Raoul Hedebouw, député et porte-parole du parti du PTB. © Belga

PS – PTB – Ecolo: à gauche, trois fois plutôt qu’une

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Paul Magnette (PS), Raoul Hedebouw (PTB) et Philippe Lamberts (Ecolo) sont dans un bateau. Le trio de gauche se jette à l’eau : allier le rouge vif, le rouge pâle et le vert foncé, cela ne doit pas être impossible. Mais cela reste à affiner.

La gauche francophone, combien de divisions ? PS, PTB et Ecolo confondus, cela représente une jolie force de frappe au sud du pays. Elle s’est affichée en rangs serrés hier soir, à l’occasion d’une soirée-débat organisée par la revue Politique. Pour l’incarner en chair en os, face au public et de gauche à droite, le hasard a bien fait les choses : le PTB Raoul Hedebouw, l’Ecolo Philippe Lamberts et le PS Paul Magnette.

Le député fédéral et porte-parole de la gauche radicale est sur un nuage depuis les derniers sondages qui font entrer sa formation dans la cour des grands en Wallonie. L’eurodéputé vert garde la niaque. Le ministre-président de Wallonie se fait un peu plus de souci.

De quoi ces trois-là vont-ils bien pouvoir causer ? De « la tempête sur la gauche » qui souffle avec violence en ce moment. Le trio en convient : il est urgent, en pleine bourrasque, de se serrer les coudes.

Aucune exclusive, nul anathème, pas d’attaques sous la ceinture. On ne se jette pas du « stalinien » ou « du vendu » à la tête. Les trois orateurs n’ont pas fait le déplacement pour se voler dans les plumes en public.

Pas de propos irresponsables, que des paroles de bon sens. Entre gens de bonne composition, la gauche cogite, toutes sensibilités confondues. En quête d’un horizon commun, d’un projet rassembleur. Ces grands esprits peuvent se rencontrer : sur la réduction du temps de travail, la taxation du capital et des fortunes, l’individualisation des droits sociaux.

Chacun affiche évidemment sa différence : Paul Magnette appelle à se rassembler sur trois ou quatre grands combats et à les rendre incontournables face à la droite. Philippe Lamberts invite à repenser la question du travail et à ouvrir le chantier de l’allocation universelle. Raoul Hedebouw s’accroche à sa « démocratie de lutte. »

L’unanimité se lézarde avant tout sur la manière. Agir en restant dans le cadre budgétaire que l’on sait, ou bien jeter aux orties le dogme de l’austérité façon PTB ? Là-dessus, Raoul Hedebouw n’en démord pas : sans « une remise en cause idéologique des cadres d’austérité », ce sera sans lui et le PTB.

Le fringant porte-parole de la gauche radicale n’a à la bouche que « le rapport de forces à construire », la reconquête idéologique, la mobilisation de la jeunesse. Ses comparses d’un soir n’ont de cesse de l’inviter à descendre du balcon à se mouiller pour faire bouger les lignes. « Raoul, en toute fraternité (sic), il faut y aller, que cela te plaise ou non. Il faut être dans les gouvernements, dans les lieux de pouvoir. Tu crois que l’ironie de la droite nous fait marrer ? », lui lance Magnette. « Raoul, tu dis : il faut refuser le système. Non, il faut agir sur le système. N’attendons pas la construction d’un rapport de forces pour y aller », renchérit Philippe Lamberts. Hedebouw fait la moue, résiste sans peine à la pression : « à avoir trop voulu jouer les règles du jeu, on est arrivé dans le mur. »

A l’applaudimètre, la salle oscille : le porte-parole du PTB a la cote, Philippe Lamberts termine en force, Paul Magnette ne démérite pas.

Si cela ne tenait qu’au trio, le capitalisme ne passerait plus l’hiver. Hedebouw dit oui sans effort. Magnette : « évidemment, on doit être anticapitaliste ». Lamberts invite à ne pas confondre : « sortir du capitalisme, oui, mais c’est non au capitalisme d’Etat. »

Alors, « tous ensemble, tous ensemble ? »

Philippe Lamberts se montre le plus chaud : « Là où le rouge-rouge-vert est possible, on le fait, il faut y aller. »

Paul Magnette ne dit pas non, enrobe le tout en déclarant sa flamme pour « la transition. La révolution, le Grand Soir, ça ne fonctionne pas. » Mais, surtout, répudie Hollande : « Raoul, ne me demande pas de défendre Hollande, ne me demande pas des défis impossibles. Il ne tue pas seulement la gauche française, il abîme toute la gauche européenne. » Juste ciel, pactiser avec l’ultra-gauche ? Même pas peur, signifie tout sourire le ministre-président wallon : « la désunion de la gauche, c’est la force de droite. »

Hedebouw demande à voir, insiste sur « une vraie volonté de réfléchir aux stratégies en place. Il faut poursuivre le débat, il ne sera pas évident. Le peuple de gauche a perdu confiance en lui-même. »

Pas d’emballement. Purs propos de débat qui n’engagent encore à rien. On se quitte tout sourire, une tape sur l’épaule. C’est beau, une gauche qui refait le monde.

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