Thierry Fiorilli

Premier ministre: Graal ou guet-apens pour le MR ?

Thierry Fiorilli Journaliste

« Rien à faire : le fédéral, ça reste la Ligue des champions ; et le régional, c’est la division 2 du championnat belge. Il suffit de comparer l’intérêt des médias : à la présentation de l’exécutif wallon, on a eu sept journalistes. Et encore, en comptant les cameramen. »

La formule, dépitée, de cette éminence grise du Parti socialiste n’explique pas à quel niveau de pouvoir correspond à la première division de football en Belgique. Mais elle illustre la réalité, du moins dans sa partie francophone : le top politique, c’est encore et toujours le gouvernement fédéral. Qu’importent les transferts de compétence et les réformes institutionnelles à répétition.

Pour celles et ceux qui ont passé un quart de siècle au plus haut échelon, passer de la Champion’s League à la D2 fait donc très mal. Au PS, en tout cas. Peut-être pas en termes collectifs, puisque l’intérêt des partis prime sur toute autre considération. Mais très certainement à titre individuel.

Le discours vaut dans le sens contraire : si l’on a un minimum d’ambition personnelle, n’en déplaise aux consignes partisanes et au sens de l’Etat, « monter » au fédéral est aujourd’hui encore censé correspondre à une promotion. Un aboutissement. On imagine aisément, dès lors, qu’au sein du MR, seul parti francophone du prochain gouvernement, beaucoup rêvent, piaffent et se placent

La place la plus prestigieuse s’offre au MR. Qu’il s’y rue !

De la même manière, il semble évident que la fonction de Premier ministre relève du Graal, pour la plupart des femmes et des hommes politiques. Tous ceux qui y ont accédé ont atteint là ce qui équivaut au sommet de leur carrière politique nationale. Et bien peu n’en sont redescendus autrement que par la volonté de l’électeur. Le pouvoir suprême, on le rend très rarement. D’ordinaire, on le perd plutôt. Et toujours trop tôt, puisqu’on y prend tellement goût.

Difficile dès lors de croire que le prochain chef du gouvernement fédéral s’installera au 16 rue de la Loi dans le même état d’esprit que celui du condamné montant sur l’échafaud. Que ce soit Charles Michel ou Didier Reynders, « l’élu » vivra à cet instant sa consécration.

Du coup, les débats actuels tournant autour du « piège » que représenterait désormais le titre de chef de gouvernement ne doivent pas tromper : avec la coalition suédoise, le futur Premier aura, en principe, moins de contorsions à effectuer que son prédécesseur : Di Rupo dirigeait un exécutif de six partis, recouvrant l’intégralité de spectre politique belge (de gauche à droite via le centre). Ce ne sera pas le cas du prochain Premier ministre : son équipe est 100 % centre-droit.

Le CD&V ayant fait du poste de Commissaire européen sa priorité, la N-VA n’ayant jamais eu l’intention d’emmener l’attelage fédéral et l’Open-VLD n’ayant objectivement que très peu de légitimité pour réclamer le poste, le MR, sachant très bien, en théorie, dans quelle aventure il s’est lancé, puisque c’est lui qui en a échafaudé les plans, n’a en somme aucune raison de tergiverser. La place la plus prestigieuse s’offre à lui et il est le seul parti qui peut aligner deux candidats qui ne feraient pas un Premier ministre au rabais. Qu’il s’y rue. L’occasion ne se présentera plus de sitôt. A ses risques et périls. Comme ça a toujours été le cas. Pour tous ceux qui ont pris les commandes suprêmes. Demandez à Elio.

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