençables.

Alors oui, le manque de diversité sociale de Molenbeek pose question. Chaque habitant devrait avoir pour voisin d’autres habitants plus ou moins riches que lui, ayant un niveau de formation plus ou moins grand que lui. Oui, en mixant les origines socio-économiques, on mixe aussi pays d’origine, langues, convictions philosophiques. Bien entendu, il ne suffit pas de vivre l’un à côté de l’autre pour se connaître. Mais c’est un point de départ essentiel car il permet, si pas la rencontre, au moins la prise de conscience de l’altérité et la baisse des préjugés en tous genres. Il permet la prise de distance par rapport à ses propres réalités, l’ouverture d’horizons qui, sinon, pourraient sembler bouchés.

Baronnies locales et faiblesses régionales

Les choses changent, depuis 2013 en tout cas : via le plan logement communal, qui porte sur la création de 900 logements et la rénovation de 700 autres, les autorités s’attellent à créer d’avantages de logements à finalité sociale dans les quartiers qui comptent une écrasante majorité de logements privés et davantage de logements « moyens » dans les quartiers les plus précaires. Une politique de logement qui permet de « mixer » les publics devrait être portée par la Région bruxelloise. Ce n’est pas le cas.

D’abord parce que les communes, rivées sur leurs propres budgets, acceptent difficilement des projets publics de logements sociaux ou à vocation clairement sociale. Paradoxalement, c’est souvent encore plus le cas dans les communes où la proportion de logements sociaux est déjà la plus faible. Baronnies communales, Région trop faible face aux Communes, doses de nymbisme aussi…

Ensuite, alors qu’il manque cruellement de foncier public pour faire face aux enjeux du boom démographique et pour construire logements et équipements collectifs, aménager espaces verts et récréatifs, certaines communes vendent des terrains à des promoteurs en vue d’améliorer leurs comptes… sous les applaudissements de la tutelle régionale, focalisée sur les aspects financiers de court terme.

Autre problème : aucun quota de logement public n’est imposé aux communes. La Région affirme vouloir atteindre 15% de logements à gestion publique dans chaque commune. Mais dans les faits ce pourcentage varie de 4 à 20% suivant les localités. Très peu de communes ont défini une stratégie de logement public. Et moins de la moitié des entités communales répondent aux appels à projets régionaux de l’Alliance Habitat, pour acquérir des terrains ou des bâtiments, moyennant subvention. Pire encore : lorsque la Région dépose des permis d’urbanisme, il arrive que des bourgmestres et échevins montent au créneau pour retarder les projets ou les rendre impossibles.

Le système de dotation générale aux communes est en pleine révision. Pourquoi ne pas la faire varier en fonction des efforts réels entrepris par chacune en matière de logement public à finalité sociale ? Ca serait là un « tax shift » régional réellement solidaire. Au niveau de la gouvernance, les règles et procédures devraient être telles que les projets de logements sociaux fassent l’objet de processus participatifs réels dès l’amont, afin d’améliorer la qualité de ceux-ci et leur intégration dans les quartiers, mais sans possibilité de blocage des autorités communales.

Nous pensons aussi qu’il est indispensable, par ailleurs, de réguler le marché locatif privé. Une proposition d’ordonnance pour l’encadrement des loyers a été déposée par Ecolo et Groen au Parlement bruxellois. Paris et bien d’autres villes le font. Pourquoi pas Bruxelles ?

Par Karim Majoros, Echevin du logement à Molenbeek et Alain Maron, Député au Parlement bruxellois.

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