Jan Jambon, ministre de l'Intérieur (N-VA) © Belga

Qui veut la peau des superflics anti-criminalité financière ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Résurgence de guerre des polices, velléités N-VA de régionaliser, volonté Open-VLD de noyer un service anti-fraude efficace. A quelle sauce seront mangés l’OCDEFO et ses enquêteurs ? Voici les coulisses d’un dossier épineux pour la majorité.

Par Thierry Denoël et Marie-Cécile Royen

Ils ne sont jamais vraiment tranquilles les hommes de l’Office central de la lutte contre la délinquance économique et financière (OCDEFO). Ils se croyaient à l’abri depuis la récente loi sur l’optimalisation des services de polices (soit l’adaptation de la réforme des polices) qui prévoyait de les maintenir en place. Mais les ministres de l’Intérieur et de la Justice, Jan Jambon (N-VA) et Koen Geens (CD&V), ne semblent pas avoir lu la loi de la même manière qu’eux et parlent de décentraliser ce service de pointe. Ce qui revient à le démanteler, tonne l’opposition. Non sans raison. Car les phénomènes de criminalité éco-fin se cantonnent rarement aux frontières d’un arrondissement voire même à celles du pays.

Avec ses 38 flics spécialisés et ses 24 fonctionnaires fiscaux détachés, l’OCDEFO a fait ses preuves depuis de nombreuses années, dans le domaine de la lutte contre les criminels en col blanc, y compris dans les grands dossiers comme la QFIE et les sociétés de liquidités. Il a surtout contribué à endiguer le fameux phénomène des carrousels TVA qui, il y a quelques années encore, coutaient des centaines de millions d’euros à l’Etat. Les juges d’instruction ne tarissent pas d’éloges à son égard. L’OCDEFO est cité en exemple dans toute l’Europe. Des policiers de ce service donnent des séminaires de formation à l’étranger, notamment en France où les autorités ont récemment adopté le système belge de lutte contre les carrousels TVA et mis en place un office central du même type.

C’est cet outil efficace et renommé qu’on voudrait décapiter chez nous. A la Chambre, le 20 mai dernier, Jambon, auteur avec Geens d’un arrêté-royal en ce sens, a été très explicite : « Le service de l’OCDEFO cesse d’exister et est entièrement déconcentré vers les arrondissements judiciaires. » En réalité, le texte de l’arrêté a été rédigé par la police fédérale. On sait, depuis belle lurette, que le démantèlement de l’office central est une volonté de la direction de la police fédérale. Celle-ci, appuyée par l’Open-VLD, avait déjà tenté le coup, lorsque Joëlle Milquet était au ministère de l’Intérieur. Epaulée par son conseiller Jean-Pierre Doraene, ancien patron de l’OCDEFO, la CDH avait résisté, entamant un bras de fer homérique avec la commissaire-générale Catherine De Bolle.

Jan Jambon, lui, a opéré un revirement spectaculaire : dans sa note de politique générale au début de son mandat, il avait clairement exclu l’OCDEFO et la FCCU (Federal Computer Crime Unit) de la décentralisation des services de police. Du même parti, Elke Sleurs, alors chargée de la Lutte contre la fraude fiscale, avait, elle aussi, prévenu, dans son plan d’action du 27 février dernier, qu’il ne fallait absolument pas mettre « en péril les nombreuses fonctionnalités fructueuses de l’OCDEFO ».

Depuis, Sleurs s’est vu retirer la compétence « fraude fiscale » de ses attributions de secrétaire d’Etat.

Le dossier dans Le Vif/L’Express en vente demain. Avec :

  • Séance d’explication virile au sein du gouvernement en vue
  • « Une décentralisation serait absurde en terme d’indépendance »
  • Pourquoi le sort de l’OCDEFO et de la FCCU n’est pas encore scellé

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