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Pressé, le fonctionnaire flamand abîme sa santé

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Forcée de se dépeupler sur ordre gouvernemental, l’administration régionale flamande peine à assurer encore correctement ses missions. Stress au travail et absences pour maladie gagnent du terrain.

Au paradis de la « goed bestuur », on ne fait plus dans la demi-mesure. L’appareil d’Etat flamand est bien payé pour le savoir, lui qui depuis 2009 subit une diète qui fait fondre ses effectifs quasi à vue d’oeil.

Les gouvernements flamands passent, la cure d’amaigrissement reste. Peeters II (CD&V – N-VA – SP.A), aux manettes de 2009 à 2014, avait décrété 65 millions d’euros d’économies dans la Fonction publique en Flandre et 6,5% de fonctionnaires en moins. Bourgeois I (CD&V – N-VA – Open VLD), aux commandes jusque 2019, a surenchéri : 101 millions d’euros d’économies et 1950 agents à la trappe. Le tout sans licenciements secs, par stimulation des départs naturels et autres méthodes de réorganisation interne. Et, bien entendu, sans que la qualité du service ne doive en souffrir. En un mot comme en cent : faire plus et certainement mieux avec nettement moins. Exécution !

La Cour des comptes a été récemment invitée au Parlement flamand à faire rapport sur les coupes sombres opérées jusqu’ici. Bingo : les kilos jugés superflus s’envolent. 28.006 agents recensés en 2009, 26.682 encore au poste en 2014. Le dégraissage a dépassé l’objectif de 6,5% que s’était fixé Peeters II et Bourgeois I met un point d’honneur à tenir la cadence : 45% des économies décrétées sous l’actuelle législature étaient atteintes en 2015.

Bref, ça passe. Et ça casse. Le train d’économies imposées sur une base linéaire, à l’aveugle, fait des dégâts collatéraux. Et fait couler sang, sueur et larmes.

La Cour des comptes a prélevé un échantillon représentatif de quinze entités administratives, passées au scanner pour y observer la résistance au choc. La moitié des patients avouent mal vivre la thérapie. Douze des quinze administrations pointent un risque accru de perte de qualité du service : non-respect des délais dans la gestion des dossiers; retard, report ou annulation de projets ; abandon de mesures de contrôle du travail.

La purge en cours connaît son lot de victimes. Treize des quinze entités sondées observent une hausse du stress au bureau, une augmentation des plaintes auprès de la médecine du travail et des absences pour maladie. Huit sur quinze signalent une influence négative sur la combinaison vie professionnelle-vie privée.

Le hardwerkende Vlaming, s’il est fonctionnaire, est un individu en souffrance. Il se plaint, sait de moins en moins où donner de la tête. Finit par abîmer sa santé.

Homans (N-VA) : le fonctionnaire se plaint ? Ecoutons l’usager !

Ministre régionale de la Fonction publique, Liesbeth Homans (N-VA) a bien capté le diagnostic de la Cour des comptes et ses conseils avisés : merci de veiller à plus de cohérence et de doigté dans le maniement de la hache. A faire preuve de davantage de discernement dans le dégraissage. A prêter une plus grande attention au mal-être du fonctionnaire.

Liesbeth Homans, alias « Madame Thatcher sur l’Escaut », a moyennement apprécié. Elle juge un peu facile d’avoir fait la part belle à la complainte du fonctionnaire sans prendre la peine d’entendre la version de l’usager. Reproche aux départements d’avoir fait preuve de trop peu de solidarité dans l’effort qui leur est imposé. Sans doute le surmenage et le burn-out sont-ils des valeurs en hausse dans la Fonction publique, mais tranche Liesbeth Homans, « l’augmentation est générale, y compris dans le secteur privé. » Faut-il pour autant en faire une maladie ?

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