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Jean-Pierre Van Rossem est décédé

Muriel Lefevre

Condamné il y a quelques semaines à deux ans de prison ferme, l’homme avait perdu, et c’est peu de le dire, de son panache. Il logeait désormais dans un petit appartement où seules ses propres créations, des tableaux de Ferrari, lui appartenaient encore. Le luxe et la décadence n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Il vient de décéder à 73 ans.

Celui qui a possédé un jour sept châteaux, un yacht, des jets privés et même une équipe de Formule 1, a fini ses jours dans un modeste appartement situé au-dessus d’une boulangerie à Kapelle-op-den-Bos dans le Brabant flamand. Chez Jean-Pierre Van Rossem (73 ans), il n’y a pas d’ascenseur, pas plus qu’une Ferrari devant la porte, même pas une petite BMW. « Je suis vidé. « Toute ambition m’a quitté. J’ai été un salop, mais un salop intéressant » dit-il au De Morgen dans ce qui était dernière interview.

Dans un coin du salon se trouve un chevalet, dans les autres pièces sont éparpillés des dizaines de toiles. La plupart représentent des Ferrari. Il ne peint plus pourtant. « Je regarde la télé et je dors. C’est tout. » Sa condamnation à deux ans d’emprisonnement, assorti d’une amende de 12 000 euros et la confiscation de 390 000 euros l’ont sérieusement réduit. Après huit ans d’enquête, le tribunal a condamné la semaine dernière Van Rossem pour faux, blanchiment d’argent, fraude fiscale et fraude.

Jean-Pierre Van Rossem et Rachida Gmili Berrar
Jean-Pierre Van Rossem et Rachida Gmili Berrar© Belga

L’enquête a démontré que Van Rossem, qui n’a officiellement qu’une petite pension de 1 280 euros par mois, avait un style de vie luxueux : dîners dans des restaurants étoilés, villas rutilantes et nombreux voyages avec visite au bijoutier local.

S’il n’est pas d’accord avec le jugement, il ne fera pas appel pour autant. Selon ses dires, il n’ira pas non plus en prison. « Pourquoi continuer à se battre ? Il y a cinq mois, mon amie Nora est décédée suite à une erreur médicale. L’infirmière qui lui a retiré un cathéter a percé une artère. Quand ils l’ont découvert, c’était trop tard. »

Cet ex-milliardaire, enfant terrible de la politique, gourou de la bourse, maître escroc, économiste, politicien, écrivain, peintre, génie et rebelle semble aujourd’hui vivre parcimonieusement. Jean-Pierre Van Rossem, par son arrogance et sa grande gueule, était devenu l’un des personnages les plus médiatiques de ces dernières décennies. Dans les années 1980 et 90, il avait toute la panoplie du milliardaire.

Jean-Pierre Van Rossem est décédé
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Celui qui s’est fait connaître du grand public avec son parti libertaire « Rossem » a aussi été le chef de Moneytron, une entreprise grâce à laquelle des milliards de francs belges ont été injectés dans des circuits criminels par l’intermédiaire de comptes en banque suisse. Moneytron est un système mis en place par celui qui est économiste et mathématicien de formation. C’est un algorithme qui permettait de prédire la bourse, un sésame pour trouver les investissements gagnant avec un rendement allant jusqu’à 40 % par mois. Les problèmes commencent en juin 1990, lorsque ceux qui veulent récupérer leurs capitaux se rendent compte qu’il y a un problème. La société miraculeuse est en réalité une pyramide de Ponzy, soit une fraude fiscale où les nouveaux apports couvrent les supposés intérêts. À la même époque, il décide tout de même de se lancer en politique et se présente aux élections fédérales. Il y remporte un score exceptionnel avec 3 députés et un sénateur. Deux ans plus tard, il fait un dernier coup d’éclat lors de la prestation de serment d’Albert II. Après, c’est le brouillard.

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Un documentaire en deux parties

Van Rossem n’a pas seulement accordé une longue interview à De Morgen, Peter Boeckx le suit également dans une série documentaire en deux parties diffusée sur la chaîne flamande Vier. Peter Boeckx est réalisateur de documentaire qui a travaillé pour des programmes comme The sky is the limit (une série réalité sur les très riches Flamands) mais aussi Striptease. L’homme n’a jamais caché sa fascination pour la richesse et le luxe. Ici aussi, on voit à quel point l’ancien homme flamboyant a perdu de sa superbe.

Jean-Pierre Van Rossem est décédé
© Capture d’écran de Vier

Il se remet péniblement d’une intervention médicale à la jambe. C’est devenu un vieil homme. Celui qui fumait jusqu’à 8 paquets par jour, soit plus de 2.791.000 cigarettes tout au long de sa vie, ne fume plus depuis le 8 mai. C’est un médecin, en lui annonçant que, s’il continuait, il finirait cul-de-jatte, qui l’a convaincu. L’opération va durer douze heures et ne sera pas sans conséquence puisque sa mémoire en sortira amoindrie. Cette année 2018 n’est pas clémente pour Van Rossem. Il verra mourir, en plus de sa compagne, son père et sa soeur. L’appartement où il vit et les meubles appartiennent à son plus jeune fils Youri.

Celui qui avait autrefois 800 millions de dollars, une équipe de F1, des centaines de Ferrari, deux yachts, un avion a aujourd’hui les compteurs à zéro.  » À l’époque de Moneytron, j’ai géré 80 milliards de dollars de clients. Cela a fonctionné durant 12 ans. Jusqu’en 2014, j’ai vécu comme Dieu grâce à cet argent qui était dans des boîtes à chaussures, dans le garage d’une amie. » Si on le croit, il aurait donc dépensé 800 millions de dollars en 23 ans.

Jean-Pierre Van Rossem est décédé
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« Je ne suis pas fondamentalement un criminel, pas du tout. Je suis quelqu’un qui ose prendre des risques. Si vous me donnez 100 millions et que vous voulez que ça rapporte, Van Rossem sait très bien quoi en faire: il va jouer. J’ai régulièrement parié sur le marché boursier et j’ai gagné beaucoup d’argent. Si j’avais été un criminel, je ne vivrais plus. Ils m’auraient tué il y a longtemps. La politique est aussi de l’histoire ancienne. « Je ne peux pas continuer à me battre contre l’État qui a tout le pouvoir. C’est une douloureuse découverte pour un anarchiste, mais au moins, ils n’ont rien pu prendre de mon argent. » Lorsque le journaliste lui demande s’il a des regrets, il répond pour à peu près tout. D’une liste sans fin de mauvaises choses qu’il a faites. Mais, en même temps, c’était passionnant. « Il y a quelque chose d’autodestructeur en moi », dit celui qui roulait à 300 kms/heure la nuit lorsqu’il quittait Knokke.

Et ses plans d’euthanasie annoncés l’année dernière ? « J’ai un ami qui est médecin, il était prêt à remplir tous les papiers pour commettre l’euthanasie, mais je n’ai pas été plus loin. »

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