Carte blanche

Quelle place pour l’enseignement religieux dans nos écoles?

Une fois encore, une fois de plus, le débat se polarise à ce propos. D’un côté, ceux qui militent en faveur de son confinement dans l’espace privé, de l’autre, les représentants des cultes reconnus, tous solidaires pour en affirmer l’importance dans le cadre de la scolarité obligatoire.

Tout se passe comme si l’on assistait au remake de la première guerre scolaire des années 1880 du XIXe siècle, dénonciations, invectives et excommunications en moins (Loi VAN HUMBEECK, 1879, aussi qualifiées « Loi de malheur » par les milieux catholiques).

Comme si tout compromis, aujourd’hui comme hier, était irrémédiablement impossible ! Comme si, une fois de plus, le manichéisme était condamné à l’emporter, comme si, surtout, la société belge n’avait pas évolué.

Une affaire privée ?

L’enseignement religieux, une affaire exclusivement privée ? Peut-être, en raison de la conception belge de la neutralité de l’état. Une telle conception offre l’immense avantage, quand le nombre de cultes reconnus a explosé, d’immuniser le budget de l’enseignement de tout dérapage. Mais elle renvoie aussi à une représentation des sociétés comme expurgées de toute spiritualité, comme si l’homme n’était pas, depuis toujours, un animal « religieux ». En reléguant ainsi les spiritualités dans l’espace privé, elle s’interdit de surcroît d’exercer tout contrôle quant au contenu des enseignements ainsi dispensés en autant de chapelles, une frilosité qui peut s’avérer hautement préjudiciable quand fleurissent de nouveaux radicalismes.

Les enjeux contemporains

Un tiers chemin n’est-il pas envisageable, qui reconnaisse et accepte la présence de spiritualités dans notre société, qui garantit la liberté de choix de chacun tout en s’inscrivant dans un cadre de saine gestion et en permettant l’émergence, comme le veut le décret « Missions » de juillet 1997, de citoyens autonomes et responsables, convaincus des valeurs de l’état de droit ? Qui a l’ambition enfin de mettre à bas ces chapelles spirituelles qui existent, c’est vrai, au sein même de nos établissements scolaires ?

Qu’il convienne de faire place en nos écoles à l’enseignement religieux me paraît être une évidence. Mais une place différente, réduite (une heure semaine dans l’enseignement public) qui contraint les représentants des cultes à se parler et à parler ensemble à nos enfants.

Une voie médiane

Cela suppose de mettre un terme à l’enseignement religieux tel qu’il est actuellement organisé, par classe d’âge et par culte. Je le rêve, pensé verticalement, par groupes de vingt élèves, regroupés quel que soit le choix de leurs parents, avec, pour professeurs tous les représentants des cultes reconnus. La classe serait alors, vraiment, un lieu d’échanges et de respect de l’autre, de parole libérée, un jardin du vivre ensemble.

Après tout, cela vaudrait mieux que de rétribuer des enseignants nommés et agréés mis en disponibilité totale ! Après tout, ce serait, de la part des autorités religieuses, un signal fort quant à leur volonté de partager, en actes et en paroles, l’espace public !

Jean-Luc Lefèvre – Directeur d’école secondaire à la retraite

Fondateur d’un Institut Supérieur de Sciences Religieuses

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