Wouter Beke © Belga

Que cache l’épineux dossier Arco ?

Muriel Lefevre

Le dossier Arco s’invite régulièrement à la table des négociations de la coalition gouvernementale suédoise. Mais de quoi s’agit-il et pourquoi le sujet est-il si délicat. Explications.

Tout remonte à 2008, lors de la débâcle de la banque Dexia. Comme pour les banques, le gouvernement Leterme décide d’offrir une garantie de 100 000 euros aux 780.000 particuliers qui avaient placé leurs économies chez Arco, une société coopérative, mais surtout le bras financier du Mouvement ouvrier chrétien (ACW en Flandre). Un peu comme s’il s’agissait là d’un simple compte d’épargne.

Très vite la question se pose de savoir pourquoi les coopérateurs d’Arco devaient être privilégiés par rapport aux simples actionnaires de Dexia. Ce geste du gouvernement Leterme est alors considéré comme discriminatoire et illégal par les autres actionnaires directs de l’ex-Dexia et entraîne des recours au Conseil d’Etat d’abord et au niveau européen ensuite.

Pourtant, Yves Leterme, qui était alors Premier ministre, n’y voit aucun mal. « En quoi est-ce qu’un coopérateur spéculait ou prenait un risque? Il faisait confiance à une coopérative, et il en recevait des avantages. (…) Ce n’était pas la même chose qu’acheter et vendre des actions en Bourse, quand et comme on le souhaite. On ne peut pas sortir du mécanisme n’importe comment. L’octroi de cette garantie dans la foulée de la chute de Dexia était et reste une solution très défendable ».

En juillet dernier la Commission Européenne estime que cette initiative constitue une aide indirecte et illégale de l’Etat, puisque les coopérants ne sont pas des épargnants, ce sont des actionnaires. En recalant et en interdisant ce système d’aide, la Commission Européenne condamnait de facto Arco à rembourser l’Etat à hauteur de 10% de la valeur de la société par année où la garantie a joué. L’Etat belge fera toutefois appel de cette décision.

Un choix d’appel décrié par le gouverneur de la Banque Nationale, Luc Coene, qui déplore dès le départ cette prise de position et estime que rembourser les actionnaires d’Arco créerait un « dangereux précédent ». « Si on commence à compenser cela, dit-il, on ne sait pas où cela va se terminer. Le risque existe que d’autres coopérateurs exigent un tel traitement. Et c’est tout sauf évident ». Un avis qui n’empêcha pas la Suédoise, après d’intenses tractations, d’introduire in extremis mi-septembre un recours auprès de la Commission.

Arco c’est quoi ?

Arco est une société coopérative, mais surtout le bras financier du Mouvement ouvrier chrétien. Un mouvement qui forme en quelque sorte l’arrière garde du CD&V et un véritable vivier de voix qu’il ne s’agit pas de décevoir. Arco regroupe près de 800 000 adhérents qui avaient investi de façon massive dans des obligations. Or cette dernière avait placé pratiquement tout son argent chez Dexia. Lorsque celle-ci s’effondre, Arco plonge également et les coopérateurs se retrouvent avec des titres pratiquement sans valeurs en perdant au passage des fortunes. De quoi faire de nombreux mécontents.

Pourquoi ce sujet s’invite-t-il à la table des négociations ?

Le dossier reste une épine dans le pied de la suédoise puisque le CD&V ne veut rien lâcher sur ce dossier et en a fait « sa première priorité ». Offrant au passage un levier puissant aux autres partis dans les négociations. Car plus que tout autre parti de la suédoise, le CD&V est pieds et poings liés tant les piliers syndicaux et mutuellistes ont encore un pouvoir considérable au sein du parti. Selon un négociateur libéral, « tout passe encore par eux. » L’ACW, devenu Beweging.net, met également la pression en promettant un « automne chaud ».

Il est vrai que l’arrière-ban du CD&V gronde déjà devant les économies faites au niveau flamand. Il faut absolument que ce dernier puisse accrocher au niveau fédéral une victoire importante, voire un symbole, sous peine de devoir faire face à une véritable hémorragie d’électeurs puisque son pilier chrétien compte 2 millions de membres actifs. On assiste donc à une espèce de baroud d’honneur pour rassurer sa base électorale. C’est pourquoi il ne démord pas du dossier Arco qui est par ailleurs un des points de la note des formateurs.

La dernière proposition d’accord présentée aux partenaires de la Suédoise par le ministre des Finances en affaires courantes Koen Geens (CD&V) consiste à dire que L’Etat, Beweging.net (ex ACW) et Belfius apportent leur contribution à l’édifice. Si Arco est liquidé, cela rapporterait 300 millions d’euros selon De Standaard. Le reste viendrait de l’Etat et/ou de Belfius à hauteur de 450 à 750 millions. En sachant que malgré ce plan les coopérateurs ne récupèreraient quand même pas les 1.2 milliard qu’ils ont perdus avec la débâcle de Dexia. En gros que ceux-ci ne récupéreraient que 30 à 50 % de leur avoir.

Que le dossier Arco soit un enjeu politique n’est pas neuf. Dès 2011, la N-VA attaque l’accord conclu entre Belfius, le successeur de Dexia, et le Mouvement ouvrier chrétien. Poussant au passage le vice-Premier ministre CD&V, Steven Vanackere, à la démission. Dès ce moment-là, le dossier Arco tourne au cauchemar pour le CD&V. Selon le politologue Dave Sinardet, il se murmure que « si Beweging.net ex ACW a accepté cette coalition si rapidement, ce serait pour neutraliser la N-VA ». Autrement dit, le CD&V aurait acheté la paix politique sur l’affaire Arco en s’alliant avec la N-VA.

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