Herman Matthijs

« Que signifie ce budget pour le contribuable? »

Herman Matthijs Professeur en Finances publiques

Après une semaine d’effervescence politique, le projet de budget 2017 a vu le jour. Si le budget lui-même a rapidement fait l’objet d’un accord, la discussion concernait trois autres dossiers qui ont entraîné un débat enflammé avec des conséquences importantes pour les relations interpersonnelles dans ce gouvernement. Car dans ce pays, l’opposition fait partie du gouvernement.

Ce budget maintient le déficit sous la norme de l’UE de 3% du PIB, mais l’équilibre n’est plus pour cette législature. On ne fait rien pour baisser le taux d’endettement de 110% alors que les taux resteront bas encore pendant quelque temps. Peut-être qu’on procédera à la vente de Belfius par exemple, qui ne manquera pas d’être liée au dossier Arco.

Dans un pays au niveau de prélèvements publics de 54% du PIB, une baisse à un niveau acceptable de 50% mènerait à un budget équilibré. On peut difficilement dire qu’on ne peut pas économiser davantage dans un pays aux prélèvements publics aussi élevés. Les Pays-Bas connaissent un niveau de prélèvements publics de 46%.

Le gouvernement Michel peut se glorifier de la hausse de l’emploi privé, mais ce fait positif est partiellement sapé par les licenciements massifs dans la partie traditionnelle de l’économie. En outre, nous devons constater que cette croissance reste loin derrière celle des Pays-Bas et de l’Allemagne.

Le projet budgétaire de 2017 est un accord traditionnel pour ce cabinet de centre droit. L’accord se compose à 70% d’économies et à 30% de nouvelles taxes. La majorité des économies sont réalisées dans la sécurité sociale.

Sur le plan de recettes, il y a une hausse du précompte mobilier de pas moins de 30% (385 millions). Comme le gouvernement espère débudgétiser 260 millions dans le cadre des dépenses exceptionnelles pour la sécurité, ce montant n’est pas compté dans le calcul de la norme des 3% du PIB. Il faut néanmoins débourser cette somme et structurellement, cet écart de l’UE ne résout rien.

Traditionnellement, le gouvernement mise sur la lutte contre la fraude fiscale. Il est frappant que le gouvernement ait constitué une réserve financière de 739 millions d’euros pour pallier les recettes décevantes. Cette mesure prouve la problématique ancienne de mauvaises estimations et d’une législation fiscale trop compliquée. Une estimation plus orthodoxe et un grand ménage dans la législation fiscale rendraient cette réserve superflue.

Impôt sur la fortune

Les prochaines semaines, le gouvernement fédéral se concentrera sur les discussions au sujet de la taxe sur la plus-value, la baisse de l’impôt sur les sociétés et l’activation économique de l’épargne. Cependant, les critiques qui accusent le gouvernement de ne pas imposer les nantis ne riment à rien. Les impôts sur les capitaux sont bons pour 10% de notre PIB.

Il faut baisser rapidement l’impôt sur les sociétés parce que tous nos pays voisins le font. On peut financer cette baisse en supprimant des postes déductibles et en instaurant une réforme de la déduction d’intérêts notionnels.

Activer l’épargne pour l’économie présenterait beaucoup d’avantages, même s’il faut garantir une stabilité à long terme pour les épargnants. Vu les mouvements yoyo de ces dernières décennies, le passé fiscal n’offre pas vraiment de garantie.

Dans sa déclaration du gouvernement, Charles Michel évoque une solution pour les coopérants Arco. Le premier ministre prévoit un « dédommagement partiel » pour 2017. Si au niveau électoral, ce dossier est important uniquement pour le CD&V, il y a lieu de se poser quelques questions critiques. Comment va-t-on les payer ? Et le dossier Arco sert-il de monnaie d’échange pour autre chose ?

Budget: le gouvernement a-t-il l’intention de respecter le principe d’égalité des Belges?

On peut également se demander si le gouvernement a l’intention de respecter le principe d’égalité des Belges. L’état indemnisera-t-il tous les autres actionnaires banques qui ont perdu de l’argent dans la crise bancaire ? Le cas échéant, l’obtention de la norme du PIB de 3% deviendra tout à fait « mission impossible », car les actions Arco sont un exemple de moins-values sur actions. Si jamais on instaure un modèle faisable pour une taxe sur la plus-value, il faut régler fiscalement la moins-value sur les actions. Ce dossier ne manquera pas d’entraîner de nombreuses querelles politiques et juridiques.

Entre-temps, le gouvernement a un problème communautaire avec les parlements régionaux francophones qui ne veulent pas approuver le CETA (Accord commercial et d’investissement entre le Canada et l’Union européenne). S’il est évident que c’est un acte purement politique, il peut entraîner des problèmes politiques et économiques à l’égard de l’UE. Pour un pays où c’est la Flandre qui assure 83% de l’export, il est frappant que ce soit la part de 17% à qui le CETA pose problème. La question politique est de savoir si le MR est prêt à signer cet accord.

Conclusion

La Commission de l’UE ne manquera pas de formuler des remarques à propos de ce projet et plus particulièrement sur le taux d’endettement trop élevé (110% du PIB). Cependant, une amende ou une curatelle n’est pas à l’ordre du jour, parce que la Commission ne le fait pas non plus pour les cas bien pires en Europe méridionale. Le prochain rendez-vous budgétaire aura lieu fin mars avec le premier contrôle budgétaire de 2017. Au plus tard fin mars.

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